Ce n’était pas la face la plus connue de Stéphane Hessel, mais l’ancien résistant était aussi un fervent défenseur de l’environnement. Anti-nucléaire convaincu, il martelait sans cesse que la dignité des hommes passait aussi par le respect de la planète.
« Résister aujourd’hui, c’est lutter contre les mortelles dérives du capitalisme barbare, qui aggrave les injustices sociales, tue des milliers d’hommes sur la planète et aggrave l’état de la terre, du ciel, de l’eau », écrivait-il.
Il reconnaissait volontiers qu’au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, tout le monde pensait que les ressources naturelles étaient infinies. Qu’elles étaient à disposition des hommes pour contribuer à leur développement et leur enrichissement. Aucune place n’a été réservée d’ailleurs à la protection de l’environnement dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, à laquelle Stéphane Hessel a contribué.
Mais à la veille de sa mort, il tissait un lien indéfectible entre l’homme et son environnement. Pour lui, point de salut si la préservation de l’un se fait au détriment de l’autre. Et c’est une conception que nous partageons totalement, à Greenpeace.
L’activisme n’est pas un crime, et pourtant...
Stéphane Hessel était également un partisan de la désobéissance civile. Il évoquait des « protestations énergiques et justifiées » à propos des actions menées par Greenpeace et d’autres sentinelles de la planète. Il avait compris depuis longtemps que l’activisme n’est pas un crime. Et il est bon de le rappeler encore aujourd’hui, alors que les peines prononcées contre les militants pacifiques partout dans le monde sont toujours plus lourdes.
En Russie, les lois se durcissent année après année pour empêcher toute opposition au pouvoir. En Indonésie, un texte de loi en cours d’examen pourrait signer la mort de la liberté de manifestation et d’expression s’il venait à être adopté par le Parlement.
En Europe aussi, les activistes paient cher leur engagement pour une cause. Et souvent, ce sont les entreprises qui réclament des peines lourdes. Au Royaume-Uni, EDF réclame 5 millions de livres à plusieurs membres d’une association locale qui étaient entrés dans une centrale à gaz.
« L’indignation doit prendre une nouvelle forme »
L’an dernier, Shell avait demandé des millions de dommages et intérêts à Greenpeace, pour une série d’actions visant à empêcher la compagnie pétrolière d’aller forer en Arctique. Heureusement, la justice néerlandaise a protégé la liberté de s’opposer pacifiquement à des décisions préjudiciables à l’environnement.
En France, les peines requises contre les militants non violents s’alourdissent de la même façon : six mois avec sursis pour ceux qui avaient pénétré en décembre 2011 dans des centrales nucléaires, action qui, à l’époque, avait été unanimement reconnue comme une preuve des failles de sûreté, y compris par le gouvernement en place. La résistance, la désobéissance pour l’intérêt général doivent pouvoir continuer à s’exprimer.
Stéphane Hessel était à nos côtés dans nos luttes. « L’indignation doit prendre une nouvelle forme et les jeunes générations doivent lutter contre les forces économiques qui détruisent notre environnement », expliquait-il encore récemment au micro d’une radio française. « Vivez ! », « Engagez-vous ! », « Indignez-vous ! » écrivait-il. Comptez sur nous, Monsieur Hessel. Mais vous allez nous manquer.
SOURCE : Jean-François Julliard
Directeur de Greenpeace
Publié le 28/02/2013 à 18h28