La proposition de loi adoptée hier
PARIS - Le Sénat a adopté jeudi soir avec une courte majorité la proposition de loi sur le droit de vote et d'éligibilité des étrangers non communautaires aux élections municipales présentée par la gauche et à laquelle le gouvernement est hostile.
La proposition de loi, soutenue par les sénateurs socialistes, écologistes et communistes, a été adoptée à 173 voix pour, et 166 contre.
Un résultat dont s'est félicité le groupe socialiste et apparentés Europe Ecologie-Les Verts dans un communiqué, alors même que le texte a peu de chances d'être adopté par une Assemblée nationale majoritairement à droite.
A cinq mois de l'élection présidentielle, le Sénat a été le théâtre d'oppositions très vives entre droite et gauche sur ce sujet jeudi, en présence du Premier ministre François Fillon, du ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, et de celui de la Justice, Michel Mercier.
Sous les huées des sénateurs de gauche et les applaudissements de la droite, François Fillon a réaffirmé en ouverture de séance son attachement au lien entre nationalité et droit de vote en France, disant voir dans ce texte un "travail de sape d'un des fondements" de la République.
"Avec cette proposition, la gauche s'engage dans une voie dangereuse avec légèreté. Elle prend le risque de vider la nationalité et la citoyenneté française de leur substance", a-t-il déclaré en conclusion d'une allocution d'une vingtaine de minutes.
Claude Guéant a accusé le PS de ressortir ce texte, qui faisait déjà partie des "110 propositions" de François Mitterrand en 1981, "avec une régularité d'horloger" avant chaque élection.
"C'est révélateur de votre sens des priorités", a-t-il dit.
Les sénateurs de gauche ont accusé le gouvernement et le parti de la majorité de "stigmatiser" les étrangers et d'utiliser ce thème pour récupérer les voix du Front national.
Esther Benbassa, sénatrice d'Europe-Ecologie-Les Verts et rapporteur du texte, a suscité l'enthousiasme à gauche de l'hémicycle en reprenant dans sa voix en début de séance d'anciennes prises de parole de Nicolas Sarkozy, Jean-Pierre Raffarin ou encore Brice Hortefeux en faveur du vote des étrangers aux élections locales.
La bataille idéologique autour du vote des étrangers avait commencé dans la rue avant la discussion du texte, avec les manifestations du Front national d'un côté et de partis de gauche et associations de l'autre.
"COMMUNAUTARISME"
Reprenant un argument avancé à plusieurs reprises par divers membres de son gouvernement, le Premier ministre a estimé que le vote des étrangers aux élections municipales faisait courir le risque de "communautariser le débat public".
"Il n'est sans doute pas de pire ferment du communautarisme que l'onction du suffrage universel donnée à des candidatures qui seraient tentées de miser sur leur caractère ethnique", a-t-il dit.
Une position dénoncée par la gauche, qui voit au contraire dans le droit de vote des étrangers aux élections municipales un "outil d'intégration".
Le texte offre la possibilité aux étrangers d'être élus aux postes de conseillers municipaux, mais pas à ceux de maire et d'adjoint au maire.
François Fillon a également remis en cause le fait que le Sénat puisse être saisi de ce texte 11 ans après avoir été adopté par une Assemblée nationale de gauche sans que le Sénat, alors à droite et passé historiquement à gauche en septembre, n'ait jusque-là suivi.
"Cette initiative n'a (...) plus le moindre lien avec la représentation nationale actuelle, ce qui pose un problème au regard de la clarté démocratique", a-t-il déclaré.
Depuis 1998, les citoyens de l'Union européenne sont éligibles et peuvent voter aux élections municipales au même titre que les nationaux, une différence de traitement vivement dénoncée par la gauche sénatoriale.
Sur ce point, le Premier ministre a déclaré que le choix d'accorder le droit de vote aux Européens correspondait à une volonté de voir émerger une "citoyenneté européenne".
Une large majorité des Français (61%) est favorable au vote des étrangers, selon un récent sondage BVA.
SOURCE : Reuters