CARACTERISTIQUES TYPOLOGIQUES ET DYNAMYQUES DES RIVIERES DE LA MARTINIQUE


Image ExempleRésumé

En Martinique, les rivières se scindent en deux types : torrentiel et de « type mixte ». Au nord et au sud de l’île, les rivières appartiennent au type torrentiel car elles prennent appui sur des reliefs pentus, s’écoulent sur un substratum affouillable et présentent un régime hydrologique saccadé. Au centre, les modalités d’écoulement sont différentes car drainant en amont un encadrement de mornes vigoureux avant de s’écouler à travers une plaine, les rivières adoptent un fonctionnement mixte : torrentiel en amont, de plaine en aval.

Ces rivières présentent des dynamiques très différentes. Les rivières torrentielles, aux manifestations érosives très médiatiques, n’engendrent qu’une vulnérabilité à court terme. A l’inverse, les rivières de type mixte, aux dynamiques accumulatrices sournoises et insidieuses, génèrent une importante vulnérabilité écologique dont les incidences ne s’inscrivent qu’à long terme ; l’envasement de la baie de Fort-de-France en est l’exemple le plus frappant.

1. Introduction

Ces dernières années, la Martinique a été frappée par de nombreuses catastrophes hydrologiques : les inondations de mai 1981 au Vauclin, de septembre 1988 au François ou encore d'octobre 1990 sur l’ensemble de l'île, marquèrent les mémoires d’une empreinte indélébile. Mais c'est l'année 1993 qui fut la plus marquante, car en l'espace d'un mois (le 14 août et le 13 septembre), se succédèrent deux catastrophes hydrologiques de grande ampleur. Les flots boueux dévalèrent les mornes, inondèrent les bourgs, endommagèrent les infrastructures et à cette occasion la Martinique redécouvrit les crues par ruissellement torrentiel. Ces événements réveillèrent en nous des souvenirs trop vite oubliés et mirent en relief notre évidente vulnérabilité.

Pour prendre conscience de la vulnérabilité des populations riveraines et tenter de la pallier, il importe de définir les types de rivières qui drainent l’île et de détailler leurs principales caractéristiques dynamiques.

2. Caractéristiques orographiques et présentation typologique des rivières

La Martinique se scinde en trois régions topographiques distinctes. Si ces données sont connues et peuvent paraître banales, rappelons que les rivières qui drainent l’île prennent appui sur l’orographie locale et adoptent ainsi ses principales caractéristiques morphologiques. C’est à partir de ces caractéristiques morphologiques, qu’il est possible de catégorier les rivières et par conséquent d’en extraire une typologie.

La Martinique est constituée de trois secteurs :

- le nord, fortement montagneux, s’organise autour de deux groupes de massifs (la Montagne Pelée et le massif des cinq Pitons du Carbet) dont les contreforts sont extrêmement pentus.  Dans le détail, la Montagne Pelée est un dôme circulaire, une coupole aux fortes pentes d’où s’écoulent de manière rayonnante de nombreuses rivières. Il s’agit principalement de torrents dont le profil demeure extrêmement pentu du sommet à la base. Bien que disposant d’une structure beaucoup plus aérée, le massif des cinq Pitons du Carbet est drainé par des rivières qui s’apparentent globalement à celles de la Pelée.

- le sud, présente une orographie moins élevée (altitude moyenne 150 m environ) mais dispose de contreforts tout aussi pentus que ceux de la région septentrionale. Les rivières qui prennent appui sur ceux-ci disposent de profils en long très accentués ; il s’agit de véritables torrents, bien que leur gabarit soit plus modeste.

- au centre, les caractéristiques hydrographiques sont différentes car le relief est constitué d’une plaine, très faiblement vallonnée, dont l’altitude est par endroit sensiblement égale à celle du niveau de la mer. Les rivières qui drainent cette région ne peuvent être considérées comme de véritables « rivières de plaine » puisqu’elles prennent leur source en amont sur des versants abrupts ; elles n’appartiennent pas non plus au type torrentiel, puisqu’elles présentent un profil sub-horizontal en aval. Ces rivières ont donc des caractéristiques mixtes ; aussi proposons-nous de les appeler « rivières de type mixte ».

S’il existe deux types de rivières en Martinique (des torrents au nord et au sud de l’île et des « rivières de type mixte » au centre), détaillons leurs principales caractéristiques morphologiques et dynamiques.

