La décision du Conseil constitutionnel est un coup de tonnerre. Les sages de la rue Montpensier considèrent que la garde à vue ne permet plus de concilier "d'une part la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties".
Les circonstances de fait et de droit ont changé depuis l'examen de la garde à vue par le Conseil constitutionnel en 1993, à commencer par " un recours de plus en plus fréquent à la garde à vue", qui ont conduit à la "banaliser". Il y a eu plus de 790 000 mesures de gardes à vue en 2009.
Le Conseil relève que les procédures soumises à l'instruction représentent moins de 3% des jugements et ordonnances correctionnelles. Conséquence : "Une personne est désormais le plus souvent jugée sur la base des seuls éléments de preuve rassemblés avant l'expiration de sa garde à vue". Les Sages notent aussi que le nombre d'officiers de police judiciaire a doublé depuis 1993, mais que "les exigences conditionnant l'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire" ont été réduites.
Pour autant, les Sages ne remettent pas en cause le principe de la garde à vue qui "demeure une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations". Ils ne fixent pas de lignes de conduite précises au gouvernement pour rédiger son texte. Il ne donne pas son avis sur la présence de l'avocat lors des interrogatoires, par exemple. Au gouvernement d'apporter "les garanties appropriées encadrant le recours à la garde à vue ainsi que son déroulement et assurant la protection des droits de la défense".
En tant que juges, les Sages du Conseil ne disent pas au gouvernement ce qu'il doit écrire. Ils fixent les grandes lignes, tout en sachant qu'ils seront amenés à se prononcer une fois la nouvelle loi adoptée. Enfin, le Conseil constitutionnel ne censure pas les dispositions régissant les gardes à vue en matière de terrorisme et de criminalité organisée, qui permettent de détenir un suspect jusqu'à 96 heures. Il les a jugées constitutionnelles en 2004.
Alain Salles