Revue de presse... déchaînée !
Julien Dray, dans les colonnes de France-Soir... Il trouve "suspecte cette offensive en règle depuis trois jours". "Nous assistons à un règlement de comptes contre la France métissée de l'équipe de 1998,contre les banlieues. On voit bien le scénario qu'on est en train de nous écrire. Il y a un contenu idéologique qui n'est pas acceptable".
Le foutoir !
Sur le site du quotidien irlandais The Irish Times, l'article qui relate les malheurs des joueurs français est le plus consulté du moment.
Sur le site du Corriere dello Sport, en Italie, les internautes s'en donnent à coeur-joie.
"Egalité, Fraternité, Eliminés", écrit un premier.
Et un autre ajoute : "Je suis trop content de ce qui arrive aux Français, eux qui donnent des leçons de vie au monde entier. C'est un peuple de présomptueux".
Beaucoup plus pince-sans-rire, sur un site britannique, un lecteur laisse ces quelques mots : "Pardonnez-moi d'écrire ce qui suit : ouarf ouarf ouarf !".
"Tout le monde est en train de se foutre de nous dans le monde entier", disait hier Franck Ribéry. Il n'a pas tout à fait tort... Mais, au-delà de ces commentaires facétieux, les sites étrangers sont plutôt factuels pour raconter les malheurs des Bleus.
C'est la presse française la plus cruelle. Je sais que beaucoup d'entre vous ouvriront les journaux, ce matin, en se délectant par avance des méchancetés qu'ils pourront y trouver. En voici quelques-unes pour la bonne bouche...
Les titres de Libération : c'est "le footoir" ; "Anelka passé à la Trappes" (ça tombe bien : c'est sa ville d'origine" ; ou encore "le comité défaite du Mondial".
Mais c'est dans L'Equipe qu'on trouve le plus d'acidité... A la Une du journal : le bus dans lequel les Bleus sont partis après avoir séché l'entraînement. C'est "la France en car !"… pas en quarts de finale du Mondial, non : juste en bus.
"L'union fait la farce", écrit Fabrice Jouhaud dans l'édito de L'Equipe, après "la mutinerie des Bleus" hier, comme l'appelle Le Parisien-Aujourd'hui. Ils ne sont pas d'accord avec le renvoi d'Anelka, alors ils ont fait grève. Humiliation suprême : ils ont fait lire le communiqué par Raymond Domenech lui-même. Et le capitaine Patrice Evra a failli en venir aux mains avec le préparateur physique des Bleus, Robert Duverne.
Commentaire de Fabrice Jouhaud : "Patrice Evra a définitivement démontré qu'il confondait la fonction de capitaine avec le rôle de chef de gang. Et Raymond Domenech a perdu sa dernière occasion de montrer du panache et du courage".
Ironie suprême à la Une du quotidien sportif... Sur l'autobus des Bleus, que l'on voit partir dans la nature, il y a cette inscription : "Tous ensemble vers un nouveau rêve bleu".
(Nicolas Demorand : « Au-delà des railleries, que trouve-t-on, ce matin dans la presse, sur cet épisode capital de l'Histoire de France ? »)
Beaucoup de commentaires (on y reviendra), mais aussi deux-trois petites informations et remises en perspectives...
Selon Le Parisien, les meneurs de la révolte hier étaient Gallas, Abidal et Malouda. Les autres n'étaient pas forcément d'accord pour faire grève, mais ils ont suivi quand même.
A propos de l'affaire Anelka, Le Figaro rappelle que ce n'est pas la première fois qu'un joueur est sanctionné pour avoir insulté son entraîneur. Le journal rappelle notamment l'une des sorties les plus célèbres d'Eric Cantona, qui avait traité Henri Michel de "sac à merde". Il avait été suspendu six mois.
Et puis, selon L'Humanité, ça tangue aussi en équipe d'Angleterre. Les joueurs seraient furieux contre le coach Fabio Capello, ses choix tactiques et son autoritarisme.
(ND : « Et on en vient aux commentaires »)...
De quoi Anelka est-il le nom ?
Pour Dominique Garraud, dans La Charente Libre, "le fiasco des Bleus est une question d'époque : époque de gros sous, d'egos surdimensionnés, et d'une vulgarité que l'on retrouve à tous les étages de la société sportive, politique et médiatique. Nicolas Sarkozy ne manque pas d'aplomb en jugeant 'inacceptables' les injures de Nicolas Anelka quand lui-même s'est fendu d'un 'Casse-toi, pov'con' au Salon de l'Agriculture".
"Cette crise du foot français est symbolique du cynisme que charrie l'époque", poursuit Paul Quinio dans Libération. "Les communicants nous vendent l'illusion de joueurs porteurs de valeurs collectives. Ils sont en réalité les traders bling-bling d'un sport qui, hier, a perdu beaucoup de crédit en France".
