REVOLTES ARABES : EFFONDREMENT DES REGIMES AUTORITAIRES AU MAGHREB ET AU MOYEN-ORIENT

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Le clan Kadhafi ne cède pas face à la contestation



Les émeutes ont continué samedi de secouer des régimes autoritaires du monde arabe, avec des dizaines de morts dans la répression policière en Libye, l'occupation par des milliers de Bahreïnis du centre de la capitale et des manifestations violentes au Yémen et à Djibouti.


La contestation a également frappé la Mauritanie et l'Algérie, deux pays du Maghreb où est né le mouvement de révolte qui a chassé du pouvoir le président Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier en Tunisie, et Hosni Moubarak, le 11 février en Egypte.


LIBYE

Au moins 173 personnes ont été tuées en Libye depuis le début de la contestation mardi selon Human Rights Watch (HRW), alors que le mouvement de révolte contre le colonel Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis bientôt 42 ans, commençait dimanche à toucher Tripoli.

La plupart des victimes ont été tuées à Benghazi, deuxième ville du pays à 1.000 km à l'est de Tripoli, mais selon des témoins joints par l'AFP, des heurts sanglants ont éclaté samedi à Musratha, à 200 km à l'est de la capitale. Bastion de l'opposition, Benghazi est devenu le théâtre de "massacres", a affirmé Fathi Terbeel, un des organisateurs des manifestations, sur la chaîne Al-Jazira. "Cela ressemble à une zone de guerre ouverte entre les manifestants et les forces de sécurité".

Dans la capitale libyenne, la tension était perceptible dimanche. Des dizaines d'avocats ont participé à un sit-in de protestation contre la répression devant le tribunal, selon des témoins et des sites d'opposition. Ils ont été cernés par des policiers alors que journalistes et passants étaient tenus à l'écart. De nombreux habitants faisaient des courses pour constituer des réserves alimentaires tandis que des commerçants vidaient leurs boutiques, de crainte de manifestations à venir.

Des membres des comités révolutionnaires en civil patrouillaient les rues de Tripoli, très peu animées, à bord de voitures parfois sans plaques d'immatriculation, selon d'autres témoins. Des affrontements ont eu lieu par ailleurs dimanche à Zaouia, à 60 km à l'ouest de Tripoli, de mêmes sources.

Selon le directeur du bureau de HRW à Londres, Tom Porteous, "au moins 173" personnes ont été tuées depuis mardi. Ce décompte est basé sur des sources hospitalières dans l'est de la Libye, dans quatre villes dont Benghazi, a-t-il ajouté, précisant qu'il s'agissait d'un chiffre incomplet en raison des difficultés de communications.

"Nous avons de fortes inquiétudes (...) qu'une catastrophe soit en cours en matière de droits de l'Homme", a-t-il affirmé.

Selon un décompte de l'AFP établi à partir de différentes sources libyennes, le bilan de la contestation contre le régime du colonel Kadhafi s'élevait à au moins 77 morts, pour la plupart à Benghazi.

Dans cette ville, des milliers de personnes manifestaient dimanche devant un tribunal, a indiqué à l'AFP Mohammed Mughrabi, un avocat.

Les services de sécurité, cités par l'agence officielle Jana, ont indiqué qu'une tentative de prise d'assaut d'une caserne se poursuivait à Benghazi dimanche, faisant des morts et des blessés parmi les assaillants ainsi que parmi les militaires.

Selon des témoins, de nombreux manifestants avaient été tués samedi lors d'une tentative d'assaut contre cette caserne.

"Nous demandons à la Croix Rouge d'envoyer des hôpitaux de campagne. Nous ne pouvons plus faire face", a déclaré M. Mughrabi.

"Il semble que le leader libyen ait ordonné à ses forces de sécurité de mettre fin à tout prix aux manifestations, et que les Libyens soient en train de payer ce prix de leur vie", a dénoncé Amnesty International.

La Ligue arabe a appelé dimanche dans un communiqué "à cesser immédiatement tous les actes de violence".

