dimanche 5 avril 2009 par la rédaction de Montray Kreyol Depuis que la Martinique a été frappée en février et début mars par cet événement social sans précédent que fut la grève générale, une espèce de fièvre obsidionale semble s’être emparée de divers secteurs de notre société : tout le monde découvre soudain l’urgence qu’il y aurait à faire des « états-généraux ». GRAN SANBLÉ MATINIK OU GRAN SANBLÉ…PPM ?
C’est Nicolas Sarkozy qui a soufflé à tout ce beau monde l’expression. Le président de la République française a mis en chantier, à la vitesse Grand V, ce qu’il appelle les « Etats-généraux de l’Outre-Mer » et a installé comme Grand Timonier de cet improbable navire le préfet Samuel, d’origine guadeloupéenne, et comme Timonier pour la Martinique, Fred Constant, professeur de Sciences politique à l’Université. Dès lors, ça a commencé à s’agiter de partout l’ex-île aux fleurs (devenue l’île au béton) : les jeunes veulent faire leurs propres états-généraux, les Rastas s’y mettent, certains agriculteurs aussi et les femmes ne sont pas en reste. Bientôt, il n’y aura guère que les « mannikou » (oppossum) à ne pas se rassembler en conclave « pour tracer les lignes du devenir martiniquais » selon l’expression pompeuse relevée dans le texte de présentation d’un de ces groupements « états-généralesques ». De tout cela, on peut tirer deux remarques attristantes : . si la Martinique n’avait pas connu une grève de 34 jours, jamais tous ces gens ne se seraient agités comme des fourmis-manioc pour « réfléchir à un autre devenir pour la Martinique » (autre citation) . si Sarkozy n’avait pas décidé d’organiser des états-généraux et s’il n’avait pas lui-même lancé cette dernière expression, chacun aurait continuer à vaquer à ses petites occupations de Français tropical satisfait d’être colonisé. Mais le plus attristant, c’est que ces promoteurs excités d’états-généraux endogènes ignorent ou feignent d’ignorer que la Martinique, que les Martiniquais et les élus que ces derniers ont démocratiquement désignés n’ont pas attendu la grève de février ni la proposition de M. Sarkozy pour se pencher sur le sort de notre pays, pour réfléchir, débattre, publier des rapports organiser des conférences publiques. Ils l’ont fait durant les dix dernières années (1999-2009), comme l’a rappelé dernièrement R. Confiant, sur ce site. Qu’on en juge : Projet Martinique, SMDE, SAR, Agenda 21 etc… Un chiffre frappe l’imagination : rien que la mise en place de l’Agenda 21 a entraîné l’organisation de 200 ateliers à travers toute la Martinique ainsi que 4 forum-citoyens. Ce n’est pas rien. Donc quand aujourd’hui, certains, par pur opportunisme politique, tirent un trait sur ces dix ans de réflexions et de travaux, non seulement ils traitent nos élus d’imbéciles et de fainéants, mais en plus ils s’assoient sur la représentation démocratique légitimée par les urnes. Ils prennent les Martiniquais pour des cons ou des marionnettes tout simplement. Parmi tous ces bonimenteurs, il y a une apparemment énorme machine appelée « Gran Sanblé Matinik ». Cette machine avance masquée, se disant ouverte à tous et à toutes, et a pour objectif déclaré d’organiser des « états-généraux martiniquais », en opposition donc à ceux de Sarkozy. En fait le « Gran Sanblé Matinik », après enquête, se révèle être un faux nez du PPM (Parti Progressiste Martiniquais) qui s’imagine tenir là sa revanche sur ses rivaux politiques, notamment le MIM (Mouvement Indépendantiste Martiniquais) et le RDM (Rassemblement Démocratique) lesquels partis avaient conjoint leurs efforts lors du Congrès du 18 décembre dernier pour faire voter un texte demandant à l’Etat français d’organiser une consultation électorale visant à replacer la Martinique dans le cadre de l’Article 74 de la constitution française. Bref de nous permettre d’aller vers l’Autonomie. On se souvient que lors des 11h de débat de ce jour-là, le PPM avait avancé avec la démarche du crabe : un pas à droite, un pas à gauche, puis un pas devant et un pas en arrière. Tout cela pour proposer quelque chose d’absolument irréaliste, voire loufoque : un « Article 74-Martinique ». Autrement dit, ils s’imaginent que l’Assemblée Nationale française et le Sénat français vont se réunir en Congrès juste pour voter un nouvel article pour la seule petite Martinique !!! Cette proposition était d’autant plus pitoyable qu’à l’époque d’Aimé Césaire, le PPM fut le chantre de l’Autonomie, cela près de 50 ans durant. Or, au moment où enfin cette autonomie semblait se profiler, voici que ce parti faisait la fine bouche, la repoussait sans vraiment la repousser, tout cela pour des raisons purement politiciennes. Au lieu d’admettre que le devenir de la Martinique est au-dessus, très au-dessus, des querelles partisanes, le PPM s’est montré indigne de l’auteur du « Cahier d’un retour au pays natal ». La grève de février fut donc un cadeau du ciel pour ce parti. La proposition d’états-généraux de Sarkozy un deuxième cadeau. Le PPM tenait là l’occasion enfin de reprendre du poil de la bête. D’où le lancement de « Gran Sablé Matinik » ! Sa présentation est habile : elle a été confiée à des intellectuels, des universitaires, des écrivains et des artistes non-encartés au PPM mais notoirement proches de lui ou en tout cas de son leader, Serge Letchimy. Sous cet habillage non-partisan, faussement non-partisan, « Gran Sanblé Matinik » s’apprête à organiser de grandes messes qui lui permettront, s’imagine-t-il, de redevenir le premier parti de la Martinique. Il n’est pas question de reprocher à des Martiniquais de réfléchir au devenir de la Martinique. Ce qu’on leur demande, par contre, c’est un minimum d’honnêteté en reconnaissant au moins deux choses : . que la Martinique sort de 10 ans d’états-généraux . que le « Gran Sanblé Matinik » est une émanation du PPM Comme cela, chacun saura qui est qui et qui fait quoi. Jean-Laurent Alcide