Haïti : la candidature controversée de Wyclef Jean
in Le Figaro International
La star de hip-hop, adulée par la jeunesse, a déposé jeudi sa candidature à l'élection présidentielle haïtienne, prévue en novembre. Une reconversion qui ne fait pas l'unanimité.
«Les Etats-Unis ont Obama, ici vous allez avoir Wyclef ». C'est avec cette phrase que Wyclef Jean a officiellement lancé jeudi sa campagne pour l'élection présidentielle en Haïti, son pays natal. Accompagné de sa femme et de sa fille, la star de hip-hop, ex-leader du groupe culte «The Fugees», s'est rendu jeudi au bureau du Conseil électoral à Port-au-Prince, pour y déposer sa candidature, devant quelques 500 jeunes supporters rassemblés pour l'occasion. Huit autres candidatures ont déjà été enregistrées pour l'élection prévue le 28 novembre.
«Le monde entier nous regarde aujourd'hui, je représente tous les Haïtiens», a déclaré le chanteur, né dans la banlieue de Port-au-Prince et parti pour les Etats-Unis à l'âge de neuf ans. «Nous devons vivre ensemble, travailler ensemble pour changer Haïti, ouvrir plus d'écoles», a-t-il ajouté, encourageant les jeunes à venir chercher leurs cartes électorales. «Je ne vous demande pas de l'argent mais votre puissance pour le changement», a encore insisté la star, qui a promis de faire venir le rappeur 50 Cent en Haïti.
Invité un peu plus tard sur CNN, le chanteur, âgé de 40 ans, a déclaré qu'il voulait être «la voix de la jeunesse». «Depuis 200 ans, nous souffrons des mêmes maux et ce que je dis, c'est qu'en votant pour Wyclef Jean, vous essaierez quelque chose de nouveau», a-t-il lancé.
«Je sens que je suis réclamé par la population»
«Si je regarde la situation d'Haïti en me mettant dans la peau d'un enfant, je pense qu'il faut absolument mettre l'accent sur l'éducation, la création d'emplois, l'agriculture, la sécurité et la couverture santé», a encore déclaré Wyclef Jean, interrogé cette fois sur son programme.
Le chanteur est intervenu en Haïti à plusieurs reprises après le séisme du 12 janvier, faisant plus de 250.000 morts et jetant à la rue environ 1,5 million d'Haïtiens. Il a notamment distribué avec sa fondation Yéle Haïti des tentes, de la nourriture ou bien encore de l'eau à ses compatriotes démunis. «J'ai toujours eu en tête l'idée de servir mon pays», a-t-il expliqué sur CNN. Mais depuis la catastrophe, «je sens que je suis réclamé par la population, pour lui offrir un nouveau visage, une nouvelle voix», a-t-il précisé.
Un avis pas forcément partagé par tous. L'acteur américain Sean Penn a ainsi fait part de ses réserves, jeudi soir, sur la candidature de Wyclef Jean, mettant notamment en doute les motivations du musicien et de ses soutiens. Sean Penn, très impliqué dans l'aide à Haïti après le séisme dévastateur du 12 janvier, a affirmé sur CNN que le chanteur n'avait pas été présent pendant les mois qui ont suivi la catastrophe.
«Avec Wyclef, c'est de l'improvisation, une aventure»
«Il a été pratiquement muet pour nous autres en Haïti, une non-présence», a déploré l'acteur, l'accusant également d'avoir détourné 400.000 dollars de dons dans le cadre de levées de fonds pour son ONG, Yéle Haïti («Un cri pour Haïti» en Français). Une fondation que le chanteur avait co-fondé en 2005 et dont il vient de démissionner en vue de sa campagne électorale. Yéle Haïti, qui a récolté quelque 9 millions de dollars après le séisme, a été mise à l'index pour malversations. Il lui est notamment reproché d'avoir versé en 2006 100.000 dollars à Wyclef Jean pour un concert censé être bénévole. Si le chanteur a reconnu que les déclarations d'impôts de l'ONG n'avaient pas été faites dans les règles de l'art, il a en revanche réfuté les autres accusations.
A Port-au-Prince aussi, la candidature de Wyclef Jean est loin de faire l'unanimité. Certains dirigeants politiques crient notamment à l'aventurisme. «Ce qui se passe en ce moment c'est une réaction très émotionnelle. Avec Wyclef, c'est de l'improvisation, une aventure», a ainsi réagi Evans Paul, dirigeant d'un parti d'opposition, à propos de l'effervescence suscitée dans l'île par la présence du musicien dans la course à la présidence. Dans les rues de la capitale haïtienne, les jeunes sont en effet majoritairement séduits par l'idée de sa candidature, même si beaucoup ne veulent pas le voir abandonner la musique.
«Je suis préoccupé, a également confié Serge Gilles, chef d'un parti de gauche. On est en train de mélanger deux choses: la politique et l'art. Cela peut donner des résultats négatifs».
SOURCE : Le Figaro International