Europe Écologie-Les Verts (EELV), entré dans une période charnière de son histoire en accédant au gouvernement et au Parlement, devra se reconstruire pour éviter une "déformation" du mouvement entre ses cadres et sa base, estime son nouveau secrétaire national, Pascal Durand. L'avocat de 51 ans annonce la tenue d'un "grand débat" interne au parti dans les mois qui viennent, sous la forme de conventions territoriales ou d'une convention nationale. "On doit construire un nouveau mouvement. Le mouvement de l'écologie politique, dans le cadre de cette nouvelle majorité, ne peut pas être le même que dans une logique d'opposition", a-t-il dit lors d'un entretien à Reuters au siège parisien d'EELV.
"Il y a un risque de déformation du mouvement, qui serait dans la réussite à un niveau institutionnel et qui, en revanche, dans sa base militante, serait un peu perdu", ajoute-t-il. "Nous devons entrer dans une véritable dynamique d'ouverture et de dialogue avec la société." EELV, qui dispose d'un groupe au Sénat depuis septembre dernier, vient d'obtenir un groupe à l'Assemblée nationale grâce à son accord avec le Parti socialiste pour les élections législatives. Le parti a également gagné deux portefeuilles au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault avec Cécile Duflot (Logement) et Pascal Canfin (Développement).
Score historiquement faible
Mais à la suite de son très faible score aux élections présidentielles (2,3 %) et d'une campagne vivement critiquée jusque dans ses rangs, EELV semble s'être aliéné une partie de ses sympathisants et peine à trouver un écho dans la société. Pour Daniel Cohn-Bendit, il est entré dans une "ornière crépusculaire". "La capacité de l'écologie à être entendue sur ses grands fondamentaux a reculé dans la société ces derniers temps", reconnaît Pascal Durand, qui dit regretter une certaine "arrogance" au sein du mouvement.
"Je ne sais pas si Eva Joly en est la cause ou la conséquence", ajoute celui qui a dirigé la campagne de Nicolas Hulot pendant la primaire écologiste après avoir tenté de convaincre Daniel Cohn-Bendit d'être candidat. Au sortir d'une séquence présidentielle qu'il qualifie lui-même d'échec, la "course aux maroquins", fustigée par l'eurodéputé Daniel Cohn-Bendit, a contribué à écorner l'image du parti auprès de certains militants, inquiets de le voir se diluer dans la majorité, reconnaît-il. "Certaines personnes sont allées dans les médias pour paraître, pour faire les beaux, il faut sortir de cette séquence-là", juge Pascal Durand.
Prochain congrès en 2013
Le prochain congrès d'EELV, prévu en 2013, "sera peut-être l'inscription d'une nouvelle séquence, comme Europe Écologie a été une nouvelle séquence", espère-t-il. En novembre 2010, après le très bon score d'Europe Écologie aux élections européennes de 2009 (16,3 % des voix), la coalition menée par Daniel Cohn-Bendit a fusionné avec le parti des Verts dirigé par Cécile Duflot. Le nouveau patron d'EELV appelle aujourd'hui de ses voeux une transformation du même ordre, sans en préciser les modalités ni se prononcer sur un éventuel changement de nom.
Il va falloir "démontrer qu'on peut être à la fois dans les responsabilités et en même temps conserver ce qui fait notre différence", dit-il. "On le fait dans les régions, dans les villes, il faut qu'on arrive à le faire au niveau national, avec une difficulté, c'est que nous avons de vraies divergences de projet de société avec une partie de nos partenaires", ajoute-t-il. Des divergences particulièrement notables sur le dossier nucléaire. EELV est partisan d'une sortie du nucléaire, alors que François Hollande souhaite réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité française de 75 à 50 % d'ici à 2025 et a annoncé qu'il ne fermerait que la centrale alsacienne de Fessenheim, contrairement à ce que prévoyait l'accord entre écologistes et socialistes.
"Faire bouger les lignes" (Pascal Durand)
"Nous sommes minoritaires au sein d'une majorité qui n'est pas convaincue, donc notre rôle politique du moment, c'est d'arriver à faire bouger les lignes sur ce que nous considérons comme essentiel", estime Pascal Durand. Les deux ministres écologistes n'ont "pas vocation à faire des commentaires" en dehors du champ de leur ministère, reconnaît-il, mais à avancer sur les dossiers qui sont les leurs. Et si le gouvernement ne va pas dans la bonne direction, ou pas assez loin, ce sera au parti de "sortir". Les parlementaires, eux, devront faire des propositions de loi, même si elles ont peu de chances d'êtres adoptées, dit-il. Aux côtés de la majorité, "ils feront entendre leur voix", assure-t-il.
Fin juin, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, avait suscité la colère des écologistes en déclarant qu'au Parlement ils auraient la liberté d'expression mais pas de vote.