"Il appartiendra au juge d'établir si les responsables sont coupables !"
Louis Boutrin, président de l’association Ecologie urbaine, a été auditionné, hier après-midi, au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris, par le juge d’instruction Anne-Marie Bellot, en charge de l’instruction de l’affaire du chlordécone. Interview accordée à F.X.G. de l'Agence de Presse GHM
Depuis que la plainte est lancée, c’est votre première audition en tant que partie civile ?
C’est une première car le dossier a été délocalisé au pôle santé de Paris qui est la juridiction spécialisée dans ce type d’affaires comme c’est le cas pour l’amiante ou le sang contaminé. C’est délocalisé pour une raison bien simple… D’abord, compte tenu des personnalités qui sont mises en cause, et la deuxième chose c’est l’envergure de cette affaire qui concerne la Guadeloupe et la Martinique. 22 500 hectares de terre contaminés en Martinique, 5 400 ha en Guadeloupe… Aujourd’hui, nous nous retrouvons des sols pollués, mais surtout, on l’a vu lors d’études récentes, en 2008 on a trouvé chez 90 % des femmes enceintes du chlordécone dans le cordon ombilical. Là, ça pose un problème de santé publique.
Quels sont les griefs de votre plainte et ont-ils tous été retenus ?
Nous avions porté plainte pour mise en danger de la vie d’autrui et pour administration de substances dangereuses. Le chlordécone est un poison, c’est pourquoi avec Raphael Confiant, nous avons intitulé notre livre, Chronique d’un empoisonnement annoncé. Il est reconnu par les autorités scientifiques, notamment anglo-saxonnes, comme un poison… Nous souhaitons d’ailleurs qu’il y ait des études épidémiologiques spécifiques sur les ouvriers agricoles qui ont travaillé dans le secteur de la banane. Aujourd’hui, les études sont faites en Guadeloupe alors que la contamination n’est pas la même en Martinique… Et malgré tout cela, la justice n’a retenu que la mise en danger de la vie d’autrui. Ca va sans doute poser des problèmes, notamment au niveau de la prescription parce que notre plainte vise des faits allant de 1972 à 2002.
Lors de ces deux heures d’audition, que s’est-il passé ?
Je suis malheureusement obligé de garder le secret de l’instruction puisque je ne voudrais pas desservir la cause que l’association défend.
Sans rentrer dans les détails de la procédure, de quoi s’agissait-il ?
Des investigations ont déjà été faites, notamment par la DIPJ Antilles Guyane. Le dossier est bien enclenché, bien avancé. On se devait d’être présent aujourd’hui pour bien préciser l’objet de notre plainte. Dans notre ouvrage, Chronique d’un empoisonnement annoncé, nous avons identifié un certain nombre de responsables. Il appartiendra au juge d’établir si ces responsables sont coupables. Par rapport à tout ce que nous avons annoncé, on se devait d’apporter les preuves. J’ai remis un mémoire de plus de 300 pages au juge Bellot.
Peut-on imaginer que des gens tels que les anciens ministres Jean-Pierre Soissons, Henri Nallet ou Louis Mermaz soient entendus ?
Ils sont cités…
Et au niveau de la profession bananière ?
Très certainement. Il y a déjà eu des auditions et il y en aura d’autres parce qu’il n’est pas normal qu’on puisse retrouver des stocks de chlordécone comme ça s’est produit en 2003 alors que le chlordécone est interdit depuis 1993.
Qu’attendez-vous comme suite de la procédure ?
La procédure est enclenchée mais il appartient au juge d’identifier les responsabilités et les culpabilités. Et ce que je souhaite surtout, c’est que les agriculteurs et ceux qui ont travaillé dans ce secteur soient dédommagés et qu’ils aient un suivi médical. C’est d’ailleurs pour cela que je dois rencontrer le ministre de la Santé pour lui demander d’instaurer une veille sanitaire pour les ouvriers agricoles.
Source : F.A.