4° Congrès des élus de Martinique

Intervention de Claude LISE, Président du Conseil Général, Président du Congrès 


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Monsieur le Président du Conseil Régional,
Messieurs les Parlementaires, 
Mesdames et Messieurs les Membres du Congrès,
Cher(e)s Collègues,


La loi veut que le président du Conseil général assure la présidence du Congrès des élus départementaux et régionaux du 1er janvier au 30 juin.



Il me revient donc l’honneur de présider la présente séance plénière qui fait suite à celle qui s’est tenue le 18 décembre dernier, à l’Hôtel de Région, sous la présidence du président du Conseil régional.
 
Je veux, avant tout, saluer la présence à cette tribune du Président Alfred MARIE-JEANNE et souhaiter la bienvenue à tous, particulièrement, bien sûr, à ceux qui n’ont pas l’habitude de siéger dans cette enceinte.


La première séance plénière du congrès a, comme vous le savez, été l’occasion, pour une très large majorité d’entre nous, de proposer l’instauration d’un nouveau cadre institutionnel pour la Martinique.

C’est ainsi, je le rappelle, que plus de 74 % d’entre nous ont proposé que le statut de la Martinique évolue vers le régime législatif de l’article 74 de la constitution, c’est-à-dire le régime qui, en dehors des pouvoirs régaliens de l’Etat, permet d’opérer un choix entre les domaines dans lesquels les lois et règlements continuent de s’appliquer de plein droit et ceux où il est possible de disposer localement de compétences propres ainsi que d’un réel pouvoir d’adaptation.

Par ailleurs, nous avons été plus de 90 % à proposer la création d’une collectivité unique de Martinique dotée d’une assemblée délibérante unique composée de 75 membres ; plus de 61 % des élus ont souhaité que les membres de cette assemblée délibérante soient élus au sein d’une circonscription unique, sur la base notamment :

d’un scrutin de liste à la proportionnelle à 2 tours avec prime majoritaire de 4 sièges,

et de l’obligation de placer, dans les 10 premiers de la liste, deux représentants a minima de chaque circonscription législative existante (Nord Atlantique, Nord Caraïbe, Centre et Sud).

Les points inscrits à l’ordre du jour de la séance d’aujourd’hui, et qui ont été approuvés par la séance plénière du Conseil général du 14 mai dernier, vont nous permettre de donner un contenu au cadre que nous avons adopté, et cela en précisant l’organisation et le fonctionnement de l’assemblée délibérante ainsi que les compétences de la nouvelle collectivité envisagée pour se substituer aux deux collectivités territoriales actuelles, départementale et régionale.

Les autres points concernent, d’une part, la mise en place d’un conseil consultatif et d’un conseil des communes, d’autre part, une demande de report des élections régionales de mars 2010.

Ces différents points que nous allons examiner aujourd’hui n’auraient-ils pas dû être mis en débat avant le choix du cadre institutionnel ?

La question, qui a été soulevée dès le départ, ne cesse de revenir dans le débat public.

On est évidemment en droit de considérer qu’elle a été démocratiquement tranchée. Mais je crois, pour ma part, qu’il n’est pas bon de laisser planer un doute sur la logique qui a guidé nos travaux ; d’autant qu’il est facile de lever ce doute.

Il suffit pour cela de rappeler tous les travaux effectués et tous les débats engagés par les élus locaux, depuis 2001, sur la question des compétences à domicilier localement pour répondre plus efficacement aux besoins et aux aspirations des Martiniquais et pour ouvrir de réelles perspectives d’avenir.
Ainsi, nombre d’entre vous ont participé au premier congrès des élus départementaux et régionaux du 12 juin 2001, qui s’est déroulé ici même sous ma présidence, et aux travaux qui se sont poursuivis en commission et lors des 2 plénières qui se sont tenues par la suite en 2002 et 2003.

Nombre d’entre vous ont participé également à ce que l’on a appelé les Assises des libertés locales organisées en 2003 par le gouvernement de l’époque.

Nous ne partions donc pas de rien, lorsque nous avons pris la décision, l’année dernière, de convoquer l’actuel congrès.

Par ailleurs, on peut considérer que les élus ont pu largement expérimenter les limites des possibilités offertes par la réforme constitutionnelle de 2003, dans le cadre de son nouvel article 73.

Certes, les assemblées locales peuvent demander, dans leurs domaines de compétences, des habilitations au Parlement pour procéder localement à des adaptations de textes législatifs ou réglementaires ou pour fixer elles-mêmes des règlements applicables sur notre territoire dans un nombre limité de matières.