Plusieurs pays occidentaux se préparaient à évacuer leurs ressortissants, tandis que la Turquie a déjà rapatrié plus de 500 personnes depuis samedi, certaines disant avoir été la cible de violences à Benghazi. Le colonel Kadhafi n'a toujours pas fait de déclaration officielle depuis le début du mouvement.

D'après des témoins, des "heurts violents" entre manifestants et forces de l'ordre ont fait "des morts et des blessés" samedi à Musratha, troisième ville du pays. Selon des témoignages concordants, les forces de l'ordre étaient appuyées par des "mercenaires africains" qui "tir(aient) sur la foule sans distinction".

En outre, un haut responsable libyen a déclaré dimanche à l'AFP qu'un "groupe d'extrémistes islamistes" retenait en otage des membres des forces de l'ordre et des citoyens à Al-Baïda, dans l'est du pays. Le groupe menaçait d'exécuter ses otages si les forces de l'ordre ne levaient pas le siège autour de lui.

Parallèlement, les autorités ont annoncé avoir arrêté des dizaines de ressortissants arabes appartenant à un "réseau" ayant pour mission de déstabiliser le pays, selon Jana.

Des témoignages concordants faisaient en revanche état de prisonniers libérés par les autorités, en particulier à Tripoli et Zaouia.

Selon la présidence hongroise de l'UE, les autorités libyennes ont convoqué un représentant de l'UE à Tripoli pour menacer de cesser sa coopération dans la lutte contre l'immigration si l'Europe continue à "encourager" les manifestations sans précédent dans le pays.

 

BAHREIN

Les dirigeants de Bahreïn doivent garantir qu'ils traduiront leurs paroles d'apaisement par des actions, a souhaité dimanche un opposant chiite à Manama. Les autorités ont proposé l'ouverture de discussions, mais l'opposition ne semblait pas pressée de répondre à cette offre après une semaine de manifestations violemment réprimées dans ce petit royaume du Golfe.

"Hier, vous tuez des gens, et aujourd'hui, vous voulez qu'ils s'assoient avec vous. Ce n'est pas si facile", a déclaré Abdul-Jalil Khalil, un responsable d'Al Wefaq, le principal mouvement d'opposition chiite, en précisant qu'aucune discussion n'avait eu lieu pour l'instant.

"Nous ne refusons pas un dialogue avec le prince héritier, mais nous avons besoin de garanties pour qu'ils traduisent leurs paroles par des actions", a-t-il souligné. Il a rappelé que la principale demande de l'opposition, c'était la démission du gouvernement responsable de la répression sanglante menée cette semaine contre les manifestants.

Un autre chef de l'opposition, Ibrahim Sharif, avait également réclamé samedi des garanties avant d'entamer des discussions avec le pouvoir, soulignant que les manifestants doivent pouvoir se rassembler librement, sans crainte d'être attaqués.

On ne faisait pas état de violences dimanche, mais beaucoup de secteurs du pays étaient paralysés par une grève générale lancée à l'appel de mouvements d'opposition et de syndicats de travailleurs.

Plusieurs centaines de manifestants ont passé la nuit de samedi à dimanche sur la place de la Perle, dans le centre de Manama, la capitale. Ils ont réinvesti le site samedi après le retrait des forces de sécurité, qui avaient ouvert le feu sur les contestataires vendredi, faisant des dizaines de blessés.

La place de la Perle est devenu le lieu emblématique de la contestation à Bahreïn, où les manifestants réclament plus de libertés politiques et des réformes, aspirant à ce que le pouvoir décisionnaire passe au Parlement et que la famille royale cesse d'avoir la haute main sur les portefeuilles ministériels de premier plan. Y existe également un facteur religieux, facteur de division: la dynastie régnante est en effet sunnite, tandis que la majorité de la population est chiite et se plaint de discrimination.

