POLYNESIE - "L'insubmersible" rattrapé par la Justice

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Le Sénateur Gaston Flosse a été placé en garde à vue vendredi matin dans les locaux de la Division nationale d'investigation financière (DNIF) de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine.

Preuve est ainsi faite que, même dans la cadre d'un statut d'Autonomie régi par l'Art. 74, la justice s'applique aux élus de ces territoires et que le risque d'un "potentat tropical" redouté par certains n'existe pas. Contrôle de la Cour des Comptes, contrôle du Conseil d'Etat, justice et les lois de la République demeurent la règle, y compris pour un ex-président du gouvernement de Polynésie. 

"Puisqu'il y a des accusations contre moi, la garde à vue est tout à fait normale, et je n'ai pas du tout l'intention de me soustraire à la justice. Bien sûr que j'ai l'intention de me rendre à la convocation du juge", avait réagi le sénateur de Polynésie après la levée de son immunité parlementaire , mercredi, par le bureau du Sénat

Gaston Flosse est mis en cause dans une affaire de détournement de biens sociaux et de corruption active dépassant 1,5 million d'euros. Sept personnes ont été mises en examen dans ce dossier, dont l'ancien député Émile Vernaudon, plusieurs anciens hauts responsables de l'OPT, la secrétaire personnelle de Gaston Flosse et l'homme d'affaires Hubert Haddad. En vertu de son immunité parlementaire, Gaston Flosse, ex-UMP, ancien secrétaire d'État de Jacques Chirac, plusieurs fois président polynésien, n'a encore jamais été interrogé dans ce dossier.  

 

"L'insubmersible" Gaston Flosse, 78 ans, homme fort de la Polynésie française pendant une trentaine d'années, a fini par être rattrapé par des affaires de justice auxquelles il avait réussi à échapper tout au long de sa carrière. Le bureau du Sénat a décidé mercredi de lever partiellement l'immunité parlementaire du sénateur de Polynésie dans le cadre d'une affaire de détournement de biens sociaux et de corruption active. Premier président du gouvernement de la Polynésie française en 1984, il a eu le pouvoir à Papeete à quatre reprises : de 1984 à 1987, de 1991 à 2004, d'octobre 2004 à février 2005 et de février à avril 2008. 

Né le 24 juin 1931 à Rikitéa, dans l'archipel des Gambier, d'un père lorrain et d'une mère polynésienne, il ne parle que la langue de son île natale, Mangareva, lorsqu'il arrive à Tahiti pour continuer ses études. D'abord instituteur, puis agent d'assurances, ce "demi" (métis), comme on dit en Polynésie, se lance en politique sous la protection d'un avocat, Rudy Bambridge, et devient en 1965 maire de Pirae (Tahiti), après avoir rejoint le mouvement gaulliste en 1958. 

Défenseur de l'autonomie 

Déjà président de l'assemblée territoriale, il se déplace en 1976 à Egletons, en Corrèze, où Jacques Chirac prépare sa prise de contrôle du RPR, aujourd'hui UMP. Il est député RPR de Polynésie de 1978 à 1982, puis de 1993 à 1997, avant d'être élu sénateur en 1998. Ardent défenseur de l'autonomie de la Polynésie, qu'il considère alors comme "le meilleur rempart contre l'indépendance", il obtient un statut d'autonomie interne en 1984. La gauche est au pouvoir, mais le ministre de la Défense, Charles Hernu, franc-maçon comme Gaston Flosse, est en faveur d'une stabilité politique dans ce territoire que la France utilise pour expérimenter ses bombes nucléaires. Secrétaire d'État chargé du Pacifique Sud entre 1986 et 1988, Gaston Flosse défend les essais nucléaires à Mururoa, dans l'archipel des Tuamotu. Il en fait autant sept ans plus tard, lorsque Jacques Chirac, élu président de la République, décide de les reprendre. 

Une partie de Papeete est alors détruite par des émeutes à la fin de l'été 1995, mais il obtient en janvier 1996 que la métropole verse 150 millions d'euros par an à la Polynésie au titre de la "dette nucléaire", une somme depuis pérennisée. En 2004, Gaston Flosse obtient de Paris un nouveau changement de statut pour le territoire, qui lui donne encore plus de pouvoir personnel. Mais la modification de la loi électorale qu'il avait réclamée se retourne contre lui, et aux élections territoriales du 23 mai, la coalition de son adversaire indépendantiste Oscar Temaru l'emporte. 

Il est revenu une dernière fois aux commandes en février 2008, grâce à une alliance spectaculaire avec Oscar Temaru, après avoir subi, dans les urnes, une cuisante défaite électorale. Seul sénateur UMP à avoir voté contre la loi organique Estrosi de décembre 2007, qui a renforcé le contrôle des fonds publics en Polynésie et a associé le gouvernement local aux décisions du président polynésien, il a fini par rompre avec son parti, qui avait investi son ancien ministre Gaston Tong Sang lors des élections sénatoriales. Il a tout de même été réélu après avoir fait un "ticket" avec un jeune avocat indépendantiste, infligeant un véritable camouflet à l'UMP et au gouvernement Fillon. Maintes fois mis en examen au cours de sa vie, ce charmeur opiniâtre à la voix doucereuse, père de neuf enfants, était toujours passé au travers des mailles de la justice jusqu'à présent.

Source : Le Point