Grande insécurité dans les camps de sinistrés.
Déjà traumatisées par le séismequi a dévasté Port-au-Prince le 12 janvier, des femmes et même des fillettessont victimes de viols dans les camps de sinistrés. La catastrophe a rendu lesHaïtiennes encore plus vulnérables à ce fléau.
Des agressions sexuelles se produisent tous les jours dans les plus grands camps, soulignent les travailleurs humanitaires. La plupart ne sont pas signalées à cause de la honte éprouvée par les victimes et de leur crainte d'être stigmatisées ou de subir des représailles des agresseurs. Le viol était déjà un problème majeur à Haïti et a souvent été utilisé comme une arme politique dans les périodes de troubles. Mais le séisme du 12 janvier, qui a fait quelque 200.000 morts, a rendu les femmes et les fillettes encore plus vulnérables à ces agressions. Elles ont perdu leur maison et sont contraintes de vivre dans des tentes ou des abris recouverts de bâches. Beaucoup ont également perdu mari, frères et fils et n'ont plus de proches masculins à leurs côtés pour les protéger dans des camps où règne la promiscuité. Sans éclairage ni sécurité, les camps deviennent particulièrement dangereux après le coucher du soleil. A Port-au-Prince, une jeune mère de 21 ans raconte avoir été violée par trois hommes après être sortie de son abri le soir du 27 février pour se rendre aux latrines. Elle explique également que sa famille n'a pas reçu d'aide alimentaire car les hommes haïtiens remettant les coupons pour la distribution de vivres réclament des faveurs sexuelles. Le chantage "sexe contre nourriture" n'est pas rare dans les camps, note un rapport publié mardi par l'Institut interuniversitaire pour la recherche et le développement à Haïti. "En particulier, les jeunes filles doivent négocier sexuellement pour obtenir un abri (...) et avoir accès à l'aide alimentaire." Le camp où la jeune mère a été violée compte 47.000 personnes, entassées sur un ancien terrain de sport situé dans un quartier qui a toujours été considéré comme dangereux. Parmi les habitants des lieux, on compte une dizaine de prisonniers évadés, précise Fritznel Pierre, un défenseur des droits de l'homme. Il a recensé trois autres viols en réunion sur le site, dont celui d'une adolescente de 17 ans par six hommes. "Elle dit qu'elle voit ses assaillants, mais a peur de les dénoncer parce qu'elle devrait alors quitter le camp et n'a nulle part où aller", explique-t-il. Dans le quartier de Pétionville, sur les hauteurs de Port-au-Prince, une victime de viol de sept ans était soignée lundi dans l'hôpital d'un campement installé sur un parcours de golf. Une enfant âgée de seulement deux ans avait été violée dans le même camp deux semaines plus tôt. "Les femmes ne sont pas protégées", déplore Alison Thompson, coordinatrice médicale bénévole pour une organisation humanitaire haïtienne créée par l'acteur Sean Penn. Les viols "se produisent tous les jours dans tous les camps de Port-au-Prince". Outre les infections sexuellement transmissibles classiques et une grossesse, les victimes sont également exposées au risque de contracter le virus du SIDA. Haïti a le taux d'infection au VIH le plus élevé du continent américain avec une personne sur 50 contaminée. Des dizaines de victimes ont sollicité l'aide de KOFAVIV, une association de femmes haïtiennes qui ont été la cible de viols à caractère politique en 2004. Elles ont été présentées à des avocats bénévoles américains venus à Port-au-Prince pour identifier des Haïtiens susceptibles d'être accueillis aux Etats-Unis pour raisons humanitaires. "Je suis ici depuis cinq jours et j'ai parlé à 30 victimes (de viols), dont une dizaine de moins de 18 ans. Leurs histoires sont horribles", a déclaré Jayne Fleming, avocate de San Francisco. Peu de viols sont signalés car les femmes sont souvent confrontées à des questions humiliantes des policiers haïtiens qui laissent entendre qu'elles ont provoqué les agressions sexuelles. Selon le porte-parole de la police Gary Desrosiers, seulement 24 viols ont été rapporté aux autorités depuis le début de l'année. Le chef de la police, Mario Andresol, impute ces attaques aux quelque 7.000 détenus qui se sont évadés lors du séisme. "Nous sommes conscients du problème (...) mais ce n'est pas une priorité", a déclaré le mois dernier la ministre de l'Information Marie-Laurence Jocelyn Lassègue. Les policiers haïtiens ne patrouillent pas dans les camps. Les premiers signes d'une volonté de s'attaquer au problème sont intervenus dimanche avec l'arrivée du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, qui a promis des camps "sûrs". Source : Associated Press