L'INSERM révèle le lien entre pesticides et maladie de Parkinson
Une étude menée sur des agriculteurs français, des chercheurs de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et de l'université Pierre et Marie Curie démontre l'existence d'une corrélation entre pesticides et maladie de Parkinson. Deux des pesticides organochlorés les plus utilisés aux Antilles, Lindale et DDT, sont particulières visés.
Qu'en est-il du Chlordécone, un autre pesticide organochloré qui a empoisonné la population antillaise ? Après la politique de l'autruche et la polémique visant à discréditer les auteurs du livre "Chronique d'un empoisonnement annoncé", la vérité est en train de rattraper les auteurs de cet empoisonnement.
Arroser abondamment ses champs de pesticides peut refiler la tremblote. C’est, en substance, ce qu’il faut retenir d’une étude publiée par des chercheurs de l’unité «Neuroépidémiologie» de l’Inserm et de l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC). Elle met en relation l’exposition aux pesticides avec la prévalence de la maladie de Parkinson parmi les agriculteurs. Le résultat est net: le risque de contracter la maladie double avec l’exposition aux produits phytosanitaires. Il augmente aussi avec le nombre d’années d’exposition et, chez les hommes, est principalement lié à l’usage d’insecticides, notamment de type organochloré.
Cette étude est l'une des dernières pierres à l'édifice scientifique qui planche sur les effets sanitaires des produits phyto. Déjà, en 2006, une étude menée à Harvard considérait que l'exposition aux pesticides augmentait le risque de Parkinson de 70%. Une compilation d'études se trouve ici. La maladie de Parkinson a même été reconnue «maladie professionnelle» par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bourges pour un ancien ouvrier agricole.
La maladie de Parkinson est la deuxième maladie neuro-dégénérative la plus fréquente, après la maladie d’Alzheimer. Toutefois, elle ne touche que 1,5% de la population. Si sa cause est inconnue, elle est très rarement héréditaire. «On admet que, dans la plupart des cas, elle trouve son origine dans une combinaison de facteurs de risque génétiques et environnementaux.», déclarent les chercheurs de l’Inserm dans un communiqué.
En collaboration avec la Mutualité sociale agricole (MSA), les chercheurs ont étudié un groupe de 224 patients atteints de la maladie, qu’ils ont comparé à un groupe de 557 personnes témoins, non malades, toutes affiliées à la MSA, donc travaillant dans le secteur, de même âge et sexe et habitant dans le même département.
Au cours d’entretiens détaillés, les chercheurs ont reconstitué l’exposition aux pesticides des participants durant leur vie professionnelle. Surface des exploitations, type de cultures et de produits employés, nombre d’années et fréquence annuelle d’exposition, ou encore méthode d’épandage, autant d’informations capitales pour avoir une idée de la dose reçue. «Les résultats montrent que les patients atteints de Parkinson avaient utilisé plus souvent des pesticides et durant un plus grand nombre d’années que les témoins ; les chercheurs ont alors estimé que les agriculteurs exposés aux pesticides avaient un risque presque deux fois plus élevé de développer la maladie de Parkinson que ceux qui n’en utilisaient pas.»
Parmi les principales familles de pesticides, les chercheurs ont mis en évidence chez les hommes atteints un risque jusqu’à 2,4 fois plus élevé que chez les témoins pour les insecticides de type organochloré. Cette famille regroupe, par exemple, le lindane et le DDT, largement utilisés en France entre les années 1950 et 1990. Caractéristiques de ces produits: leurs molécules ne se dégradent pas dans l’environnement. Si bien qu’on les retrouve des années après dans l’organisme. En 2004, l’ONG WWF avait prélevé quelques millilitres de sang auprès de 39 députés européens. Les scientifiques avaient ensuite analysé les échantillons pour y quantifier la présence de 101 produits chimiques répartis en cinq familles : les pesticides organo-chlorés, les polychlorobiphényles, les retardateurs de flammes au bromure, les phtalates et les composés perfluorés. Au final, pas moins de 76 des 101 substances recherchées avaient été identifiées ! En moyenne, 41 substances ont été détectées par individu, avec un record à 54. Intéressant, surtout quand le produit n’est plus utilisé… Treize d’entre elles ont été systématiquement identifiées dans les prélèvements sanguins, dont un pesticide (le HCB) et un métabolite du DDT.
Dans le communiqué, les chercheurs de l'Inserm prennent leurs précautions: «on ne peut pas, à partir de ces résultats, exclure l’implication d’autres types de pesticides moins fréquemment utilisés» écrivent-ils. Toutefois, «aucune famille de pesticides n’a pu être spécifiquement mise en cause et le rôle du niveau d’exposition n’a pas été étudié (relation dose-effet).» De même que dire des agriculteurs qui fument, boivent, multiplient les conduites à risque et se retrouvent avec Parkinson? Existe-t-il un lien?
Par ailleurs, le niveau d'exposition est important car nous sommes tous concernés à des doses plus ou moins faibles fixées par le législateur: les LMR, limites maximales en résidus. Quel est l’impact de la contamination résiduelle régulièrement analysée dans les fruits et légumes ? Quelles seraient les conséquences d’expositions à plus faibles doses ? Peut-il y avoir un risque pour le consommateur ? Si oui, qui est en train de le calculer, de le mesurer et de réglementer ? N’est-ce que l’un des je-ne-sais-combien-ième facteurs de risque en matière de santé environnementale avec lesquels il faut vivre sans rouspéter ?
Pour lire les résultats publiés dans Annals of Neurology, c’est ici.