3. Les torrents : caractéristiques morphologiques

3.1 Les critères de définition des torrents

Les torrents se définissent par quatre caractéristiques fondamentales :

- il s’agit d’organismes hydrologiques relativement courts dont la longueur excède rarement 18 km ;

- ces organismes sont très pentus car leur inclinaison varie en moyenne de 9 à 22 degrés ;

le  substratum sur lequel ils s’écoulent est toujours friable (argile, cendres, ponces, etc.) ce qui facilite l’affouillement ou l’incision linéaire ;

- enfin, leurs écoulements sont irréguliers, puisqu’en l’espace de quelques heures des écoulements moyens (1 à 3 m3.s-1) peuvent alterner avec des crues violentes (100 à 800 m3.s-1).

Les torrents se composent de trois sections : un bassin de réception, un chenal d’écoulement et un cône de déjection.

3.2 Le bassin de réception 

Il s’agit d’une surface de collecte ou de concentration des eaux de pluie à partir de laquelle se forme le torrent. Localisé au sommet des mornes et des montagnes (donc très pentu), cet entonnoir, fortement incliné, épouse les principales caractéristiques morphologiques des régions sur lesquelles il prend appui. Sa superficie varie de un à quatre kilomètres carrés environ.

En raison de l’excentricité de la Montagne Pelée (située à un tiers de la côte Caraïbe et deux tiers de la côte Atlantique), les bassins de réception de la côte Caraïbe sont trapus, pentus et peu étendus ; leur superficie ne dépasse guère 1 km2. La concentration des eaux (c’est le laps de temps qui s’écoule entre le moment où il pleut et le moment où l’eau pluviale ruisselle) se fait donc rapidement (de 15 à 30 minutes) et l’écoulement aussi.

Côté Atlantique, les bassins de réception sont beaucoup moins pentus, trapus et surtout beaucoup plus développés (superficie moyenne de 2 à 3 km2) ; la concentration des eaux étant plus lente (de 30 à 60 minutes environ), l’écoulement l’est tout autant.

3.3 Le chenal d’écoulement

Le chenal d’écoulement qui constitue la zone médiane du torrent permet l’évacuation des eaux collectées par le bassin de réception. Il s’agit d’une gouttière d’incision, modelée comme un véritable canyon, dont la profondeur est toujours supérieure à la largeur (la profondeur moyenne du chenal est de 25 m et sa largeur d’une dizaine de mètres). D’une inclinaison variant de 25 à 45 % environ, ce chenal présente un emboîtement des lits mineur et majeur ce qui empêche tout débordement. Ce chenal ne génère donc aucune vulnérabilité pour les éventuelles populations riveraines.

3.4 Le cône de déjection

Contrairement au chenal d’écoulement, le cône de déjection est une zone de réception qui se caractérise par une surface faiblement inclinée (2 à 3 %) et beaucoup plus large que profonde. Au niveau du cône de déjection, il ne peut y avoir à la manière du chenal d’écoulement confusion entre les lits ordinaire et majeur ; il y a donc deux lits : le lit ordinaire, encadré par des berges, et le lit d’inondation, qui s’étend de part et d’autre. Cette absence de confusion des deux lits, souligne les risques d’inondations auxquels sont soumis ce secteur. En Martinique, de nombreux lotissements étant construits sur ou à proximité des cônes de déjection (au Carbet, par exemple), la vulnérabilité des populations riveraines est particulièrement exacerbée. Rappelons que les cônes de déjection sont faciles à circonscrire géographiquement puisqu’ils sont recouverts de volumineux blocs volcaniques.

3.5 Comparaison des profils en long des rivières Roxelane (côte Caraïbe) et Capot (côte Atlantique)

La rivière Roxelane peut être considérée comme l’archétype des rivières torrentielles. Elle prend  sa source vers 1000 m d’altitude aux abords du cône de la Pelée et effectue les 9,5 km de son parcours sur une pente moyenne de 10,5 %. Si cette inclinaison peut paraître modeste, notons qu’à proximité de sa source son inclinaison est supérieure à 40 %. Son profil en long très pentu et parfaitement concave est favorable aux écoulements violents.

Bien que n’ayant pas exactement le même profil (la rivière Capot a une inclinaison moyenne de 2,9 %), la rivière Capot appartient, elle aussi, au type torrentiel ; dès lors, comment expliquer ces différences ?