(ND : « Et, du coup, certains souhaitent carrément la défaite des Bleus demain »)...
C'est le cas de Jacques Attali, qu'on ne savait pas passionné de football... Sur Slate.fr, il publie un texte intitulé "Je souhaite la défaite des Bleus". "Elle nous débarrasserait de tous ces médiocres, elle fonctionnerait comme un signal d'alarme et permettrait de réfléchir au-delà du football". Attali rappelle les précédents : avant les insultes d'Anelka, il y a eu la main honteuse de Thierry Henry, mais aussi le lamentable coup de boule de Zidane.
"Rien n'est plus triste que de voir ministres et dirigeants de l'opposition s'unir pour souhaiter, une fois de plus, la survie provisoire de l'illusion française, comme on les voit ailleurs s'obstiner à ne pas parler des vrais enjeux économiques, géopolitiques et technologiques du pays. Puisse une élimination honteuse de cette équipe pitoyable nous réveiller et nous pousser à tout faire pour ne pas subir une autre élimination, bien plus terrible encore, dans le gigantesque affrontement géopolitique dont nous vivons aujourd'hui en spectateurs les commencements".
(ND : « Bon, personne pour défendre les joueurs ? »)
Si : sur ce mode politique, il y a Julien Dray, dans les colonnes de France-Soir... Il trouve "suspecte cette offensive en règle depuis trois jours". "Nous assistons à un règlement de comptes contre la France métissée de l'équipe de 1998,contre les banlieues. On voit bien le scénario qu'on est en train de nous écrire. Il y a un contenu idéologique qui n'est pas acceptable".
Sur un autre mode, Dominique Quinio, dans La Croix, s'étonne elle aussi de ce "bûcher d'idoles encore adorées la veille". "L'excès d'indignité va de pair avec l'excès d'honneurs. Il faut d'urgence remettre le football à sa juste place : c'est un jeu, c'est un sport".
Cette "flop story", comme le titre Métro, n'est sans doute pas terminée. Prochaines railleries demain matin, peut-être. L'équipe de Zidane avait un documentaire à sa gloire : "Les yeux dans les Bleus". A force de prendre des coups, celle de Ribéry aura des bleus dans les yeux.
(ND : « Quoi d'autre, dans la presse ? »)
Si vous voulez une belle histoire pour changer de Ribéry et consorts, la famille Obama vous la fournit clés en main, photo glamour à l'appui...
Dans son blog consacré aux Etats-Unis sur Liberation.fr, Lorraine Millot a constitué l'album de famille à partir des images publiées ces derniers jours dans la presse américaine. Daddy Obama embrasse ses filles ; il les promène à la plage ; il mange des glaces avec elles... Il se laisse gentiment humilier par les petites : "Tes discours, c'est du bla-bla". Jolie mise en scène pour un "Dad in Chief" en perte de popularité.
Lorraine Millot relève au passage que, lors de son message à l'occasion de la Fête des Pères, Obama a également rendu hommage aux familles homosexuelles, ce qui est beaucoup plus nouveau.
Retour à la violence de la société française. Elle n'émane pas que des Bleus. Rue89 raconte la soirée d'émeutes hier dans le quartier de Belleville, à Paris... La communauté chinoise manifestait pour dénoncer l'insécurité dont elle se sent victime. "Une dame s'est fait voler son sac. La police a laissé partir le voleur", raconte un participant à la manif. Cela s'est terminé en face à face : bouteilles de verre contre gaz lacrymo.
Sur Mediapart.fr, Eva Joly appelle à la démission du ministre du Travail Eric Woerth. C'est la suite de l'affaire Liliane Bettencourt. Des écoutes piratées laissent entendre que le ministre du Travail et son épouse pourraient avoir usé de leur poids politique dans cette affaire privée. Conditionnel de rigueur.
Et puis un mot de la Fête de la Musique. C'est l'un des récits du jour dans Ouest-France, qui regrette que l'esprit d'origine de la Fête soit en train de se perdre.
A l'origine, c'était le rendez-vous des musiciens du dimanche. On se pointait à la dernière minute devant un bar, on tirait une ligne électrique, et c'était bon : on pouvait jouer.
Mais, depuis 1982, la programmation institutionnelle et de vedettes n'a cessé de prendre de l'importance. Cette année, plusieurs villes de l'ouest veulent en revenir à la Fête de la Musique telle qu'elle était à ses débuts. A Chartres-de-Bretagne, par exemple, on n'a installé aucune scène : ce sera à M. et Mme Tout-le-monde de s'approprier la rue. La baisse des subventions, en ces temps de crise, pourrait aider à un retour à plus de modestie.
En même temps, si des joueurs de vuvuzela s'installent sous vos fenêtres, vous pouvez leur suggérer d'aller voir en Afrique du Sud si Anelka y est encore…
Bonne journée...
Bruno Duvic in France Inter