"C'est un symbole fort de reconnaissance et d'espoir ", a déclaré Julien Bonanemoi, président du Sénat coutumier, avant que les deux étendards, le drapeau tricolore et celui du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) ne soient hissés devant une assistance restreinte, dans le jardin du haut-commissariat de la République. "La France est à même de nous accompagner dans notre émancipation, jusqu'à ce que la décolonisation soit achevée dans la paix et l'harmonie ", a-t-il poursuivi.
A défaut de consensus actuel sur un drapeau unique néo-calédonien, le député UMP Pierre Frogier avait proposé en début d'année de hisser les deux drapeaux, tricolore et kanak, sur les édifices publics.
Proposition approuvée par le Premier ministre et le président de la République, Nicolas Sarkozy, lors du comité des signataires de l'accord de Nouméa, réuni à Paris le 24 juin dernier. Et le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a parachevé le processus en émettant un voeu en ce sens mardi 13 juillet.
Pour Pierre Frogier, cet événement est à la fois "un aboutissement et une étape" dans la construction du destin commun calédonien.
Dans les faits, les deux drapeaux flottent déjà au fronton de certains édifices publics en province Nord et dans les Îles Loyauté. La présence du Premier ministre François Fillon -arrivé du Japon- octroie une dimension plus large à ce double drapeau.
"C'est un moment d'émotion très fort", a commenté samedi Rock Wamytan, indépendantiste membre du FLNKS et signataire historique de l'accord de Nouméa en 1998. "Il y a eu les Accords (de Matignon et de Nouméa), là c'est un peu comme un troisième accord. Maintenant, on va pouvoir construire un avenir plus serein", a-t-il déclaré.
Pour le président non-indépendantiste du Congrès de Nouvelle-Calédonie, Harold Martin, "c'est une évolution extraordinaire que l'on n'imaginait pas il y a cinq ans. Ce n'est pas un aboutissement mais ça permet d'aller de l'avant jusqu'à une solution définitive".
Le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie est plus mitigé. " Mon coeur est pour un drapeau calédonien qui flotterait aux côtés du drapeau français. Mon coeur n'est pas pour le drapeau du FLNKS", a ainsi déclaré Philippe Gomès, leader du parti non-indépendantiste Calédonie ensemble.
La question de l'indépendance devrait être soumise à referendum entre 2014 et 2018. Il reviendra au corps d'élus lors des élections provinciales de 2014 de décider du calendrier et du système institutionnel à proposer aux Néo-Calédoniens. D'ici là, les élus néo-calédoniens vont s'efforcer de préparer le terrain et de dépasser les divisions qui agitent le camp indépendantiste comme le camp non-indépendantiste.
Source : Associated Press
LES DEUX DRAPEAUX DE NOUVELLE CALEDONIE
À Nouméa, François Fillon va mesurer les divisions internes des deux camps, indépendantistes et anti-indépendantistes.
François Fillon arrive samedi en Nouvelle-Calédonie pour la première visite d'un dirigeant de l'exécutif depuis celle de Jacques Chirac en 2003. Dans cet archipel français du Pacifique engagé depuis 1998 sur la voie d'une décolonisation par étapes, le premier ministre présidera une cérémonie hautement symbolique au Haut-Commissariat de la République à Nouméa : la levée des deux drapeaux, le drapeau national et le drapeau kanak, emblème du FLNKS.
Le mois dernier, Nicolas Sarkozy avait reçu une délégation calédonienne venue à Paris pour la réunion, le 24 juin à Matignon, du comité de suivi de l'accord de Nouméa. Il avait approuvé le projet du député UMP Pierre Frogier de hisser le drapeau du FLNKS au côté du drapeau national sur tous les bâtiments officiels, si le Congrès de Nouvelle-Calédonie en était d'accord. C'est chose faite, et à une très large majorité, depuis mardi.
Réélu de justesse
Paul Néaoutyine, chef du Palika et président indépendantiste de la province Nord, minimise l'événement : «Déjà, en 1988, on avait levé les deux drapeaux en présence de Michel Rocard sur le stade de ma commune à Poindimié.» Oui, mais cette fois-ci il s'agit d'un bâtiment de l'État. Aussi ce «geste fort» pour les uns est-il considéré comme «un abandon de souveraineté» par d'autres. En revanche ces mêmes contestataires n'ont rien contre la présence du drapeau indépendantiste à côté du drapeau tricolore sur les bâtiments des institutions calédoniennes, comme le gouvernement, le congrès, les provinces, le sénat coutumier ou les mairies.
Au cours de sa visite, le premier ministre se rendra dans les trois provinces - Sud, Nord et Loyauté -, avec notamment la visite des sites des usines de nickel de la SMSP dans le nord et de Vale Inco dans le sud. François Fillon va se heurter aux divisions internes des deux camps, indépendantistes et anti-indépendantistes.
La réélection d'Harold Martin à la présidence du congrès, mardi, en est l'illustration. En 2009, l'Entente républicaine, réunissant les trois principales composantes du camp non indépendantiste, le Rassemblement-UMP, l'Avenir ensemble et Calédonie ensemble, avait obtenu la présidence des trois principales institutions du pays : la Province Sud à Pierre Frogier (Rassemblement-UMP), le Congrès à Harold Martin (Avenir ensemble) et le gouvernement à Philippe Gomès (Calédonie ensemble). Mais les relations se sont rapidement détériorées, au point d'amener Gomès à annoncer publiquement son intention d'écarter Martin de la présidence du Congrès.
La manœuvre a failli réussir. Privé des 11 voix du parti de Gomès qui a voté blanc, Martin a été réélu de justesse au troisième tour à la majorité relative avec 3 voix d'avance seulement sur la candidate du FLNKS. Il a été tiré d'affaire par le Palika, dont les six élus ont voté blanc au lieu de soutenir la candidate indépendantiste. Le Palika réglait ainsi ses comptes avec l'Union calédonienne (UC), principale composante du FLNKS. Autre règlement de compte prévisible à court terme : l'éviction de Gomès de la présidence du gouvernement.
Face à cette division, l'État apparaît encore comme un recours. L'autorité ferme et discrète du haut-commisaire Yves Dassonville, reconnue par tous les acteurs de la vie politique calédonienne, est un gage de poursuite d'un cheminement «à l'océanienne» vers une issue consensuelle de l'accord de Nouméa.
Source : Le Figaro