Ces différences résultent de l’excentricité de la Montagne Pelée. La Pelée étant plus proche de la côte Caraïbe que de la côte Atlantique, côté caraïbe ses contreforts sont courts et très pentus ; côté Atlantique ses contreforts sont beaucoup plus longs et surtout beaucoup plus déliés (faiblement inclinés). Les rivières qui prennent appui sur ces contreforts adoptent donc leurs principales caractéristiques morphologiques. Ainsi, bien qu’appartenant au type torrentiel, la rivière Capot présente un profil en long très différent du profil standardisé de la rivière Roxelane. Les torrents présentent donc des aspects différents en fonction des versants et des régions qu’ils drainent.

4. Les « rivières de type mixte » : caractéristiques morphologiques

4.1 Pourquoi une telle appellation : « rivières de type mixte » ?

Les rivières qui drainent le centre de l’île prennent leur source en amont sur des mornes vigoureux et présentent des modalités de drainage particulières. Ces rivières perdent les deux tiers de leur énergie dans les premiers kilomètres de leur parcours et disposent d’une pente quasiment nulle (< 0,5 %) sur les derniers kilomètres les menant à leur exutoire. Ainsi, vu leur morphologie pentue en amont et sub-horizontale en aval, il est difficile de classer ces rivières dans le type torrentiel ou de plaine. C’est ce qui justifie leur appellation « rivières de type mixte ». Comme les torrents, ces rivières se composent de trois sections : une aire de réception, un  canal d’écoulement et une aire de déjection.

4.2 L’aire de réception 

Les « rivières de type mixte » disposant en amont de caractéristiques torrentielles, leur aire de réception présente les mêmes caractéristiques morphologiques que celles des torrents. Localisé au sommet des mornes et des montagnes, cet entonnoir, fortement incliné, épouse les principales caractéristiques morphologiques des régions sur lesquelles il prend appui.

4.3 Le canal d’écoulement

Si le chenal d’écoulement torrentiel présente une structure homogène, il n’en est pas de même du canal d’écoulement des « rivières de type mixte » qui se scinde en deux secteurs : amont et aval.

En amont, il s’agit d’un chenal taillé en « V », aux parois sub-verticales, qui reprend toutes les caractéristiques du chenal d’écoulement torrentiel : très forte inclinaison, confusion des lits mineur et majeur, absence de débordement et de vulnérabilité pour les éventuelles populations riveraines. En aval, le chenal subit des mutations morphologiques sous l’effet de la réduction de la pente. Ainsi, le canyon taillé en « V » se transforme en un chenal beaucoup plus large que profond à l’origine de fréquents et violents débordements.

 

4.4 L’aire de déjection

Contrairement au cône de déjection torrentielle qui est faiblement incliné et encombré de volumineux blocs volcaniques, l’aire de déjection des « rivières de type mixte » se compose d’une surface sub-horizontale (inclinaison inférieure à 0,5 %) qui, du fait de sa platitude et de son extension, ne peut convenablement canaliser le flux jusqu’à son exutoire. Ainsi, la rivière s’étale sur une aire réceptrice (d’une largeur de 1à 2 km de part et d’autre de l’embouchure) qui devient progressivement marécageuse du fait de l’importance des sédiments terrigènes qui s’y accumulent. En réalité, il s’agit d’une vaste surface de décantation des eaux turbides, colonisée par des plantes halophiles.

En Martinique, l’essentiel des rivières qui se jettent dans la baie de Fort-De-France (la Lézarde, la rivière Salée, la rivière Manche, etc.) appartiennent au type mixte.

S’il existe en Martinique deux types de rivières (rivières torrentielles et « rivières de type mixte »), reste à savoir si leurs dynamiques sont les mêmes.

En réalité, ces rivières présentent des dynamiques différentes : les torrents se caractérisent par une dynamique érosive qui n’engendre qu’une vulnérabilité ponctuelle (à court terme), alors que les rivières de type mixte, aux dynamiques accumulatrices sournoises et insidieuses, génèrent une importante vulnérabilité (essentiellement écologique) dont les incidences ne s’inscrivent qu’à long terme.

5. Présentation des principales dynamiques torrentielles

Les torrents sont des machines érosives dont les principaux impacts sont l’affouillement par incision, le sapement des berges et l’excavation par érosion régressive. Lors des phases paroxysmales, les torrents transportent de grandes quantités de matériaux : des bombes volcaniques, des blocs, des graviers, des sables, des fines et des débris végétaux de toutes sortes. Les matériaux les plus volumineux (bombes volcaniques, blocs, etc.) sont transportés par roulage sur le fond du talweg, les blocs de moindre calibre sont transportés par saltation (sauts successifs) alors que les graviers, les sables et les fines sont transportés en suspension.

