REFERENDUM GUYANE - MARTINIQUE : ML PENCHARD "Il n'y a aucune précipitation dans la démarche"

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Le Gouvernement ne prendra pas parti ".


Dans une ITW accordée à L'Express, la ministre de l’Outre-mer, Marie-Luce Penchard présente, les enjeux de la consultation et insiste sur la neutralité de l’Etat, tout en précisant le processus en cas de victoire du OUI le 10 janvier. Une procédure bien balisée suivant un calendrier précis. 


Marie-Luce PENCHARD est très claire : "Si une majorité se dégage en faveur du oui le 10 janvier, il n’y aura pas de seconde consultation. Nous débuterons alors des négociations avec les élus pour élaborer une loi organique qui précisera, secteur par secteur, compétence par compétence, la répartition des rôles entre l’Etat et la nouvelle collectivité. Cela va bien prendre deux ans : une loi organique, cela ne s’improvise pas du jour au lendemain ! Avec un calendrier parlementaire déjà bien chargé, j’estime que la loi sera prête fin 2011". 


Faut-il voir la tenue de la consultation du 10 janvier prochain comme une réponse aux crises qui ont touché, l’outre-mer l’hiver dernier ?

Non, ce n’est pas lié. Le président de la République a souhaité ouvrir la question institutionnelle dès lors qu’elle est posée par les élus des territoires. La départementalisation de Mayotte est un exemple. S’agissant de la Martinique et de la Guyane, les événements du début de 2009 ont peut-être conforté la démarche des élus, mais la réflexion sur l’évolution institutionnelle avait déjà débuté. Le calendrier se trouve être celui-là, mais, crise ou pas, le président, une fois saisi par les élus, aurait nécessairement donné suite. Sinon, cela aurait été un déni de démocratie… Et, dans les territoires dont les élus ne présentent aucune demande, comme en Guadeloupe, qui a pourtant été le département le plus touché par la crise, le président n’impose aucune procédure d’évolution.

Le gouvernement n’a-t-il cependant pas confondu vitesse et précipitation, comme l’affirment certains élus et observateurs ?

Il n’y a aucune précipitation dans la démarche. Il faut savoir qu’en 2003 le délai était beaucoup plus serré ! Les Martiniquais et les Guyanais ont posé le sujet sur la table, et le président a répondu favorablement. Le calendrier, ce sont eux qui l’ont initié, comme en 2003. Dès lors que la demande d’évolution est formulée, il faut aller vite, car cette période crée de l’incertitude et n’est pas propice à la relance de l’économie et aux investissements.

Ne craignez-vous pas une sorte de parasitage politique de la consultation par les élections régionales ? En Martinique, par exemple, ne va-t-on pas assister à un référendum pro- ou anti-Marie-Jeanne ?

C’est lui l’auteur de cette déclaration [NDLR : où il laisse entendre qu’il partira si le oui ne l’emporte pas le 10 janvier] et qui, du coup, a personnalisé le débat. Personne ne le lui a demandé… Si le gouvernement ou moi-même avions pris position, nous aurions pu également politiser la campagne. Mais le président de la République a toujours dit que nous respecterions la neutralité. Toutes les consultations ont tendance à personnaliser l’enjeu à partir d’un certain moment ; c’est ainsi, on n’y peut rien.

Quelle est la position officielle du gouvernement sur la consultation ?

Je l’ai dit à l’Assemblée nationale et au Sénat : le gouvernement ne prendra pas parti. Ce n’est pas son projet, mais celui des élus martiniquais et guyanais à l’origine de la demande formulée au président de la République.

En fonction de leurs votes, les Martiniquais et les Guyanais seront peut-être amenés à s’exprimer une seconde fois, le 24 janvier. Pourquoi avoir conçu cette consultation en deux temps ?

Sachant qu’une réforme des collectivités locales se préparait, nous avons souhaité une consultation avec tous les choix possibles. Voilà pourquoi les électeurs seront interrogés sur la question d’une collectivité unique, avec le regroupement des compétences départementales et régionales. Nous aurons ainsi traité toutes les questions avant d’arriver au débat national sur la réforme territoriale.

