Des écarts de prix de 55 % entre l'Hexagone et les DOM
Saisie en février par le secrétaire d'Etat à l'Outre mer sur les carburants, d'une part, et sur les "mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation" d'autre part, l'Autorité de la concurrence a pointé dans un avis rendu ce 8 septembre "une concurrence insuffisante dans les marchés de détail et de gros"... Le gendarme de la rue de l'Echelle n'exclut pas une suppression progressive de l'octroi de mer. Il préconise par ailleurs de "lever les obstacles" à l'arrivée de nouveaux acteurs.Télécharger l'avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009.
Selon elle, sur un échantillon d'environ 75 produits importés, plus de la moitié des écarts de prix constatés entre la métropole et l'outremer, "sont supérieurs à 55%". Elle met en exergue des différences tarifaires qui vont jusqu'à +107% en Guadeloupe, pour les biscuits,+93% en Martinique pour les produits frais (importés, +99% pour les pâtes et le riz dans les deux départements, mais aussi +73% en Guyane pour les conserves ou +66% pour le café, le thé et le sucre à La Réunion.
Dans ces conditions, l'Autorité de la concurrence note que "le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire (dans les Dom ...) présente un niveau de concentration élevé".
Ainsi, certains groupes détiennent des parts de marché supérieurs à 40% sur un département ou sur certaines zones de chalandise.
Le gendarme de la rue de l'Echelle pointe également le comportement des importateurs-grossistes qui, faute de concurrence, prélèvent "des marges commerciales conséquentes, qui oscillent entre 20 et 60% pour un nombre élevé de références, voire approchent ou dépassent 100%" pour d'autres produits. Il n'exclut pas de poursuivre son enquête pour éventuellement punir certaines pratiques "susceptibles de recevoir la qualification d'ententes anticoncurrentielles", comme les prix de revente imposés, des exclusivités de clientèle ou des restrictions au commerce parallèle).
Dans ces conditions, l'Autorité préconise de "lever les obstacles" à l'arrivée de nouveaux acteurs, notamment de supprimer certains contrôles préalables à l'ouverture de magasins de plus de 1.000 m2 et diminuer le seuil de concentration à partir duquel la notification est obligatoire. Il faudrait également mieux informer les consommateurs et améliorer les circuits logistiques d'approvisionnement avec la métropole pour réaliser des économies d'échelle, l'Autorité de la concurrence souhaitant à cet effet que collectivités et Etat réfléchissent à la création de centrales d'achat et de stockage régionales.
Il faut enfin "réexaminer les dispositifs d'aides aux entreprises implantées dans les DOM" après avoir constatées qu'elles incitent "peu" à "l'amélioration de la compétitivité des entreprises locales, voire encouragent des prix élevés". Elle n'exclut pas la "suppression progressive de l'octroi de mer",une taxe montrée du doigt comme l'une des causes de la cherté de la vie dans les DOM, mais qui assure d'importantes recettes aux collectivités locales.
mardi 8 septembre 2009
L’Autorité de la concurrence recommande d’améliorer le fonctionnement des mécanismes concurrentiels des marchés afin de redynamiser le secteur de la grande distribution, seule manière de faire baisser les prix en faveur du consommateur
Saisie le 18 février 2009 par le Secrétaire d’Etat àl’outre-mer sur la situation de la concurrence dans les départements d’outre-mer, l’Autorité rend aujourd’hui un avis relatif aux mécanismes d’importation et de commercialisation des produits de grande consommation dans les DOM
Dans lesDOM, la petite taille des marchés et leur éloignement des principales sources d’approvisionnement sont des obstacles naturels à l’obtention de prix comparables à ceux observés en métropole. Aux surcoûts qui en résultent s’ajoute une taxe spécifique, l’octroi de mer, perçue par les collectivités locales sur les importations et qui accroît mécaniquement les prix de vente aux consommateurs.
Cependant, ces spécificités ne suffisent pas à expliquer l’importance des écarts de prix constatés entre la métropole et les DOM pourles produits de grande consommation. Ainsi, selon les relevés effectués sur un échantillon (1) d’environ 75 produits importés de métropole dans les quatreDOM, les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassent 55 % pourplus de 50 % des produits échantillonnés, un pourcentage trop élevé pour trouver exclusivement sa source dans les frais de transport et l’octroi de mer. Surtout, l’Autorité identifie dans son avis plusieurs particularités des circuits d’approvisionnement des marchés domiens permettant aux opérateurs de s’abstraire partiellement du jeu concurrentiel, seul capable de faire baisser les prix en faveur du consommateur domien.
Une concurrence insuffisante dans les marchés de détail et de gros
Selon l’Autorité, le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire dans les DOM est trop peu concurrentiel. Protégé par des barrières à l’entrée spécifiques (longueur des circuits logistiques vers les territoires ultramarins, rareté et prix élevé du foncier commercial), il présente un niveau de concentration élevé, certains groupes détenant des partsde marché en surfaces commerciales supérieures à 40 %, soit sur latotalité du département concerné, soit sur une ou plusieurs zones de chalandise.
Les comportements mis en œuvre par les opérateursconfirment ce manque de concurrence, qu’il s’agisse de la faible présence desmarques de distributeurs dans les rayons ou de la quasi-absence de répercussiondes marges arrière dans le prix de revente au consommateur.