5.1 L’affouillement par incision

L’affouillement du chenal d’écoulement est en phase de crue la manifestation la plus fréquente. En effet, les matériaux de gros calibre, transportés par roulage et saltation sur le fond du chenal, ont tendance à ameublir, à buriner ou excaver les formations géologiques qui composent le talweg. Dans des formations hétérogènes et tendres, la largeur et la profondeur du chenal peuvent doubler en quelques heures. Il est d’ailleurs assez fréquent de voir la morphologie des chenaux torrentiels évoluer sous l’œil des riverains.

5.2 Sapement des berges et déstabilisation des versants

Le sapement des berges est étroitement lié à l’affouillement par incision. Cette manifestation consiste à user la butée de pied (la base) des berges torrentielles ; il en résulte que la strate géologique supérieure, n’étant plus soutenue, se retrouve en porte à faux et s’éboule. Cette manifestation peut engendrer en un court instant un élargissement du chenal d’écoulement de plusieurs mètres.

Plus le talweg est recouvert de cailloux et de graviers, plus ces matériaux favorisent une turbulence du flux hydrologique et un accroissement de l’érosion. Parfois, sous la violence du flux, le talweg est dépavé ; les matériaux ainsi extraits sont violemment projetés contre les berges ce qui augmente l’excavation des parois et l’éboulement des parties sommitales.

5.3 Excavation par érosion régressive

Si les mécanismes d’affouillement et de sapement des berges sont généralement considérés comme les principales manifestations érosives, les embouchures torrentielles subissent, au cours des crues, des évolutions morphologiques dont les modalités sont différentes. Lors des fortes crues, le charriage torrentiel va buriner la partie terminale du cône de déjection par érosion régressive. La pente du cours d’eau étant élevée, l’eau creuse régressivement pour diminuer sa pente et déposer sa charge sédimentaire. Cette manifestation fut observée le 14 août 1993 (tempête tropicale CINDY) aux embouchures des rivières des Pères, Claire, Sèche et du Prêcheur.

5.4 Présentation de quelques facteurs accentuant les transports solides et l’impact des torrents en aval

5.4.1 Les embâcles 

Des matériaux de grande taille (bambous, blocs rocheux, encombrants domestiques, etc.), peuvent créer des digues naturelles entravant le lit des torrents. Ces embâcles ont deux effets :

- ils augmentent le tirant d’eau à l’amont et provoquent l’extension du champ d’inondation. Les dégâts occasionnés par ce type de débordement sont peu importants car la vitesse de l’eau est faible ;

- lorsque le barrage d’embâcle cède, une onde de crue se forme ; cette dernière est d’autant plus brutale et destructrice qu’elle charrie tous les matériaux solides qui constituaient l’embâcle.

5.4.2 Les mouvements de terrain

Lors de précipitations intenses, la saturation en eau du sol peut provoquer d’importants mouvements de terrain. Ce phénomène augmente brutalement la charge solide des rivières et accroît le risque de formation de barrages d’embâcles. A titre d’exemple, le dernier effondrement survenu au Prêcheur, en février 1997, a été estimé à 1.000.000 m3 environ.

La combinaison de tous ces facteurs peut être à l’origine de crises graves.

6. Accumulations torrentielles

Ponctuellement les torrents sont à l’origine de manifestations accumulatrices. Vu l’importance de leur charge sédimentaire, dès qu’apparaît un replat ou une petite rupture de pente, la vitesse du flux hydrologique diminuant, les torrents déposent une partie de leur charge. Cette dernière n’est stockée que temporairement dans le chenal d’écoulement en attendant qu’un flux plus puissant la mobilise à nouveau.

En définitive, les torrents sous-tendent des manifestations érosives et ponctuellement quelques manifestations  accumulatrices. Bien que ces manifestations soient très médiatiques, elles n’engendrent qu’une vulnérabilité très localisée dont les incidences se mesurent à court ou moyen terme. Les services de l’état qui gèrent l’hydrographie locale ne se focalisent (à tort) que sur les torrents alors que les « rivières de type mixte » ont des impacts moins violents mais beaucoup plus nocifs pour l’environnement.

