15 000 personnes tuées sous l'autorité de Douch.
LUNDI 26 JUILLET 2010 : Voici quelques éléments pour comprendre les faits, le tribunal et le procès, qui ont conduit Kaing Guek Eav, alias Douch, à être condamné à 30 ans de prison.
Kaing Guek Eav, alias Douch, qui dirigea le sinistre camp S-21 où furent torturés et tués quelque 15.000 personnes au nom de l'idéologie totalitaire des Khmers rouges, a été condamné lundi 26 juillet à 30 ans de prison.
Le génocide :
Le mouvement révolutionnaire des Khmers rouges prend le pouvoir au Cambodge le 17 avril 1975. Pol Pot, appuyé par la Chine, veut construire une utopie marxiste en revenant à "l'année zéro". Il abolit la religion, les écoles, la monnaie, vidant les villes au profit de fermes collectives dans les campagnes. Paranoïaque à l'extrême, le régime multiplie les purges que justifient de multiples "complots". Quelque deux millions de Cambodgiens, environ un quart de la population, meurent d'épuisement, de famine, de maladie ou à la suite de tortures et d'exécutions.
L'après-génocide :
Les Khmers rouges sont chassés du pouvoir le 7 janvier 1979 par le Vietnam, allié à d'ex-membres du mouvement ayant fait défection, comme Hun Sen, aujourd'hui Premier ministre. Ils deviennent rebelles dans le nord et l'ouest du pays, avec le soutien militaire de Pékin et l'assentiment des Etats-Unis et de leurs alliés. Le mouvement s'effondre au milieu des années 1990. Pol Pot décède en 1998 sans être jugé, comme d'autres acteurs-clef
Le tribunal :
En 1997, le gouvernement cambodgien demande l'aide de l'ONU pour juger d'anciens cadres Khmers rouges. Un accord est signé en 2003 et les Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens (CETC) sont établies en 2006 à Phnom Penh. A l'inverse du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (La Haye) et du TPI pour le Rwanda (Arusha, Tanzanie), la cour juge des crimes de guerre et crimes contre l'humanité sur le lieu même des massacres. Juridiction hybride travaillant en langues khmère, anglaise et française, elle mélange les droits international et cambodgien, et les cultures juridiques française et anglo-saxonne.
Le processus a été marqué par des retards, des accusations d'ingérence du gouvernement cambodgien, des frictions entre magistrats nationaux et étrangers, ainsi que par des difficultés financières et des accusations de corruption. La peine de mort a été exclue, ainsi que les compensations financières aux survivants.
Les accusés :
Outre Douch, 67 ans, quatre dignitaires khmers rouges devraient être jugés, mais pas avant 2011 : le "Frère numéro 2" Nuon Chea (84 ans), idéologue et bras droit de Pol Pot, l'ex-ministre des Affaires étrangères Ieng Sary (84 ans) et son épouse Ieng Thirit (78 ans), ainsi que l'ex-chef d'Etat Khieu Samphan (78 ans). Tous sont détenus dans un bâtiment adjacent au tribunal. Des enquêtes concernant cinq autres suspects ont été ouvertes en septembre, malgré l'opposition du pouvoir à Phnom Penh.
La notion juridique de génocide :
Les cinq sont poursuivis pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Mais à l'inverse de Douch, les quatre ex-membres du gouvernement sont aussi poursuivis pour génocide des Vietnamiens du Cambodge et de la minorité musulmane des Chams. La notion de génocide n'est pas retenue sur le plan juridique pour les massacres contre la population khmère par le régime khmer rouge. La définition de l'ONU du génocide évoque en effet des crimes "commis dans l'intention de détruire, intégralement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux". Or, par opposition au régime nazi pour les Juifs ou au régime hutu rwandais pour les Tutsis, les Khmers rouges ne voulaient pas exterminer leur propre peuple mais construire une nouvelle Nation.
SOURCE : Nouvelobs.com