68,3 % de OUI…Et pourtant, la Martinique ne s’est pas réveillée dans l’Indépendance ! par L. Boutrin

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68,3 % de OUI…


Et pourtant, la Martinique ne s’est pas réveillée dans l’Indépendance !

24 janvier 2010. La Martinique vient de changer de statut politique le plus tranquillement du monde. Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête, la terre continue de tourner,  il n’y a pas eu d’effusion de sang et les rues de Foyal sont encore plus calmes que d’habitude. Un petit détour vers le Malecon, histoire d’être complètement rassuré : beau temps, mer calme, pas d’avis de tempête à l’horizon !

Pourtant, 68,3 % des électeurs se sont déplacés pour répondre OUI à « la création d’une Collectivité unique exerçant les compétences dévolues au département et à la Région tout en demeurant régie par l’article 73 de la Constitution »… et la Martinique ne s’est pas réveillée dans l’indépendance !

Que n’avait-on pas entendu le 7 décembre 2003, en guise de réponse à la même question ? "Approuvez-vous le projet de création en Martinique d'une collectivité territoriale demeurant régie par l'article 73 de la Constitution, et donc par le principe de l'identité législative avec possibilité d'adaptations, et se substituant au département et à la région dans les conditions prévues par cet article ? ". ''NON à l’Indépendance, NON à la perte de notre Département et de notre Région, NON à la perte du RMI, NON à la perte des 40 % des fonctionnaires, NON à la perte de notre pouvoir d’achat, NON au… retour du Colonialisme dans notre île (sic !), NON à un pouvoir unique et dictatorial, NON aux chants des sirènes, NON à un avenir dangereux pour nos enfants, NON à des impôts supplémentaires ‘’ Une litanie de NON ponctuée, in fine, par un dévastateur « Pa achté chat dan sak ! ».

Les auteurs de ces prédictions funestes : les lobbies békés, ceux des affiches 4x3 ‘’Ne jouons pas avec notre destin’’, la droite conservatrice et les FMP, ceux-là mêmes qui ont fait capoter le projet d’une Collectivité régie par l’Article 74 proposéle 10 janvier 2010. Ces fossoyeurs de l’Autonomie ont été rejoints pour la circonstance par le néo-PPM, adepte d’une fumeuse troisième voie sans issue. Posture et imposture !

Et voilà ! Six ans plus tard, comme pour exorciser ses peurs ataviques, le peuple souverain ose ce crime de lèse-majesté : Un OUI franc à 68,3 %, Un OUI pour préparer l’avenir.

Cette évolution  par la voie des urnes s’est donc effectuée en toute simplicité et avec la discrétion des évènements qui s’inscrivent dans l’histoire sereine d’un pays qui se construit. Point de tergiversations ou de discours incantatoires sur une Révolution qui tarde à venir, mais juste une volonté politique réelle pour un changement, sans volte-face de dernière minute, sans petits calculs mesquins ni d’arrières pensées hégémoniques.

Un pas, un petit pas, un tout petit pas en avant, qu’il convient d’apprécier à sa juste mesure.

Certes, des esprits chagrins mettent en avant la faible participation (35,7%) oubliant qu’au référendum de 2003, seuls 44% des électeurs s’étaient déplacés. Mais, c’est déjà mieux que d’autres scrutins dans l’Hexagone ou même chez nous, à l’instar des élections européennes du 6 juin 2009 où la participation est restée scotchée à 13,83 %. D’autres, sous le coup de l’amertume, évoquent le Coup de Jarnac de Serge Letchimy et la nouvelle reculade du PPM. Fidèle à ses habitudes, le parti de Césaire, ou plutôt  ce qu’il en reste, devra répondre devant l’histoire de cette mémorable trahison.

23 H 30. Militants et  juristes, encore éveillés, s’attardent sous le manguier de RFO dans une troisième mi-temps sans fin.

Et dire que la Martinique vient de changer de statut, affirme l’un ! Changement de Statut ? Mais, de quoi parles-tu, il ne s’agit que d’une simple réforme administrative et en plus, nous sommes bien restés dans l’article 73 ?  Oui, répond un autre : Juridiquement, le statut étant la conjonction d’une organisation administrative et d’un régime législatif, il suffit de toucher à un de ces deux paramètres pour changer de statut. En mettant en place une nouvelle Collectivité en lieu et place de la Région et du Département, la Martinique vient, effectivement, de changer de statut tout en restant régie par l’Article 73 de la Constitution.

Et OUI ! La Martinique vient d’accoucher d’un nouveau statut tant redouté, tant diabolisé. Ce changement de statut a vu le jour le plus naturellement du monde, sans forceps ni césarienne.

Que d’éloges de la peur ! Que de peurs inutiles ! Que de débats juridiques contradictoires. Que de déchirements entre amis ! Et tout cela pour un simple changement de statut opéré sans pleurs ni grincements de dents ! Preuve supplémentaire que tous ces débats juridiques importent peu et que l'essentiel demeure notre capacité à produire des richesses, à développer l'emploi et à relever les défis de la mondialisation. 

Epuisé mais excessivement satisfait par cette victoire du OUI, j’abandonne ce beau monde, pour un repos bien mérité.  Sur le chemin du retour, mes idées vagabondent. Conscient des enjeux qui nous attendent, de la nouvelle gouvernance à mettre en place, des challenges à relever en terme d’aménagement, de logement, de transports, d’énergies renouvelables, d’écologie urbaine, de protection de notre patrimoine naturel, je ne puis m’empêcher de penser aux propos de Michel Renard sur RCI, un lendemain d’élections régionales. Les premiers mots du leader du RPR local  restent d’anthologie : « Monsieur Seymour…. Monsieur Seymour… La Martinique, La Martinique a failli se réveiller dans l’indépendance ! ». 

Alfred Marie-Jeanne et les patriotes venaient de faire leur entrée au Conseil Régional de Martinique. 

Louis Boutrin