Mark OBAMA au pays du Capitalisme rouge
Mark OkothObama Ndesandjo, né du même père et d'une autre mère, vit à Shenzhen au sud de la Chine.
Il vient de publier un roman autobiographique et sera dimanche à Pékin pour accueillir le président.
En s'aventurant pour la première fois en terre chinoise, dimanche, Barack Obama pourra s'appuyer sur une épaule familiale s'il est pris du vertige du grand dépaysement. Son «frère chinois» devrait être là pour l'accueillir. Resté jusqu'à présent très discret sur sa parenté si intime avec le président américain, Mark Ndesandjo vient de sortir un peu de l'ombre.
Longtemps, l'homme avait tu cette prestigieuse affinité lignagère, y compris à ses bons amis, jusqu'à ce que la presse le débusque l'an dernier. Depuis, il avait refusé toutes les sollicitations. Aujourd'hui, c'est cependant fort opportunément que Mark OkothObama Ndesandjo sort un livre, à mi-chemin entre le roman et l'autobiographie, à l'aube du voyage du président américain à Pékin. Si pour Barack Obama, le chemin s'est fait de Hawaï à Washington, celui de Mark l'a conduit De Nairobi à Shenzhen, titre de son ouvrage. Le demi-frère de l'homme le plus puissant du monde, comme on le souligne ici, a fait souche depuis sept ans dans la grande ville du sud de la Chine, à un jet de pierre de Hongkong. Une ville qui reste le symbole des réformes lancées par Deng Xiaoping, le temple du capitalisme rouge, pour ne pas perdre tous ses repères américains.
David, le nom du héros du roman, y pose son sac dans le sillage du 11 septembre 2001, après avoir perdu son travail. Il tombe sous le charme de la Chine par l'intermédiaire «d'une femme magnifique et d'un jeune orphelin». David est le fils d'une mère juive américaine, divorcée de son mari kényan. Dans la vraie vie, Obama père, divorcé en 1964 de la mère de l'actuel président, Stanley Ann Dunham, a ensuite rencontré une autre de ses quatre femmes, la jeune Ruth Nidesand, avec laquelle il est reparti l'année suivante au Kenya, où il a eu six nouveaux enfants. Ce père est au cœur du livre de Mark Ndesandjo, comme il l'était des célèbres Mémoires de Barack Obama, Les Rêves de mon père. Les deux hommes se rejoignent en peignant douloureusement le portrait d'un homme brillant, mais qui n'a jamais pu ou su tenir ses talentueuses promesses ni ses responsabilités familiales. Il disparaît dans la nature quand Barack a 2 ans, et le jeune garçon ne reverra son père que brièvement huit ans plus tard. Obama Senior est mort dans un accident de la route en 1982, à l'âge de 46 ans. Cette absence du père a été la grande blessure du président américain, en quête de cette part fuyante de son identité. Son cadet Mark, qui tait son âge, a connu les mêmes blessures. Il raconte ce père grignoté par l'alcool, battant sa mère, le frappant lui-même. De manière émouvante, il a confié combien l'élection de son demi-frère avait en ce sens transformé sa vie. La fierté ressentie devant ce succès et la liesse de millions d'Américains transfigurés par un nouvel espoir l'ont réconcilié «avec beaucoup de choses, y compris le nom d'Obama».
Physiquement, il y a du Barack en Mark. Même silhouette longiligne et athlétique, et de vraies ressemblances dans les traits. Avec cependant plus de liberté dans le protocole vestimentaire. Il affectionne les vestes noires, les bandanas aux couleurs vives et porte un petit diamant à l'oreille gauche. Cet ancien diplômé des prestigieuses universités de Stanford et Brown est aujourd'hui «consultant en marketing stratégique», dans le domaine des nouvelles technologies notamment. Mais il se consacre surtout à la musique, «le plus universel des langages». On l'a vu il ya quelques mois faire une apparition publique en jouant du piano afin de récolter des fonds pour un orphelinat. Ses autres passions sont la calligraphie chinoise, la littérature, l'écriture. Selon la presse chinoise, il a longtemps semblé avoir des revenus très modestes, donnant des leçons de musique pour vivre.
Avalanche de souvenirs familiaux
Le «frère chinois» de Barack Obama avait fait le voyage à Washington pour l'investiture du président. Avant cela, leur dernière rencontre datait de la période électorale, quand il lui avait rendu visite à Austin à la veille d'un débat avec la candidate Hillary Clinton. «Il est venu vers moi, nous nous sommes étreints et je lui ai donné un cadeau, de la calligraphie chinoise», a-t-il raconté. Mark s'apprête à rencontrer son frère de président à Pékin, entre le 15 et le 18 novembre. «Je compte lui présenter ma femme, c'est la plus grande de ses fans», a-t-il confié. Son épouse, comme l'essentiel de sa vie désormais, est chinoise, même s'il reste citoyen américain. «Je me sens comme une personne qui a plusieurs endroits sur terre, qui a les pieds à différents en droits», dit-il. Il se garde de s'aventurer très loin sur le terrain politique. «Je pense que l'équipe de mon frère fait un travail remarquable», estime-t-il, et il ne veut pas créer de confusion. Tout juste a-t-il confié qu'il voulait dire à son aîné combien il y a à apprendre de la culture chinoise, et surtout l'importance que revêt la famille dans son pays d'accueil. Il préparerait aussi une «vraie biographie», plus détaillée. Le «Chinois» de la famille Obama n'est pas le seul à avoir pris la plume. Un autre demi-frère du président américain, George, qui vit au Kenya a écrit des mémoires qui doivent sortir chez Simon and Schuster au début de l'année prochaine. D'autres proches de Barack Obama auraient aussi la main près du plumier. Une demi-sœur, Maya Soetoro-Ng, fille de la mère du président, et Craig Robinson, frère de la première dame. Cette avalanche de souvenirs familiaux dans la famille présidentielle américaine doit étonner les dirigeants chinois actuels, dont on ne sait rien de la vie privée, ou presque. Leurs grandes et petites histoires sont, il est vrai, classées secret d'État.