La catastrophe politique du 10 Janvier 2010 quand 78,9% des martiniquais avaient voté contre "les intérêts propres de la Martinique au sein de la République française", avait validé l’orientation essentiellement matérialiste et sécuritaire de l’action collective exceptionnelle qui, un an auparavant, avait secoué le pays pendant 36 jours, du 05 Février au 12 mars 2009.
Société et modernité
André Lucrèce, Louis-Félix Ozier-Lafontaine et Thierry L’Etang, un sociologue, un socio-anthropologue et un anthropologue qui signent ce livre font l’hypothèse d’une revendication identitaire et d’une opposition caractérisée qui auraient animé cette action collective, dépassent la revendication essentiellement matérialiste et analysent cette action collective comme un fait social total, avec cette notion d’anomie chère à l’ancienne philosophie sociale française. La situation sociale, en Martinique serait plus complexe qu’ailleurs, dans la globalisation qui tourmente le monde. La Martinique serait une "société vulnérable" (c’est d’ailleurs le titre d’un des livre de L-F Ozier-Lafontaine) et tout conflit social réveillerait une blessure identitaire séculaire et écartèlerait (an dekatje) les martiniquais dans un dilemme du prisonnier, d’un côté la porte franco-européenne qui insulte la géographie, l’histoire et la responsabilité politique ; et de l’autre, un ancrage caribéen qui nécessiterait de se débarasser de ces mauvaises manières de "free rider" et/ou de "mendiant arrogant". C’est ce dilemme qui expliquerait la phobie, toute martiniquaise, de toutes solutions institutionnelles et la peur bleu-outremer de l’avenir.
Ces trois auteurs martiniquais veulent saisir la diversité et toutes les dynamiques, les interactions et rétroactions (feed back) et principe de totalité, dans une telle action collective. C’est pourquoi ils ont fait le choix d’une approche systémique et une grande place à cette notion sui generis du paradigme de l’ethnométhodologie, la réflexivité. Cette idée d’un ajustement, d’une correction permanente, d’une réorientation, lecture et relecture, de l’action collective à la lumière des informations nouvelles concernant cette action. Les acteurs sociaux (les martiniquais mobilisés à l’appel du K5F) auraient été, toujours, en mesure de produire du sens, d’expliquer leurs actions quand bien même ces dernières fussent, parfois, non franchement rationnelles, un SMS maladroit et un carnaval de bwadjak fait sa pétarade aux abords des commerces de carburant . Cette approche systémique supposerait non seulement une rationalité de l’acteur martiniquais, se pou la viktwa nou ka ale (intelligente et rationnelle, la langue caribéenne de Martinique aurait fait dire ou écrire, se pou genyen nou ka goumen) mais surtout une dynamique de l’action collective, un essaim d’interactions et une construction identitaire martiniquaise.
Même si l’action collective n’avait mobilisé qu’une trentaine de milliers de personnes sur 400 000 martiniquais, l’adhésion et/ou la solidarité d’avec la mobilisation avaient, selon les sondages et études d’opinion, représenté jusqu’à 80% de l’opinion martiniquaise, ce slogan fort "peyi a se ta nou, se pa ta yo, an bann pofitè, vòlè, nou ke foute yo dewò" (poétique à l’envi, la langue caribéenne de Martinique aurait dit ou écrit, nou ke fè yo pran lanmè sèvi savann) n’avait que très faiblement pesé, plus tard, lors de la consultation populaire pour créer "une organanisation qui tienne compte des intérêts propres" de la Martinique, le 10 janvier 2010. Dès lors, c’est l’identité d’une telle action collective qui fait problème. Comment parler d’identité et d’opposition quand une action collective (les auteurs écrivent sur un mouvement social total) n’a pas réussi à placer serait-ce qu’une des ressources locales (naturelles, renouvelables ou non-renouvelables, matérielles, culturelles, spirituelles, politiques) au centre de ses revendications ? A aucun moment, tant en Guadeloupe qu’en Martinique, les acteurs de la mobilisation n’avaient envisagé un marché local, une fin de l’économie de comptoir et son remplacement par une économie durable et solidaire, l’écodéveloppement imaginé par Zumbi dos Palmares dans la première république afro-américaine, O Quilombo dos Palmares, dans le Nordeste du Brésil, dans la deuxième moitié du dix-septième siècle.
