Or, le favori ne gagne (presque) jamais le Mondial !
Espagne, Brésil, Argentine, Allemagne, Pays-Bas. A n’en pas douter, le vainqueur de cette édition sud-africaine se cache dans cette liste de favoris de la compétition.
Cinq nations majeures qui se partagent le haut de l’affiche. Championne d’Europe, la Roja était considérée comme LA meilleure équipe du monde au début de la compétition, comme en témoignait son incroyable bilan: 10 victoires pour autant de matchs lors des éliminatoires. Statistique plus effarante encore: depuis sa défaite contre la France (3-1) lors du 8e de finale du Mondial allemand, l’Espagne avait remporté 47 de ses 51 matchs pour deux nuls et deux défaites avant d’arriver au Mondial.
Les statistiques, la dynamique et la qualité de jeu parlaient pour les Espagnols, qui attendent toujours de remporter une Coupe du monde, après leur triomphe à l’Euro 2008. Seul hic, l’histoire prouve que le grand favori ne gagne (presque) jamais la Coupe du monde, et la défaite face à la Suisse au premier tour a montré que l’Espagne n’est pas à l’abri d’un accident de parcours. A la veille des quarts de finale, c’est désormais le Brésil qui est donné favori pour la victoire finale après sa montée en puissance régulière dans le tournoi. Mais rien ne dit que le champion du monde 2010 se trouve parmi ces deux équipes. Petit rappel historique de ces grands favoris qui n’ont pas su confirmer leur statut en allant au bout.
1950, Brésil: Le Maracanazo
Pour la première édition post-guerre mondiale, la coupe Jules Rimet a élu domicile au Brésil. Déjà réputés comme d’incroyables dribbleurs et manieurs de ballons, les Brésiliens sont les grands favoris de leur Mondial. Avec le soutien de 50 millions de supporters, ils passent sans encombre le premier tour. Fait unique, cette édition 1950 ne se joue pas sur une finale mais dans une formule de mini-championnat où se retrouvent le Brésil, l’Uruguay, l’Espagne et la Suède.
Faciles vainqueurs de leurs deux premières rencontres contre les Suédois et les Espagnols (7-1 et 6-1), les Brésiliens et la vedette Ademir (9 buts en 6 matchs) n’ont besoin que d’un nul lors du dernier match face à l’Uruguay, une sélection beaucoup moins convaincante (2-2 contre l’Espagne et 2-1 contre la Suède). Malheur aux vaincus dans un stade Maracana flambant neuf et devant près de 200.000 cariocas. Le Brésil ouvre la marque avant de céder sur deux accélérations de Schiaffino et Ghiggia.
La Celeste est championne du monde, désastre national pour le Brésil où plusieurs personnes se suicident dans les heures qui suivent le match. La fédération brésilienne décide par la suite d’abandonner le traditionnel maillot blanc pour le remplacer par une tunique jaune et verte.
1954, Hongrie: la symphonie inachevée
Il fut un temps où la Hongrie était la meilleure équipe de la planète. En 1954, la Coupe du monde revient en Europe, c’est la Suisse qui l’accueille. Champions olympiques 1952, invaincus depuis quatre ans, les Magyars ont réalisé le match du siècle en devenant la première équipe à battre l’Angleterre à Wembley le 25 novembre 1953. «L’équipe d’or» hongroise marche alors sur l’Europe au rythme des mouvements de son 4-2-4 et du trio royal du Honved Budapest Puskas-Czibor-Kocsis.
En matchs de poule, les Hongrois atomisent la Corée du Sud 9-0 puis la RFA 8 à 3. Ils se débarrassent ensuite des Brésiliens et des tenants du titre uruguayens 4-2. Et retrouvent les Allemands de l’ouest en finale. On croit alors à une nouvelle démonstration: la Hongrie mène 2-0 en huit minutes. Sous une pluie soutenue qui transforme le stade de Berne en champ de patates, les Allemands jouent physique et reviennent au forceps pour l’emporter 3-2. Deux ans plus tard, les troupes soviétiques interviennent à Budapest, les étoiles fuient à l’étranger, la Hongrie devient pour toujours une sélection de seconde zone.
1974, Allemagne: le libéro éteint le football total
L’Allemagne de l’Ouest organise pour la première fois la Coupe du monde. On attend le déferlement des Oranje néerlandais menés par le meilleur joueur du monde, Johan Cruyff. A cette époque, l’Ajax Amsterdam et le Feyenord Rotterdam dominent le football européen, la capitale hollandaise voit naître une nouvelle philosophie: le «football total», qui veut que l’équipe se comporte en bloc, attaque ensemble et défende ensemble, et que les joueurs soient capables de changer de poste au cours d’une action.
Quelques centaines de kilomètres plus à l’Est, à Munich, une autre révolution tactique est en cours. Le libéro, défenseur décroché inventé par les Italiens, devient le joueur qui initie la relance et les mouvements de son équipe, sous la houlette de Franz Beckenbauer. Les deux Nations sont les favorites du mondial: championne d’Europe en titre, la RFA est humiliée 1-0 par la RDA en match de poule avant de se reprendre et de se qualifier tranquillement pour la finale.
Pendant ce temps, les Hollandais déroulent: 6 matchs, 14 buts marqués, 1 seul encaissé. Les deux équipes se retrouvent au Stade olympique de Munich pour un des plus beaux matchs de l’histoire du Mondial. Malgré la maestria de Cruyff, Rep et Neeskens, c’est Gerd Muller qui est décisif et donne la Coupe à l’Allemagne. La rigueur a pris le pas sur le mouvement et les Pays-Bas chuteront une nouvelle fois en finale quatre ans plus tard.
2002, Corée: l’étoile de la loose
Cette équipe de France est sans aucun doute le plus bel exemple de la faillite des grands favoris en compétition. Quatre années auparavant, les Bleus avaient éteint une des meilleures équipes du Brésil de l’histoire (sur le papier) en finale. Rebelote en 2006. Mais en Corée et au Japon, c’est la France qui est archi-favorite.
Tout le pays se targue de ses champions du monde et d’Europe, qui comptent dans leurs rangs le meilleur joueur du monde, Zinedine Zidane, au sommet de sa gloire après sa victoire en Ligue des champions, et les meilleurs buteurs des championnats anglais (Henry), italien (Trezeguet) et français (Cissé).
C’est certain, le triomphe est en vue, et Adidas fait déjà des pubs avec la deuxième étoile brodée sur le maillot des Bleus.
Manque de pot, Zidane se blesse, les Sénégalais jouent le plus grand match de leur histoire, l’Uruguay bétonne et Henry prend un rouge. Le Danemark finit le boulot par un 2-0 en marchant. Pour la première fois depuis 1966, le tenant ne passe pas le premier tour. Deux défaites, un nul, zéro but marqué, catastrophe industrielle, tollé médiatique et retraite de Frank Lebeouf. Le Brésil, lui, ne se pose pas tant de question, et profite de la défaite de son chat noir pour s’offrir la «penta», cinquième étoile du bonheur.
Ecrit par François Mazet
dans Café des sports
Photo: Kaka et Luis Fabiano lors de Brésil-Chili le 29 juin à Johannesburg, REUTERS/Kim Kyung Hoon