7. Présentation des principales dynamiques accumulatrices

Si nous prenons l’exemple de la rivière Lézarde qui représente l’archétype des « rivières de type mixte », nous remarquons que sa partie terminale est bordée de zones cultivées : champs de canne à sucre, bananeraies, cultures vivrières, etc.

Après les récoltes, ces surfaces cultivées n’étant plus protégées par un couvert végétal, elles sont régulièrement mitraillées par des gouttes de pluie qui désagrègent la partie superficielle du sol. Quand les précipitations augmentent, il se forme alors une croûte superficielle qui bloque la porosité du sol et interdit toute infiltration (battance). Il s’en suit une action de ruissellement qui prend en charge les particules les plus fines et les transportent jusqu’aux chenaux d’écoulement des rivières les plus proches. Les nombreux chenaux d’écoulement de la rivière Lézarde évacuent ces particules vers l’aval.

Au niveau de la rivière Lézarde, le BRGM (Bureau de la Recherche Géologique et Minière) a estimé à 50 T.km2 le flux de matières en suspension (MES) emportées par une crue annuelle. Cela correspond à une vitesse d’ablation de 1 mm.an-1 sur l’ensemble du bassin-versant. Cette ablation est 10 fois plus importante que celle observée en France métropolitaine et beaucoup plus rapide que la vitesse de formation naturelle du sol.

De par sa position enclavée au fond du cohé du Lamentin, les sédiments qui s’accumulent à l’embouchure de la rivière Lézarde ne subissent que très faiblement l’influence hydrodynamique marine. En effet, les courants pénètrent peu dans le cohé du Lamentin et le marnage journalier (environ 30 cm) n’est pas suffisamment important pour générer un courant de marée susceptible de mobiliser les sédiments. Toutes les conditions sont donc réunies pour que les particules terrigènes transportées par la Lézarde se déposent durablement.

A titre d’exemple, la charge sédimentaire qui s’accumule à l’embouchure de cette rivière est d’environ 100.000 m3.an-1. En 50 ans, ce sont 5.000.000 de m3 de sédiments qui furent charriés dans la baie par l’intermédiaire de la rivière Lézarde. Chaque année ce sont 50.000 m3 de sédiments qui s’accumulent à l’embouchure de la rivière Salée, 40.000 m3 aux embouchures des rivières Madame et Monsieur, 20.000 m3 à l’embouchure de la rivière La Manche et 15.000 m3 environ à l’embouchure de la rivière de Longvilliers (canal du Lamentin). Cette accumulation sédimentaire entraîne : l’envasement de la baie, la nécrose des coraux et la diminution de la ressource halieutique.

Si ces impacts sont moins violents que ceux découlant des dynamiques torrentielles, ils sont cependant beaucoup plus dommageables car ils affectent durablement l’écosystème marin.  Les platures coralliennes qui sont actuellement en cours de nécrose le seront encore dans plusieurs décennies.

En 1984, la Direction Départementale de l’Equipement (Martinique) estimait qu’au rythme actuel de l’envasement, le cohé du Lamentin serait colmaté au milieu du siècle prochain, alors que la baie de Génipa le serait approximativement en 2090. Quant on sait que le volume sédimentaire qui s’accumule dans la baie de Fort-De-France ne cesse d’augmenter, son colmatage sera vraisemblablement plus rapide que prévu.

8. Conclusion

Conclure cette communication revient à rappeler qu’il existe en Martinique deux types de rivières (des torrents et des « rivières de type mixte ») dont les caractéristiques morphologiques dépendent prioritairement de l’orographie sur laquelle elles prennent appui et des régions géographiques qu’elles drainent. Ces deux types de rivières n’ont pas les mêmes dynamiques puisque les torrents se caractérisent principalement par des dynamiques érosives, alors que les « rivières de type mixte » sont essentiellement accumulatrices.

Quoi qu’il en soit, les torrents, bénéficient de l’essentiel des aménagements hydrographiques alors que les « rivières de type mixte », plus sournoises et insidieuses envasent les baies et les culs-de-sac à un rythme soutenu sans que cela n’interpelle les fonctionnaires en charge du dossier. Souhaitons que ce travail éveille enfin les consciences et permette une rapide prise de conscience des vraies priorités. Rappelons à toutes fins utiles, que les torrents, bien que très médiatiques, n’engendrent qu’une vulnérabilité ponctuelle ou à court terme, alors que les « rivières de type mixte » sont à l’origine de manifestations dont les incidences s’inscrivent dans le long ou le très long terme ; l’envasement de la baie de Fort-De-France en est un exemple parlant.

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