La fameuse liste des 100 produits de première nécessité, un folklore martiniquais, n’avait, dans ses premières versions, trouvé aucune qualité es "première nécessité" à nos bannann-jòn, dachin, fouyapen-dou, fouyapen-ble, makandja, fresinet, tinen, zabelbok ; yanm sasa, bokodji, patat, bawbadin, chatenn, prin-sitè ; les mango-farin, ten, tin, basiyak, vè, zefirin, mang-divin, mang-jili ; les kayimit, bri-koko-mile, papay, sapoti, marakoudja, ponm-kannel, siret-kochon, ponm-dlo ; les balarou, bayol, kalikabou, koulirou, mariyan-tèt-fè, sirizien, wachalou, les chapo-bakwa, tanbou-djouba, aroman, kachiman, karaf-tè-tjwit, koko-nèg ; la feuille, la fleur atoumo, kosol, farin-manyok, toloman, mousach, patiti patalòd comme disait Man Afin, docteur es toutes langues martiniquaises dans le Morne-des-Esses des années 60-80. Cette action collective n’avait rien hérité de la tradition des grèves marchantes d’hier (François-1900, Basiyak-1923, La marche de la faim-1935, Carbet-1948, Chassin-1951, Lamentin-1961, Chalvet-1974, kosedjo kosekwèt) ni n’avait pris l’initiative d’une mémoire des luttes sociales des martiniquais d’hier, alors l’identité dans tout ça, se tjou rat ! Comment qualifier cette action collective de mouvement social total quand les revendications ultra-matérialistes qu’elle avait portées, avaient empêché toutes revendications politiques, toutes références au projet historique du peuple martiniquais (les insurgés de la République Nègre de Louis Telgard, Lumina Sophie et Eugène Lacaille, en 1870) d’un renversement de l’ordre social féodal (économie de comptoir) qui sévit en Martinique depuis la nuit noire de l’esclavage-euro-américain ? L’approche systémique et la notion de réflexivité obligent les auteurs à penser la société comme un "système d’action ayant pour finalité la résolution des enjeux majeurs auxquels les hommes et les femmes qui la composent sont confrontés dans leur vie sociale quotidienne". Tout système supposant une autonomie des acteurs (des bèt-dè-gaz libres et rationnels), une telle définition envisagerait l’action collective du K5F comme une prise de conscience de l’incapacité du système sociopolitique, économique et culturel à réguler, plus avant, à transformer l’ordre social. Cependant, le mouvement social total était passé sur la tête des représentants politiques d’en-Martinique qui depuis quelques années travaillaient nonchalamment (SMDE, Agenda 21, Projet Martinique) à une réformette ou aggiornamento administratif du, disons, sous-système sociopolitique français en Martinique, pour retrouver une autonomie fiscale dont la Martinique avait expérimenté les insuffisances à la fin du 19e siècle. Le mouvement social total n’avait envisagé aucune option politique. C’est là tout le paradoxe d’une lecture enthousiaste d’un mouvement social total qui avait fait le plein de problématiques identitaires (nous-nègres fils d’Aimé Césaire, le poète français ; nou-chaben/chabin zie-klè pétris de créolité, une dom-tomienne à deux bonda ; nous peuples-noirs échoués dans l’esclavage euro-américain, an tjou man deviran ; nou-betje-griyav, bleu outremer, plante-bannann ; nou tèt-mabolo flòkò, l’intelligence à fleur de peau, le zouk pour tout médicament ; nous peuples des outremers français, no future, sports et petits métiers de la fonction publique) mais n’a, à aucun moment, envisagé le politique, le futur, demain.
André Lucrèce, Louis-Félix Ozier-Lafontaine et Thierry L’Etang ont consacré un long chapitre dans Les Antilles en colère à cette dénonciation d’une profitasion, mettant en lumière la maladie consumériste, les mécanismes d’hyper-dépendance et l’anomie (un entre-deux-mondes durkheimien, l’effondrement et l’avant-reprise des valeurs) que cette économie de comptoir fait circuler en Martinique mais leur vision de l’action collective de février/mars 2009 comme d’un mouvement social total les a, à mon sens, fait négliger la demande d’intégration sociale dans la modernité française qu’avait porté cette action collective, tant en Gwadloup qu’en Matnik. Cette action collective est d’autant plus difficile à analyser qu’elle était exceptionnelle et n’avait jamais eu d’ambition politique ; mettant en mouvement une diversité d’acteurs, et construisant une myriade de revendications, elle avait ainsi multiplié les portes d’entrée.