Mais la mise en œuvre de ces habilitations passe par des procédures complexes et à l’issue toujours incertaines.

Est-il besoin de rappeler, par exemple, que nous attendons depuis près d’un an et demi une réponse à une demande d’habilitation tendant à créer en Martinique un indispensable périmètre unique de transport terrestre et maritime ? 

En réalité, ce qu’il a bien fallu admettre, à l’expérience, c’est que les limites du régime de l’article 73 sont inhérentes à la finalité qui lui est fondamentalement assignée : l’identité législative.

Dans ce régime, il faut en prendre son parti, ce qui prime, c’est le droit commun. 

C’est ce qui explique qu’une majorité d’entre nous a considéré qu’il n’était plus possible de différer un choix fondamental : celui à opérer entre ce régime de l’article 73 et l’autre régime législatif expressément prévu dans le même titre de la constitution (le Titre XII) pour les collectivités d’outre mer : le régime de la spécialité législative régi par l’article 74.
Le choix a été opéré, en décembre 2008, en faveur du second et la commission de suivi, composée de 20 élus représentant toutes les sensibilités de nos assemblées, a été chargée de rechercher, dans le plus large consensus, le positionnement le plus pertinent pour la Martinique dans la gamme de possibilités offertes par l’article 74 ; une gamme qui, actuellement, va du statut de Saint-Pierre et Miquelon, très proche du statut de département d’outre mer, au statut de la Polynésie pour lequel on peut parler de statut d’autonomie.

Le travail que nous avons à faire aujourd’hui s’inscrit donc dans une démarche dont la cohérence ne peut être sérieusement mise en doute.

Je souhaite donc que nous acceptions tous de le mener à bien dans les conditions les plus efficaces possibles.

Un choix a été opéré majoritairement, de façon parfaitement démocratique. Il nous appartient de le finaliser afin d’être en mesure de demander au président de la République de le soumettre à l’approbation des citoyens martiniquais au bout d’une période suffisante pour permettre l’information de ceux-ci.

En dernier ressort, nous le savons, c’est le peuple martiniquais qui doit se prononcer sur ce qui n’est évidemment qu’une proposition d’évolution institutionnelle. C’est le peuple qui doit se prononcer, et je m’en félicite d’autant plus que je me suis battu pour obtenir que soit inscrite dans une loi cette consultation obligatoire, qui a fini par être constitutionnalisée.

Il est évidemment tout à fait normal que nous ne soyons pas tous d’accord sur le projet qui sortira de nos travaux ; mais, permettez moi de le dire, avec gravité, il y a un devoir que tous nous devons nous imposer, c’est celui de permettre au peuple martiniquais d’opérer son choix dans les meilleures conditions possibles.

Alors, j’entends bien ceux qui disent qu’il faut laisser plus de temps au peuple. Mais, chers collègues, cela fait plus d’un demi-siècle que le problème de l’évolution institutionnelle est posé ! Jusqu’à quand reculera-t-on l’échéance, tout en répétant sans cesse que les problèmes s’aggravent, que l’horizon est de plus en plus lourd de menaces et que notre jeunesse désespère de l’avenir ?

Et qui ne voit le risque qu’encourt la Martinique, dans une période où la France s’apprête à réformer ses institutions, de laisser les mains libres à un pouvoir central toujours enclin à faire à notre place ; toujours tenté, pour ne pas s’éloigner du droit commun, de plaquer sur nos réalités différentes des dispositions conçues pour l’hexagone.

En réalité, si l’on veut que le peuple soit prêt à se prononcer sur son avenir, ce qu’il faut, c’est avant tout lui offrir un débat démocratique de qualité. Un débat dépassant les intérêts personnels et partisans ; un débat dégagé de tout ce qui tend à jeter la confusion dans les esprits ; un débat dans lequel il importe de privilégier les arguments rationnels, au lieu de céder aux facilités de la dramatisation ; au lieu de céder à la tentation de manipuler le virus de la peur qui, une fois inoculé, soyons-en parfaitement conscients, ne peut que contaminer, et pour longtemps, le débat institutionnel. 

Ce que je souhaite, en tout cas, c’est que nous veillions à ce que les débats que nous aurons au cours de cette séance répondent d’ores et déjà à ces exigences.

Chacun de nous doit s’en faire un devoir. Car chacun de nous doit, compte tenu des enjeux pour la Martinique, prendre, face au peuple martiniquais, toute la mesure de ses responsabilités
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