POLITIQUE Martinique, envoyée spéciale. Têtes couvertes de larges chapeaux bakoua, ils marchent d’un pas décidé, malgré le soleil de plomb et la chaleur assommante. Une épreuve physique, que cette manifestation des partisans de l’autonomie, le long d’une portion de littoral miraculeusement préservée, aux Salines, dans la commune de Sainte-Anne, au sud de l’île aux Fleurs. Leur revendication ? Disposer des compétences nécessaires pour mettre un frein à la spéculation immobilière encouragée par les politiques de défiscalisation, au mépris de la protection des espaces naturels. C’est que le 10 janvier prochain, comme les Guyanais, les Martiniquais devront répondre à la question suivante : « Approuvez-vous la transformation de la Martinique en une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution, dotée d’une organisation particulière tenant compte de ses intérêts propres au sein de la République ? » En clair, cette consultation offre la possibilité de franchir un pas vers l’autonomie, perspective défendue par le Rassemblement martiniquais pour le changement, un front de forces progressistes. « Trop souvent, nous nous heurtons à des textes votés pour la France qui s’adaptent très mal à nos réalités locales. L’article 74 nous permettra de disposer d’un pouvoir réglementaire d’adaptation dans les domaines du logement, des transports, de l’aménagement du territoire, de l’environnement, etc. », fait valoir le sénateur Claude Lise, président (RDM) du conseil général. « Il ne peut y avoir de développement véritable sans une évolution statutaire qui permette au pays de se tourner vers un pôle Caraïbe et vers une l’Amérique latine en pleine expansion économique », plaide aussi le président indépendantiste du conseil régional, Alfred Marie-Jeanne. « Il faut sortir de cette situation coloniale » Une évolution à laquelle s’opposent la droite, et, plus curieusement, le Parti progressiste martiniquais. Lequel suspend tout changement à une hypothétique réforme constitutionnelle qui garantirait l’égalité sociale en cas de passage à l’autonomie. « Le socle de l’égalité sociale ne serait pourtant aucunement menacé, rétorque Louis Boutrin, porte-parole d’Objectif 74. La compétence sociale resterait entre les mains de l’État. Nos adversaires jouent sur des peurs irrationnelles. » La peur : son spectre hante cette campagne, au point que certains opposants au 74 n’hésitent pas à user d’arguments outranciers, en brandissant par exemple la menace d’une « haïtianisation » de la Martinique. « Nous nous battons contre l’invisible. Le colonialisme a réussi ici l’aliénation la plus aboutie de toute l’histoire de la colonisation », déplore Michel Branchi, dirigeant communiste. En février, le mouvement social avait mis en lumière l’épuisement du système départemental mis en place en 1946. Francis Carole, porte-parole du Palima, plaide aujourd’hui pour « une issue politique » à cette mobilisation : « Le lien entre la question sociale et la question nationale est évident. Il faut sortir de cette situation coloniale, remettre les Martiniquais au cœur de la prise en charge de leur propre destin. »L’autonomie fait débat en Martinique
Rosa Moussaoui
Le 23 décembre 2009
http://www.humanite.fr/2009-12-23_Politique-_-Social-Economie_L-autonomi...