1- Identité, opposition et totalité.
Un mouvement social total eut supposé des représentations socialement construites, des attentes d’un système social martiniquais ; or le sous-système social d’en-Martinique, une excroissance, outre-mer, du système social français, ne produisait aucune représentation, ne construisait aucune transformation sociale, tournant fou dans son urgence à intégrer un système social français lointain, euro-centré qui le dépassait. Les mobilisations qui ont suivi l’action collective de février/mars 2009 ont montré, pour faiblement mobilisatrices qu’elles ont été, qu’il n’y avait pas eu, à proprement parler, d’identité martiniquaise, ni d’opposition, pendant ces 36 jours. "Positiviste", la notion de totalité qui prend beaucoup de place en anthropologie et en sociologie, renvoie à l’unité, socialement construite, de la société et ce sont les interactions entre les parties du tout qui la rendent scientifiquement accessible. Les interactions sont limitées quand l’identité et l’opposition (à l’ordre social) sont faibles, il est alors importun de parler d’une totalité. Pour que le tout dépasse la somme des parties, il faut du politique, en tant qu’il fait un inventaire permanent des ressources et pour autant qu’il est une projection, qui commande et multiplie les interactions, d’où la complexité. Or les auteurs qualifient l’action collective de février/mars 2009 de mouvement social total, même s’ils reconnaissent une résolution du Collectif à empêcher tout discours politique dans l’action collective. Comment parler d’identité quand dans la plate-forme des revendications figurait, noire sur blanc ou blanche sur noir, une demande explicite d’un alignement du "modèle social" de la formation guadeloupéenne ou martiniquaise sur le modèle social français, postmoderne, méthodiquement territorialisé ? Pour s’opposer à (un ordre social), il faut une identité collective. Les leaders de l’action collective de février/mars 2009 s’étaient saisis d’une identité sociale française pour s’opposer à l’ordre social que le sous-système social français a bricolé, en Martinique. Les identités collectives ne peuvent que s’opposer, c’est la condition de leur durabilité ; les identités individuelles peuvent se compléter. Comment ne pas voir dans cette proposition d’alignement comme une manipulation ou au moins une sujétion d’un ministre de passage, d’un professionnel de la révolution ou quelque perversion de la réflexivité ?
Ce sont les analystes et politiciens français qui ont posé l’urgence de profonds changements structurels, en Guadeloupe et Martinique. Les politiciens et analystes guadeloupéens et martiniquais s’étaient contentés de décrire, parfois juste d’indiquer, un "impressionnant mouvement social". Les politiques martiniquais écartés, les leaders de l’action collective n’ont, à aucun moment, exprimé un souhait, une revendication de changement de l’ordre social d’où notre réserve sur la notion de mouvement social total. Comment parler d’identité là où il n’y a pas eu de projection ? L’identité est intrinsèquement liée au politique quand elle se fait collective. Elle suppose un inventaire des ressources politiques, culturelles, matérielles, humaines, spirituelles, etc. Cet inventaire permet la projection, la construction d’un devenir. Comment construire un devenir, politique, social, culturel même humain quand tu votes contre tes "intérêts propres", fussent ils encadrés ? Le ridicule résultat de la consultation populaire du 10 janvier invalide, de facto, la notion de totalité.
Un mouvement social fait une place première au culturel, ce sont le politique et le culturel qui fournissent les ressources de l’identité du mouvement social en question et l’inscrivent dans une durabilité. Ici, à Wanakera, pays de l’iguane, pianmpianm, en dehors d’une ligne mal-écrite et folklorique autour d’une ressassée langue et culture créoles, il n’y avait rien qui mettait en scène un champ culturel, les bèlè et lalin-klè, le ladja, itou, toutes ces danses martiniquaises bradées pour une promesse de quelques euros sous de longs regards, trop acculturés.
2- L’analyse systémique et la réflexivité.
