TRANSPORTS URBAINS : LA CFTU DÉBOUTÉE DE TOUTES SES DEMANDES

Martinique – 12 avril 2021, le Tribunal Administratif s’est prononcé sur quatre requêtes déposées par la Compagnie Foyalaise de Transports Urbains (CFTU), titulaire d’une convention de délégation de service public (DSP) conclue le 2 janvier 2012 avec la CACEM pour une durée de 12 années.

Annoncées à grand renfort médiatique, ces quatre requêtes de la CFTU viennent de trouver leur épilogue devant le Tribunal administratif de la Martinique qui a rejeté la totalité des demandes de l’ex-délégataire.

 

Au-delà des sempiternelles gesticulations hertziennes, l’analyse des quatre jugements démontre bien que la CFTU a été déboutée sur toute la ligne :

 

  1. de sa demande de reprise des relations contractuelles et de réparation des préjudices qu’elle dit avoir subis du fait de la résiliation de la Convention de DSP et que la CFTU estime à 18.007.696 € (voir jugement n°2000101 en PJ).

Quant aux conclusions indemnitaires présentées par la CFTU, elles ont été jugées irrecevables par le Tribunal.

 

  1. de sa demande de versement de 30.734.835 € majorée des intérêts moratoires en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis du fait des manquements de Martinique-Transport à ses obligations contractuelles. (voir jugement n° 1900658 en PJ)

 

  1. en partie de sa requête en annulation du titre de recettes de 34.838, 27 € (voir jugement n°1900192 en PJ)

 

  1. de sa requête en annulation du titre de recettes de 5.105 € émis le 6 décembre 2018 par l’Établissement public Martinique-Transport (voir jugement n°1900209 en PJ)

 

 

Pour mémoire, il convient de resituer ce litige dans son contexte des années 2016-2019. 

En effet, dès le 17 décembre 2018, face aux trop nombreux manquements aux obligations contractuelles du Groupement Momentané d’Entreprises (GME Mozaïk) dont la CFTU est le mandataire, le Conseil d’administration de la nouvelle autorité unique, MARTINIQUE-TRANSPORT a dû annoncer la résiliation de cette DSP mettant ainsi fin au calvaire des usagers du réseau Centre. La  décision de résiliation effective survenue le 17 décembre 2019 est motivée par la suppression de lignes, l’absence d’investissement et un parc de matériel roulant défaillant sur un réseau en proie à des droits de retrait et autres grèves à répétition.

 

On se souvient encore des protestations de ces usagers qui, désabusés par 90 jours d’arrêts de service au cours de l’année 2018 et face à l’absence de bus sur certaines lignes du réseau de Schoelcher et Saint-Joseph, étaient descendus dans les rues pour manifester leur mécontentement. Un mouvement citoyen suffisamment rare en Martinique pour qu’il soit pris en compte par les élus de Martinique-Transport.

 

Force est de constater, nonobstant des salaires de Ministres de principaux cadres et dirigeants de la CFTU (à quand la transparence ?) et l’absence d’un véritable service public de transport, les dirigeants de la CFTU ont décidé de poursuivre l’autorité unique de transports devant la juridiction compétente pour contester la résiliation prononcée le 17 décembre 2019.

 

Les deux principales requêtes portent d’ailleurs sur la résiliation de cette délégation de services publics où Martinique-Transport a honoré ses obligations contractuelles notamment par le versement au GME Mozaïk de la contribution forfaitaire obligatoire soit 53 Millions d’euros au titre de l’année 2018 et 54 Millions d’euros pour 2019. Mais, voyons de plus près ces deux jugements :

 

Jugement n° 2000101  

Recours en reprise des relations contractuelles

            

S’agissant de la demande de la CFTU pour ordonner la reprise des relations contractuelles avec Martinique-Transport, dans le cadre de la délégation de service public du 2 janvier 2012 et relative à l’exploitation du réseau du secteur Centre ainsi que celle du versement de la somme de 18.007.696, 39 €.

 

Martinique Transport a constaté, lors de la réunion de son conseil d’administration le 17 décembre 2019, que la CFTU n’avait pas remédié aux manquements contractuels visés par la mise en demeure et que ces manquements constituaient soit des transgressions répétées, soit des inobservations graves des clauses de la Convention.

 

Le Tribunal conclut, compte tenu des relations entre Martinique Transport et la CFTU et de la circonstance que Martinique Transport ait institué de nouvelles modalités d’exploitation du réseau, « qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la reprise des relations contractuelles et rejette ainsi les conclusions présentées par la CFTU sur ce fondement ».

 

D’où la décision motivée du Tribunal:

 

Article 1 : La requête de la Compagnie foyalaise des transports urbains est rejetée

 

 

Jugement n° 1900658 

Contentieux indemnitaire

 

La CFTU demandait au Tribunal de condamner Martinique Transport à lui verser la somme de 30.734.835,10 euros, majorée des intérêts moratoires à compter du 7 juillet 2019, en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis du fait des manquements de Martinique Transport à ses obligations contractuelles.

 

Martinique-Transport conclut au rejet de la requête estimant que sa responsabilité n’est pas engagée dès lors qu’il n’a commis aucune faute et que le lien de causalité entre les fautes et les préjudices allégués par la requérante n’est pas établi ce d’autant que la CFTU a elle-même commis des fautes de nature à exonérer l’autorité délégante de responsabilité.

 

Le Tribunal administratif rejette l’ensemble des griefs invoqués par la CFTU dans sa requête, les considérant non constitutifs d’une faute, de nature à engager la responsabilité de Martinique Transport, à l’exception de l’instauration d’une journée gratuite.

 

Sur ce point, le Tribunal considère que si Martinique Transport était bien en droit de modifier le niveau de tarifs en application des stipulations de la Convention, celles-ci ne l’autorisaient pas à instaurer une journée exceptionnelle de gratuité du réseau, cette décision ayant pour effet d’empêcher la CFTU de percevoir des recettes auprès des usagers du service. Pour le Tribunal, Martinique Transport a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Néanmoins la demande indemnitaire de la CFTU d’un montant de 30.734.835,10 € est ramenée à 5.000 € correspondant à la gratuité du réseau accordée par le Président de Martinique Transport pour la journée du samedi 15 juin 2019 (veille de la fête des pères) suite à la sollicitation du Maire et des commerçants de la Ville de Fort-de-France.

 

En effet le considérant 14. du jugement précise : «  Il résulte de tout ce qui précède que Martinique Transport doit être condamné uniquement à indemniser la Compagnie foyalaise de transports urbains résultant de l’instauration de la gratuité sur l’ensemble du réseau, pour la journée du samedi 15 juin 2019 ».

 

Au total, sur les quarante-huit millions d’euros (48.811.484 d’€) réclamés par la CFTU, elle n’obtient que 5.000 €. Un coup dur pour l’ex-délégataire suffisamment explicite qui, visiblement n’est pas de nature à mettre un terme à l’opération d’instrumentalisation de l’opinion publique dont la CFTU est coutumière.  Il est bien vrai que les échéances électorales toutes proches font encore naître quelques appétits débordants bien éloignés de la mission de service public que les usagers sont en droit d’attendre d’une autorité de transports publics.

 

Louis BOUTRIN

1ER Vice Président

MARTINIQUE-TRANSPORT