LE PORTUGAL EN PREMIÈRE LIGNE
"Il n'y a aucun rapport entre le Portugal et l'Irlande." José Socrates, Premier ministre socialiste portugais, a beau le marteler, les marchés font la sourde oreille. L'annonce d'une intervention de l'UE et du FMI pour alléger le fardeau de la dette irlandaise n'a visiblement pas rassuré les investisseurs : les taux réclamés pour financer la dette portugaise restent à des niveaux élevés. Pourtant, contrairement à l'Irlande, Lisbonne ne connaît pas de forte crise de son secteur bancaire, ni de bulle immobilière. Mais le Portugal souffre d'un modèle de croissance en panne et d'un manque de compétitivité. Depuis 10 ans, le pays vit avec une croissance anémique. Les marchés doutent donc de la capacité du gouvernement de réduire le déficit budgétaire de 9,3 % en 2009 à 7,3 % d'ici à la fin de l'année. Leur inquiétude s'explique aussi par des perspectives peu encourageantes en 2011. Alors que la plupart des mesures d'austérité doivent entrer en vigueur, le pays pourrait replonger en récession. Il sera alors difficile, voire impossible, de réaliser l'effort titanesque de réduction du déficit public prévu par le gouvernement, de 7,3 % à 4,6 % du PIB ! En avril-juin, le refinancement de 9,46 milliards d'euros d'emprunts obligataires fera figure de test.
L'ESPAGNE AU BORD DE LA RÉCESSION
Le gouverneur de la Banque d'Espagne le reconnaît, les effets de la crise irlandaise "se sont étendus" de manière "rapide" aux pays périphériques de la zone euro et ils "se sont fait sentir" sur la dette espagnole. En témoignent les taux servis pour l'émission de bons du Trésor à trois et six mois mardi, qui ont atteint près du double de ceux de la précédente émission. Pour Thibault Mercier, spécialiste des PIGS (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne) chez BNP Paribas, Madrid est pourtant loin d'être insolvable (en 2009, la dette était contenue à 53,2 % du PIB) et ne court pas de risque de liquidités. Mais les doutes persistent sur la capacité du gouvernement à résorber le déficit public creusé en 2009 (11,2 % du PIB), alors que l'économie devrait connaître une récession en 2010, mais aussi en 2011, selon les estimations pessimistes de la Banque. Le plan d'austérité devrait peser sur la dynamique économique du pays, alors que les ménages et les entreprises cherchent à se désendetter. L'hypothèse d'un appel à l'aide de l'Espagne fait d'autant plus peur aux Européens que sa taille n'a rien à voir avec la Grèce et l'Irlande. À lui seul, le PIB espagnol pèse près de 12 % du PIB de la zone euro ! Dans ces conditions, le fonds de soutien européen pourrait ne pas suffire.
L'ITALIE, LA GRANDE PEUR
Pour l'économiste canadien Robert Mundell, l'Italie constitue "la plus grande menace" qui soit pour la monnaie unique européenne. Le Prix Nobel d'économie, souvent présenté comme l'inspirateur de la création de la zone euro, s'inquiète de l'endettement public de la péninsule, qui a atteint environ 116 % du PIB en 2009 (soit environ 1.800 milliards d'euros). Après le Portugal et l'Espagne, l'Italie est la prochaine sur la liste, confirme Antonio Garcia Pascual, économiste responsable de l'Europe du Sud chez Barclays Capital à Londres, cité par Bloomberg. Si le déficit du pays a été contenu à 5 % du PIB en 2009, en l'absence d'un véritable plan de relance de l'économie, l'ampleur de la dette inquiète. D'autant que le président du Conseil, Silvio Berlusconi, doit faire face à une remise en cause de sa majorité au Parlement.
LA FRANCE, UNE BONNE ÉLÈVE EN SOUFFRANCE
Les plus pessimistes estiment que l'Hexagone n'échappera pas à l'effet domino de la crise de la dette en zone euro. C'est le cas de l'économiste américain Nouriel Roubini, qui avait anticipé la crise des subprimes. Il a estimé vendredi dernier que les finances publiques de la France n'étaient pas "en bien meilleur état" que celles de la périphérie. "C'est juste que, comparés aux autres, ils n'en sont pas encore au même point", admet-il néanmoins. La France conserve tout de même sa note AAA, la meilleure possible attribuée par les agences de notation. La réforme des retraites peut d'ailleurs être considérée comme un signal positif envoyé au marché quant à la capacité de la France d'entamer la réduction de sa dette à moyen terme. Dans sa programmation des finances publiques 2011-2014, le gouvernement espère inverser la tendance à la hausse à partir de 2012 : à cette date, la dette publique devrait atteindre un record de 87,4 % du PIB, puis commencer à décroître lentement.
SOURCE : LePoint.fr