L’analyse systémique et la réflexivité supposent une diversité inter-agissante où des acteurs libres, pesant de tout leurs poids d’acteurs dans la relation sociale, envisageraient le futur, free on their mind. Or, une majorité de la population d’en-Martinique resterait attachée au passé esclavagiste et au 18e siècle ; d’un côté les héritiers directs des esclavagistes, de l’autre les descendants supposés des esclaves, affranchis et nèg-mawon. Les populations arrivées en Martinique vers 1856 (après la révolution antiesclavagiste de 1848, Kongo, Kikongo, Syro-libanais, Tamouls et Indochinois) ont intégré cette culture coloriste, une sous-culture bien française. Or, en Martinique l’info n’a toujours été qu’une vulgaire propagande assimilationniste, le JT de la télévision officielle, en 2010, présenté par Serge ou Catherine n’a changé ni la mise en images, ni le ton et la respiration du JT présenté par M. Beaudza ou Eddy Edouard, au début des années 70, et Coco Lambèw dans lè banmbou, toujours, Kanmi.
Tant en Guadeloupe qu’en Martinique, l’action collective avait repris, slogan pour slogan, les revendications de la mobilisation guyanaise autour de la baisse du prix des carburants à la fin de l’année 2008. Le mouvement martiniquais a recopié jusqu’au slogan, l’action collective d’en Guadeloupe, "la Gwadloup se t’an nou, la Gwadloup a pa ta yo…". Les revendications de celle-ci ont obéit à quelque chose qui est de l’ordre de la sujétion, parfois d’un défi, in petto, en marge des négociations ouvertes avec un ministre français ou des solidarités ponctuelles avec le mouvement social français. Il y avait juste une ligne de revendications politiques qu’il ne fallait pas franchir, et guadeloupéens et martiniquais se sont bien gardés de la franchir et/ou de l’affranchir.
C’est ici, et pas ailleurs, qu’une réflexivité a joué pleinement. En fonction de l’avancée ou du recul des négociations et du délire médiatique autour des différents points de la plateforme des revendications et de l’importance de la mobilisation, des modifications ont émergé au jour le jour, sans pour autant laisser passer une quelconque revendication politique. L’analyse systémique a permis à l’auteur, aux auteurs de Les Antilles en colère de valider la diversité des acteurs d’une telle action collective mais cette diversité d’acteurs sociaux ne garantissait aucunement une diversité d’interactions. L’auteur, les auteurs ont saisi l’extrême variabilité des revendications matérialistes mais ils n’ont pas saisi l’opportunité qu’offre cette notion de réflexivité de comprendre la place de la sujétion ou de la manipulation, peut-être même la place du chaos, dans cette action collective. Ils ont cherché à démontrer une parenté de cette action collective, à travers la notion d’identité, avec les mobilisations qui ont suivi l’accident d’avion du 16 Aout 2005 et la mort du poète de langue française et homme politique d’en-Martinique, Aimé Césaire ; soulignant ainsi la part de l’émotion, de la volonté de faire peuple, etc. Mais ces trois mobilisations n’ont pas été construites par les mêmes acteurs et avec les mêmes ressources et méthodes. Ici, une mobilisation pour un accès aux ressources matérielles, là et là, une mobilisation pour faciliter le passage dans la mémoire. L’analyse systémique est indiquée dans le cas d’une nuée d’interactions, une kyrielle d’acteurs sociaux autonomes. Or, dans le sous-système social français, hyper-dépendant, d’en-Martinique, l’autonomie des acteurs sociaux est aussi impossible que l’autonomie dans l’égalité sociale du nouveau président du Conseil régional. Il n’y a ici que des figurants agités par une subculture politique gestionnaire, incapables d’entreprendre (de comprendre déjà) toute idée de transformation sociale, la problématique même du changement social, condition sine qua non de la construction d’une totalité.
