Le ministre français de l'Intérieur, BriceHortefeux, a été condamné vendredi à 750 euros d'amende et 2.000 euros de dommages et intérêts pour injure raciale lors d'une conversation en 2009 avec un militant UMP d'origine maghrébine. Un ministre condamné peut-il rester au Gouvernement ?
Le tribunal correctionnel de Paris a jugé que les propos n'avaient pas vocation à être entendus par d'autres personnes mais n'étaient pas confidentiels pour autant, et qu'ils stigmatisaient les Arabes comme étant une source de problèmes.
Il a donc condamné le ministre à une contravention de quatrième classe pour "injure non publique envers un groupe de personnes en raison de leur origine", suivant les réquisitions du parquet qui estimaient que les propos n'étaient pas publics mais bien "outrageants" et "méprisants".
Le Parti socialiste a demandé la démission de Brice Hortefeux, qui a été défendu par l'UMP.
Le Premier ministre, François Fillon, a renouvelé "son amitié et sa confiance" à son ministre de l'Intérieur.
"Tous ceux qui connaissent Brice Hortefeux savent qu'il a montré, par son action, qu'il était respectueux des personnes et des lois", lit-on dans le communiqué de Matignon.
Le ministre de l'Intérieur, absent à l'audience comme au délibéré, était cité à comparaître par le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples).
"A lui maintenant d'en tirer les conséquences politiques. C'est une grande victoire contre le racisme et les expressions racistes", a déclaré l'avocat de l'association, Me Pierre Mairat.
L'avocat de Brice Hortefeux a annoncé qu'il ferait appel.
"C'est une décision juridiquement critiquable et M. Hortefeux décide de faire immédiatement appel", a dit Me Nicolas Bénoit.
Les faits se sont déroulés le 5 septembre 2009 sur le campus d'été des Jeunes UMP à Seignosse (Landes), alors qu'on présentait à Brice Hortefeux un jeune militant d'origine maghrébine et membre d'une délégation de l'Auvergne, qui précise cette dernière, n'est pas musulman et mange du cochon.
HORTEFEUX A DONNÉ DES EXPLICATIONS DIVERSES
A la fin de l'échange, aux côtés de Jean-François Copé, président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, le ministre dit : "Il ne correspond pas du tout au prototype. Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes."
La séquence a été filmée par des caméras de Public Sénat, à l'insu du ministre selon la justice, et diffusée par le site internet du Monde.
La diffusion de ces propos avait provoqué un tollé, la gauche réclamant même la démission du ministre.
Brice Hortefeux avait donné des explications diverses, disant tantôt qu'il parlait du nombre de clichés pris avec lui dans la journée, tantôt qu'il parlait des Auvergnats, dont il a fait sa cible électorale.
Le tribunal n'a pas jugé outrageant le terme "prototype", ne reprochant au ministre de l'Intérieur que la seconde partie de sa phrase.
"L'emploi du mot prototype (...) laisse entendre que tous les Arabes de France seraient semblables" et assimile une origine géographique à une religion, a dit le président. Cette phrase est donc "de nature à flatter le préjugé" mais elle ne traduit pas du mépris envers une personne d'origine arabe, a-t-il considéré.
En revanche, la suite des propos, dont il est incontestable qu'ils concernent les personnes d'origine arabe selon le tribunal, constituent "un aphorisme incontestablement outrageant sinon méprisant".
Les Arabes sont ici "présentées comme facteurs de problèmes du seul fait de leur origine", constate la justice.
Le PS a immédiatement réclamé la démission du ministre de l'Intérieur au nom de l'exemplarité.
"Dans la République exemplaire de Nicolas Sarkozy, il ne devrait pas y avoir de place pour un ministre condamné pour injure raciale", a déclaré le porte-parole du PS, Benoît Hamon, lors d'un point de presse. "La dignité dans cette affaire, c'est d'abord de s'excuser et ensuite de partir", a-t-il ajouté.
En revanche, Dominique Paillé, porte-parole de l'UMP, l'a défendu sur France Info en parlant de "désagréable surprise".
"Je connais l'homme, il n'est absolument pas raciste", a-t-il dit en soulignant qu'il était présent lorsqu'ont été tenus les propos incriminés. "C'est vraiment choquant."
Clément Guillou, édité par Jean-Baptiste Vey
Source : REUTERS