"Ce n’est pas un scrutin à deux tours. Chaque vote a une conséquence"

Concrètement, quels sont les différents scénarios possibles et quelles sont les conséquences de chacun des votes ?

Si une majorité se dégage en faveur du oui le 10 janvier, il n’y aura pas de seconde consultation. Nous débuterons alors des négociations avec les élus pour élaborer une loi organique qui précisera, secteur par secteur, compétence par compétence, la répartition des rôles entre l’Etat et la nouvelle collectivité. Cela va bien prendre deux ans : une loi organique, cela ne s’improvise pas du jour au lendemain ! Avec un calendrier parlementaire déjà bien chargé, j’estime que la loi sera prête fin 2011.

En cas de victoire du non, les électeurs seront en revanche consultés à nouveau, quinze jours plus tard…

Tout à fait, mais je tiens à dissiper une ambiguïté. Certains disent : "Si vous êtes pour le 73, n’allez pas voter le 10 janvier." Pas du tout ! Si l’on est pour le 73, il faut absolument aller voter contre le 74. Car si, en cas de forte abstention lors de la première consultation, le 74 passe, c’est terminé ! Ce n’est pas un scrutin à deux tours. Chaque vote a une conséquence.

Que se passera-t-il en cas de victoire du oui le 24 janvier ?

Cette fois, nous nous attellerons à la rédaction d’une loi ordinaire - et non plus organique - créant une seule collectivité qui disposera des compétences du département et de la région. Cette loi devrait se préparer plus vite, mais prendra tout de même un peu de temps, car il faudra arrêter la composition de cette nouvelle assemblée : le nombre d’élus, le découpage des circonscriptions, le corps électoral, etc. Nous suivrons le même schéma qu’à Mayotte. Les délais dépendront du calendrier parlementaire, qui est bien chargé. Donc, même si nous sommes prêts en septembre, je pense que le texte sera étudié début 2011.

Et si le non l’emporte lors des deux consultations ?

Alors les territoires resteront dans le droit commun national, et leur statut dépendra de la réforme territoriale en cours de discussion au Parlement. Le statut n’est pas une fin en soi ; ce qui compte, c’est le projet. Il faudra alors se poser la question de savoir si les électeurs ont dit non par rapport à un projet ou par rapport au statut. Mais il est encore trop tôt…

Comment jugez-vous le débat public autour de ces sujets ?

Je trouve que le débat est très technique et juridique. Je n’ai pas vraiment entendu les élus dire qu’ils défendaient tel article au service de tel projet…

Le leur avez-vous dit ?

Je l’ai dit à ceux qui me posent la question. Mais je ne prends pas part à la campagne, je n’ai pas à faire passer de message : les élus sont responsables ! Si je n’étais pas ministre de l’Outre-mer, je pense que j’aurais dit certaines choses.

Lesquelles ?

Je ne m’exprime pas aujourd’hui. Mais j’aurai l’occasion de le faire sur cette question pendant la campagne pour les élections régionales en Guadeloupe !

Avez-vous le sentiment que ce débat intéresse la métropole ?

Non, et c’est dommage. C’est déjà très compliqué pour les Ultramarins ! Je pense que de nombreux métropolitains ne savent même pas qu’une consultation est prévue en Guyane et en Martinique.

Le regrettez-vous ?

C’est quand même un débat très local, difficile à transposer. Si nous le portons au niveau national, nous risquons de détourner l’objet de la consultation en un vote pour ou contre la politique du gouvernement. Et ce n’est pas le sujet.

La complexité du débat ne fait-elle pas peser un risque d’abstention sur la consultation ?

C’est plutôt cela qui m’inquiète. Il ne faudrait pas que le oui ou le non gagne avec une faible majorité ou une faible participation. Cela signifierait que le débat n’a pas rencontré une large adhésion. Or l’outre-mer a besoin de réponses et de stabilité. Je souhaite que le choix, quel qu’il soit, soit franc et clair !