SEXUALITE : TROIS FOIS PAR JOUR, TROIS FOIS PAR SEMAINE OU TROIS FOIS PAR MOIS ?

Sexe : la fréquence est-elle importante ?

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Trois fois par jour, Trois fois par semaine ou trois fois par mois… la sexualité ne devrait pas être affaire de comptabilité. Pourtant, tiraillés entre ce que nous croyons être « normal » et ce que nous vivons, nous en arrivons parfois à ne plus faire confiance à nos désirs. in Psychologies.com



 

Mon mari et moi, mariés depuis neuf ans, avons une vie sexuelle très agréable. Nous faisons l’amour de façon très intense et très satisfaisante, mais pas très fréquente. Deux ou trois fois par mois. Or, quand je regarde autour de moi, quand j’écoute mes amis ou quand je lis la presse, j’ai l’impression d’être anormale. Pouvez-vous me dire quelle est la moyenne des rapports sexuels dans un couple normal

Cette question, reçue au journal, nous a interloqués. Les diktats sexuels sont-ils devenus tels qu’un couple heureux puisse douter de son propre épanouissement ? « C’est “la” question que posent la plupart des patients dans tous les cabinets de sexologie, témoigne le sexothérapeute Alain Héril. “Comment font les autres ?” Sous-entendu : “Suis-je normal ?” Aujourd’hui, la différence entre la sexualité médiatique et la sexualité individuelle est telle qu’elle devient source de culpabilité. »

En la matière, la notion de fréquence prend une acuité essentielle. Carole, 28 ans, onze ans d’amour et cinq de vie commune : « Ce sujet est au cœur de nos discussions… Mon compagnon se fie aux sondages et aux récits de ses amis hommes, qui assurent tous avoir un minimum de deux à trois rapports sexuels par semaine, et s’interroge sur ma libido, “paresseuse” selon lui. Pourtant, je suis très épanouie, même avec un rapport par semaine en moyenne, et je suis intimement persuadée que je ne suis pas la seule dans ce cas. »

Se rassurer et rassurer l’autre

Cette incessante recherche de la normalité est récente. Par le passé, l’information sexuelle étant profondément taboue, il n’y avait aucun moyen de comparer la fréquence moyenne des rapports dans les couples. En outre, celle-ci était largement gouvernée par la crainte de la grossesse. La libération sexuelle a eu pour conséquence de désinhiber la parole, mais l’afflux d’informations brouille nos ressentis. « La sexualité, ce n’est pas du copier-coller, explique Alain Héril. Ce n’est ni faire comme le voisin, ni faire comme la dernière fois. La sexualité est d’abord un dialogue : elle est mouvante, se nourrit de surprise et d’inattendu. Elle est génitale, hormonale, mais elle est avant tout émotionnelle : elle s’enrichit de la rencontre avec l’autre.

Si on est dans le “il faut” (“Je n’ai pas fait l’amour depuis trois semaines, il faut donc que je me force ce soir”), on n’est plus dans le désir mais dans l’obligation, dans l’auto-injonction. » Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas de plaisir ni d’orgasme. Mais si notre envie de faire l’amour n’est rien d’autre qu’un besoin de décharger une tension nerveuse, l’autre devient un objet masturbatoire. Il n’y a pas de rencontre.

Cette inquiétude de ne pas faire assez l’amour se nourrit également de la crainte de ne pas être à la hauteur. « Certains hommes, explique la sexologue Catherine Solano, ont besoin de preuves pour se rassurer sur leur virilité. Ils cherchent donc à se raccrocher à tout ce qui peut être “mesurable” : la taille de leur sexe, la fréquence de leurs rapports, leur durée… Lorsqu’elles comprennent, inconsciemment, qu’elles ne sont pas désirées pour elles-mêmes, leurs partenaires ne peuvent que refuser cette sexualité où elles n’ont pas leur place. Mais certaines femmes sont parfois également en attente de preuves : faire l’amour leur permet de se sentir désirables et désirées. »

C’est le cas de la femme d’Alex, 38 ans. Il raconte : « J’ai un boulot stressant, et, du coup, ma libido est souvent parasitée par un certain nombre de choses. Cela ne me dérange pas outre mesure de ne pas faire l’amour souvent. Mais si je laisse passer un trop grand laps de temps sans lui faire l’amour, ma femme s’inquiète.Elle s’imagine que je l’aime moins. Elle m’a même soupçonné d’avoir une maîtresse… Elle a besoin du sexe pour être rassurée sur mes sentiments pour elle. Donc, deux ou trois fois par mois, je me force un peu pour qu’elle ne s’inquiète pas. »

Guérir nos blessures 

Bien sûr, il faut entendre dans les demandes d’amour des histoires personnelles qui s’entremêlent. Liens douloureux dans l’enfance, complexes physiques, mauvaises expériences antérieures, narcissismes blessés… tous nourrissent une peur de l’abandon et du non-amour qui cherche à être contredite dans la relation sexuelle.