3- Le politique et le culturel oblitérés
L’auteur, les auteurs de Les Antilles en colère ont peu fait référence au problème politique, la domination politique, la relation politique dépendante, les faibles ressources politiques martiniquaises, etc. La Martinique est un cas atypique de la relation dépendante. C’est que dans cette formation sociale et politique, les ressources politiques et les ressources culturelles n’ont pas été renouvelées depuis 1870 (La "République Nègre" de Louis Telgard) et 1883 (l’autonomie politique de Marius Hurard) pour le politique et le milieu des années 70, le nativisme nègre césairien, boubou, dashiki, djenmbe, pour le culturel ; mettant à nu ce qui pouvait servir d’arrière-pays politique et/ou d’arrière-pays culturel. Ainsi, une action collective avait secoué le pays pendant 36 jours et aucune ressource politique, aucune ressource culturelle nouvelle, n’avait émergé alors que tous s’entêtaient avec un lieu-commun bien français "plus rien ne sera comme avant". Pour tout changement, le GRS-Antilles (Groupe Révolution Socialiste) s’était transformé en arrière-cour du Nouveau Parti Anticapitaliste, yo soy desconsolado compañero, Pierro !
Il faut distinguer analytiquement le social et le politique même si ces deux notions peuvent être liées empiriquement, ponctuellement dans les sociétés sans domination politique directe et continuellement dans toutes formations sociales, domination politique ouverte. La Martinique (La Gwadloup, tou) est une formation sociale, bondamannimannan, dominée ; la revendication sociale qui a pour modèle le système social français d’en-France, submerge le politique. En Guadeloupe et en Martinique, les syndicalistes indépendantistes vont à la table des négociations, armés du code du travail français et des conventions collectives sorties des accords syndicats/patronat/Etat français ; les associations écologistes, parfois souverainistes revendiquent l’application du code du littoral français ; les créolistes, parfois indépendantistes, la charte européenne des langues régionales et le statut de langue régionale française pour la langue martiniquaise hâtivement, déclassée langue créole ; les autonomistes césairiens, "précurseurs" auto-proclamés de la "nation martiniquaise", veulent l’autonomie dans l’égalité sociale, une formule abracadabrantesque, R.F (ronm lan fini) ; et les indépendantistes "institutionnels" revendiquent une autonomie administrative dont Marius Hurard et ses amis républicains avaient dénoncé les insuffisances, à la fin du 19e siècle, etc.
Une telle action collective qui n’avait fait que relayer une protestation d’en-Guyane puis d’en-Guadeloupe (logique domienne, incapable de distinguer la Guyane, continentale et sud-américaine de la Martinique et de la Guadeloupe insulaires centre-américaines, caribéennes ; la Guadeloupe et la Martinique seraient îles sœurs donc forcément distinctes et la Réunion, Océan Indien, Mascareignes, lointaine, lotbotsay, an-tjou-makwenn, dans la globalisation qui agite le monde) n’avait jamais mobilisé des ressources identitaires martiniquaises. Ce sont les revendications matérialistes et notamment la "prime de vie chère" (tous fonctionnaires, euh français) qui ont été le carburant de l’action collective, le principe de cette prime arrêté, le mouvement s’était essoufflé, là même (pour faire artiste de l’imaginaire créole qui vote contre les intérêts propres de la Martinique au sein de la République française), en Guadeloupe et Martinique. On ne peut donc parler de mouvement social et encore moins de mouvement social total.
Les livres de sociologie et/ou de socio-anthropologie sont tellement rares en Martinique, une formation sociale qui a une foi inaltérée dans son récit d’un passé esclavagiste, à la gloire du créole (betje a, ou dann !) et/ou, par défi cynique bien obligé, un eldorado africain (parfois seulement sénégalais) poussif, que l’analyse, c’est aussi un récit, proposée dans Les Antilles en colère fait figure de renouveau de la pensée martiniquaise. Mais trop martinico-centré, cette nouvelle pensée martiniquaise magnifie une action collective qui n’a jamais envisagé le politique, c’est dire le futur, mais avait un but politique clair, en Martinique en tout cas, affaiblir et écarter les indépendantistes et sympathisants de la gouvernance des institutions françaises locales. Et puisque la fausse conscience (paradigme marxiste) reste une réalité incontournable du monde organisé, des indépendantistes martiniquais et/ou supposés tels, armés de leur symbole d’unité du peuple martiniquais, le drapeau rouge-vert-noir (not the Marcus Garvey flag) ont pleinement joué, les yeux dans le guidon, parfois la tête dans le sac, à ce délire français.
Simao moun Wanakera
A. Lucrèce, L-F Ozier-Lafontaine, T. L’Etang :
Les Antilles en colère,
Analyse d’un mouvement social révélateur,
L’harmattan, Paris, 2009.