La faible concurrence sur le marché de détail est d’autant plus préjudiciable au consommateur domien qu’en amont, les importateurs-grossistes auxquels fabricants et distributeurs font souvent appels ont eux aussi relativement préservés des pressions concurrentielles. En particulier, les pratiques d’exclusivités territoriales liant fréquemment fabricants et importateurs dans chaque DOM atténuent la capacité desdistributeurs à arbitrer entre différents importateurs-grossistes ou entre ces derniers et les industriels implantés en métropole, réduisant ainsi laconcurrence entre produits d’une même marque, voire entre produits de marquesdifférentes. A titre d’illustration, à La Réunion, un seul grossiste commercialise les produits de deux grands groupes fromagers métropolitains (Lactalis et Bel) détenteurs des marques les plus connues des consommateurs. Plus généralement, du fait ces exclusivités, les distributeurs domiens nepeuvent finalement arbitrer qu’entre un nombre de fournisseurs plus restreint qu’en métropole. Le distributeur échouant ou n’étant pas incité à faire jouerla concurrence entre les importateurs-grossistes, ces derniers parviennent donc à prélever des marges commerciales conséquentes, qui oscillent entre 20 et60 % pour un nombre élevé de références, voire approchent ou dépassent 100 %.
Les propositions de l’Autorité pour redynamiser la concurrence sur les marchés
Réprimer d’éventuelles pratiquesanticoncurrentielles
A l’occasion de l’examen de la demande d’avis, des pratiques mises en œuvre à différents niveaux de la chaîneimportation-distribution et susceptibles de recevoir la qualification d’ententes anticoncurrentielles (telles que prix de revente imposés, ententes horizontales, exclusivités de clientèle et restrictions au commerce parallèle ) ont été portées à la connaissance de l’Autorité, qui engagera les enquêtes qu’elle estime nécessaires.
Fluidifier le jeu concurrentiel en supprimant les barrières réglementaires à l’entrée et en améliorant l’information du consommateur
L’Autorité préconise de lever les obstacles réglementaires qui s’opposent à l’arrivée de nouveaux acteurs, condition nécessaire à lapleine mise en œuvre du processus concurrentiel. Outre les réformes déjà mises en œuvre dans le cadre de la loi LME, la suppression du contrôle exercé par les CDAC (2) sur les projets d’implantation de plus de 1000m² et la diminution des seuils de notification pour les opérations de concentration (3) impliquant des grandes surfaces implantées dans les DOM sont de nature à promouvoir une structure du marché de la distribution de détail plus concurrentielle.
Par ailleurs, elle estime que les efforts mis en œuvre pour améliorer l’information des consommateurs sur les prix ou les politiquesde prix des grands distributeurs doivent être poursuivis en tenant compte de plusieurs suggestions émises dans l’avis rendu public.
Mutualiser les circuits logistiques
Parallèlement à ces recommandations de nature concurrentielle, l’Autorité estime nécessaire de travailler à l’amélioration des circuits logistiques entre la métropole et les territoires domiens. La segmentation de l’approvisionnement entre différents opérateurs et intermédiaires empêche la réalisation d’économies d’échelle tout en accroissantle cumul des marges à chaque stade de la chaîne d’approvisionnement.
Les collectivités locales et l’Etat doivent donc mettre en place dans chaque DOM une mission d’études avec pour objectif de définir lesmodalités de création et de fonctionnement de centrales d’approvisionnement et de stockage régionales, qui, par mutualisation des moyens, réduiraient les coûts et permettraient aux distributeurs de mieux faire jouer la concurrenceentre fabricants et intermédiaires.
Revoir les dispositifs d’aides aux entreprises locales
Enfin, l’Autorité recommande que soient réexaminés les dispositifs d’aides aux entreprises implantées dans les DOM, qu’il s’agisse de l’octroi de mer ou des exonérations de charges et des subventions versées aux industriels locaux. De telles mesures ne peuvent être justifiées que si leurs coûts à court-terme, en termes de prélèvement ou de renchérissement des prix,sont compensés par le développement, à moyen terme, d’une industrie locale compétitive.
Or, les éléments recueillis tendent à indiquer que cesmesures d’aide sont, dans le contexte actuel, peu incitatives à l’amélioration de la compétitivité des entreprises locales, voire encouragent des prix élevés. Dans le cas des yaourts, du café ou de l’eau de source produits localement, des marges et des prix plus élevés que ceux des produits importés ou vendus en métropole ont été constatés, en dépit des aides et protections dont bénéficientles producteurs locaux.
De tels exemples incitent à envisager une suppressionprogressive de l’octroi de mer et à instaurer un mécanisme d’évaluation desdifférentes aides allouées, notamment en termes de compétitivité desentreprises locales.
En tout état de cause, l’Autorité de la concurrence rappelle que la réglementation des prix n’est pas une solution aux problèmes de concurrence identifiés : en raison des risques qu’elle comporte et des difficultés de mise en œuvre, elle doit demeurer une mesure d’exception portant sur des secteurs ou des étapes du circuit d’approvisionnement clairement identifiés sur lesquels le jeu de la concurrence est mis en échec. Or, dans le cas d’espèce, une réglementation des prix pourrait aggraver le déficit de concurrence déjà constaté sans pour autant parvenir à faire diminuer les prixde façon durable.
(1) La finalité deces relevés effectués par la DGCCRF à la demande de l’Autorité étantd’appréhender, de manière indicative, les différentiels de prix en magasinentre les DOM et la métropole pour des produits importés, les échantillons deproduits utilisés ne sont pas représentatifs de la consommation des ménagesdomiens et n’ont pas vocation à être extrapolés afin de comparer de manièregénérale les niveaux des prix des produits de grande consommation dans les DOMet en métropole.
(2) Commissiondépartementale d’aménagement commercial
(3) que l’Autoritépropose de fixer à 7,5 millions d’euros (contre 15 actuellement) pour des opérations portant sur le commerce de détail outre-mer.