Ainsi, après un premier mariage malheureux, Florence, 49 ans, avoue son besoin de réassurance : « Peut-être est-ce dû aux leçons que j’ai tirées de ma vie conjugale antérieure, mais je suis extrêmement attentive à la fréquence de nos rapports sexuels. D’abord, parce que c’est un moment magique. Ensuite, parce que, au-delà du plaisir physique, c’est un moment de grande tendresse et d’intimité. Enfin, c’est pour moi l’assurance que mon ami me désire. Cela me rassure sur la pérennité de notre relation, peut-être. Ou sur mon pouvoir de séduction à l’approche de la cinquantaine. Tout cela en même temps, sans doute… » Le sexe devient alors la vérification que l’autre vous aime.

« Ce que j’entends dans mon cabinet, raconte Alain Héril, ce sont des femmes qui me disent : “Le seul moment où j’ai de la tendresse, c’est quand il a envie de sexe”. » Quand il n’y a pas de tendresse dans le couple, pas de toucher, pas de peau à peau régulier, l’acte sexuel devient le moyen d’en obtenir. « Le mot “tendresse” vient du verbe “tendre” : je tends vers l’autre, j’accepte d’aller vers lui et que lui vienne vers moi. La tendresse, comme la sexualité, est un type de dialogue en soi. Quand le couple évolue dans un monde de tendresse naturelle, une faible fréquence des rapports sexuels est bien vécue », conclut le sexothérapeute.

Après vingt-sept ans de vie commune, Agnès et Jacques, 54 et 56 ans, en témoignent : « Notre rythme est très fantaisiste, plus ralenti qu’autrefois, certes : nous sommes moins gourmands mais plus gourmets. C’est pourquoi compter nos rapports sexuels en nombre de pénétrations nous paraît inintéressant. Prendre plaisir à dormir blotti dans les bras de l’autre après toutes ces années, nous caresser, nous embrasser, continuer à avoir besoin de la peau de l’autre, tout cela nous semble mille fois plus important qu’une statistique pénétration-éjaculation-jouissance mensuelle ! »

Pascal, 58 ans, marié depuis trente ans, mise lui sur la parole : « Après toutes ces années, la fréquence de nos rapports n’est pas primordiale, car elle est irrégulière, variant en fonction de notre état de fatigue et de stress, ou tout simplement de notre libido. Mais elle est importante. Faire l’amour nous semble nécessaire à l’équilibre du couple mais, surtout, renforce notre amour et nous prouve que nous nous plaisons encore et que nous avons encore envie de nous donner du plaisir. Et parler de nos envies, désirs et fantasmes réciproques, ainsi que de nos manques et frustrations éventuels fait partie de notre quotidien. »

Se poser les véritables questions

Tous les sexologues admettent que parler de soi est essentiel. A condition de ne pas confondre information et communication, prévient la sexothérapeute Ahlam Fennou : « Dans certains couples, le véritable échange se perd parce que, justement, on croit l’instaurer en parlant. Or, de quoi parle-t-on ? De ce qu’on a lu, de ce qu’on a entendu, de ce qu’on voudrait faire…

Mais les véritables questions – est-ce important pour moi de faire l’amour ? Pourquoi ? Quel plaisir ai-je envie de partager avec l’autre ? Que sais-je de ses envies ? –, on ne se les pose pas parce qu’on n’a pas appris à y répondre. » « Il est tellement plus facile, enchaîne Catherine Solano, de s’appuyer sur des chiffres ou des comparaisons. Cela nous place sur le terrain de la revendication – “Tu vois, les autres font comme ceci ou comme cela… eux” – et non sur celui de l’intimité. »

Mélanie, 40 ans, refuse de compter : « Avec cet homme-là, le langage des corps m’a ouvert les portes de la vraie communication. Jamais je n’étais allée aussi loin dans l’échange. La fréquence varie au gré de notre fatigue, de nos préoccupations, de nos absences, mais un regard partagé, un geste tendre suffit toujours à nous reconnecter à notre amour, même si on n’a pas, à ce moment précis, le temps, l’envie ou l’opportunité de faire l’amour. Alors, “Combien de fois par mois ?” est une question qui n’a strictement aucune importance. » Se faire confiance à soi plutôt qu’aux autres… La sexualité est une forme de créativité, une danse à deux où la notion de rythme s’estompe. Elle devrait importer autant que les autres formes de dialogue du couple. S’interroge-t-on sur le nombre de fois où l’on a ri avec l’autre la semaine dernière ?

Combien de fois ?

Entre neuf et treize fois par mois (soit deux à trois fois par semaine) est la fréquence avouée par les Français, quel que soit leur âge et celui de leur couple. Mais que déduire de ces chiffres, sachant que ces statistiques, basées sur la moyenne mensuelle, rassemblent aussi bien ceux qui font l’amour trois fois par semaine que ceux qui, après quinze jours d’abstinence, passent tout un dimanche à s’aimer ?

De plus, la question de la fréquence des rapports reste un sujet relativement tabou et les réponses sont souvent dictées par l’angoisse de ne pas être « normal ». Dans une étude consacrée à la sexualité des Français, le sociologue Michel Bozon démontre que, s’il y a une activité sexuelle soutenue au cours des deux premières années de vie commune (treize rapports sexuels par mois), une stabilisation se produit autour de neuf rapports mensuels à partir de cinq ans d’ancienneté du couple. Une moyenne qui varie en fonction des étapes traversées par le couple : mariage, naissance d’un enfant, âge, stress professionnel, maladie, etc. 

Violaine Gelly in Psychologies.com