HAÏTI : INTERPELLATION DE JEAN CLAUDE DUVALIER A SON HÔTEL

duvalier1.jpg

"Bébé Doc" pourrait être poursuivi pour Crime contre l'Humanité.


 
La police haïtienne a interpellé l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier mardi à l'hôtel de Port-au-Prince où il était descendu après un retour inopiné dans son pays, a rapporté un témoin.
 
"Bébé Doc" va être interrogé par les autorités haïtiennes en préalable à d'éventuelles poursuites pour détournement de fonds publics, a dit à Reuters un membre du gouvernement ayant requis l'anonymat. "Il va être interrogé et il restera à la disposition de l'appareil judiciaire", a-t-il ajouté. 



Un juge haïtien accompagné de policiers s'est rendu à l'hôtel de Port-au-Prince où "Bébé Doc", âgé de 59 ans, s'est installé près avoir effectué un retour inattendu dans son pays, dimanche, au terme de 25 ans d'exil en France.

L'hôtel, situé à Pétionville, faubourg chic de la capitale, a été bouclé par des policiers en armes et un témoin a rapporté qu'ils avaient emmené Jean-Claude Duvalier.

Des mouvements de défense des droits de l'homme ont réclamé l'arrestation et le jugement de Duvalier qu'ils accusent d'avoir, en quinze ans de pouvoir, tué et torturé des milliers d'opposants.

Le membre du gouvernement a expliqué qu'une plainte pour détournement d'argent avait été réactivée contre l'ancien dictateur. Il a ajouté que plusieurs autres plaintes émanant de particuliers portant sur "d'autres crimes présumés" étaient en préparation.

Le Premier ministre, Jean-Max Bellerive, a reconnu lundi que les autorités haïtiennes n'étaient pas ravies du retour de Duvalier.

Comme la Constitution haïtienne interdit l'exil forcé, l'ancien "président à vie" avait le droit de revenir, a dit le chef du gouvernement, même si son passeport diplomatique délivré en 2005 a expiré. "Si des procédures judiciaires sont engagées à son encontre, alors le système judiciaire fera ce qu'il a à faire", a-t-il ajouté.

SITUATION COMPLIQUÉE

L'ambassadeur de France en Haïti, Didier Le Bret, a formulé l'espoir que Jean-Claude Duvalier repartirait en France dès que possible afin de ne pas perturber un processus électoral déjà contesté par une partie de la population.

Pour les observateurs, le retour de "Bébé Doc" à Port-au-Prince ne fera que compliquer la situation politique en Haïti, où la tension est vive depuis le premier tour de la présidentielle, le 28 novembre.

Les résultats du premier tour, dont l'annonce a été suivie d'émeutes, donnent en tête Mirlande Manigat, devançant de peu Jude Célestin, candidat soutenu par le président sortant René Préval.

Les experts de l'Organisation des Etats américains (OEA) préconisent, sur la foi d'irrégularités "importantes" dans le décompte des voix, que Célestin soit disqualifié et remplacé au second tour par le candidat arrivé troisième, le chanteur populaire Michel Martelly.

"Bébé Doc" avait accédé au pouvoir en 1971 à la mort de son père François Duvalier, alias "Papa Doc", devenant à 19 ans le plus jeune chef d'Etat au monde. Proclamé "président à vie", il a dirigé le pays jusqu'à son départ en exil en France en février 1986, à la suite d'un soulèvement populaire.

"Les violations importantes et systématiques des droits de l'homme commises en Haïti pendant l'ère Duvalier équivalent à des crimes contre l'humanité", a déclaré Javier Zuniga, conseiller spécial d'Amnesty International. "Haïti est dans l'obligation de le poursuivre en justice, de même que tous ceux qui sont responsables de tels crimes."

Accueilli à son arrivée par des centaines de partisans, Jean-Claude Duvalier a déclaré rentrer au pays pour faire montre de solidarité avec le peuple haïtien, durement éprouvé par le séisme du 12 janvier 2010 puis, à la fin de l'année dernière, par une épidémie de choléra qui a fait dans les 4.000 morts.

Selon les observateurs de la vie politique haïtienne, son retour ne pouvait pas survenir à un pire moment. "Comme si la politique haïtienne n'était pas assez agitée comme cela, la présence de l'ancien dictateur risque de réveiller de violentes passions à travers l'ensemble du spectre politique", estime Michael Shifter, président de l'organisation Dialogue interaméricain, dont le siège est à Washington

SOURCE : Reuters