Le prince héritier Salman ben Hamad Al-Khalifa, également commandant adjoint des forces armées, a ordonné samedi le retrait de "toutes les forces armées" des rues" et promis à l'opposition d'entamer un dialogue politique. Sur la place de la Perle, les manifestants ont passé la nuit de samedi à dimanche dans des tentes ou à même le sol. "Comme vous le voyez, il y a des dames avec leurs enfants, des familles ici, pas seulement que des hommes. C'est tout le monde, qui reste ici", notait un manifestant, Amar al-Mubarak.

Des manifestants, levés tôt, vers 6h (3h gmt), scandaient "Hamad dehors", invitant le roi Hamad ben Isa Al Khalifa à quitter le pouvoir. "On ne peut pas tuer les gens et dire, 'parlons'", pouvait-on lire sur des pancartes.

 

YEMEN

Plusieurs centaines d'étudiants yéménites ont manifesté dimanche devant le campus de l'université de Sanaa sans être inquiétés par les partisans du pouvoir tenus à l'écart par la police, selon un correspondant de l'AFP.

Les étudiants ont scandé des slogans contre le régime du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans. Une centaine de partisans du régime se tenaient à une centaine de mètres des manifestants, dont ils étaient séparés par des cordons de policiers.

Samedi, de violents heurts ont opposé étudiants à des partisans du régime à Sanaa, faisant de nombreux blessés. Des affrontements entre manifestants et forces de sécurité ont également fait un mort et plusieurs blessés à Aden, la principale ville du sud du pays.

Dans la capitale, pendant six jours jusqu'à samedi, les partisans du régime armés de gourdins, de pierres et d'armes blanches, ont systématiquement attaqué les jeunes, notamment les étudiants, à chaque fois qu'ils manifestaient.

En outre, le président Saleh a ordonné aux forces de sécurité de protéger les journalistes et de leur permettre d'exercer librement leur métier, a rapporte dimanche l'agence officielle Saba.

L'opposition parlementaire au Yémen a annoncé dimanche sa décision de se joindre au mouvement de protestation mené notamment par des étudiants et affirmé qu'elle ne reprendrait pas le dialogue avec le pouvoir sous la menace des armes.

Dans un communiqué dont l'AFP a obtenu une copie, le Forum commun, une alliance de l'opposition parlementaire, appelle ses composantes à "rejoindre les rangs des jeunes qui manifestent contre la répression, la tyrannie et la corruption". Les manifestations, qui se déroulent quotidiennement à Sanaa et dans d'autres villes du pays, et ont été jusqu'à samedi violemment réprimées par des partisans du président Ali Abdallah Saleh sont organisées à l'initiative d'étudiants et de composantes de la société civile.

Dix personnes ont été tuées dans la dispersion de manifestations à Aden, la grande ville du sud, depuis le début le 13 février de la contestation du régime du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.

 

ALGERIE

En Algérie, des centaines de personnes ont tenté de se rassembler dans la capitale aux cris de "Algérie libre et démocratique", "Pouvoir assassin", "Le peuple veut la chute du régime", et ont été repoussées par d'importantes forces de sécurité.

En tout, "il y a eu une dizaine de blessés, dont deux grièvement" a déclaré à l'AFP Khalil Moumène, membre de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), qui avait appelé à cette manifestation.

Outre le député blessé, Tahar Besbas, "un manifestant a été frappé au visage par un policier", a-t-il précisé. Selon le docteur Rafik Hassani, médecin-réanimateur et député du RCD, M. Besbas a été "réellement tabassé par les policiers. Il a reçu un coup de matraque dans le plexus et est tombé à terre", a-t-il expliqué. "Là, il a été roué de coups de pieds par les policiers". M. Besbas souffre "d'un traumatisme crânien avec perte de connaissance et d'un polytraumatisme".

 

MAURITANIE

En Mauritanie, des manifestations contre le manque d'eau et la hausse des prix dans une ville du sud-est, Vassala, ont été sévèrement réprimées vendredi, a annoncé samedi l'opposition qui a fait état de blessés et d'arrestations.

 

DJIBOUTI

A Djibouti, un policier et un manifestant ont été tués vendredi lors de heurts après un rassemblement de l'opposition qui réclame la fin du régime du président Ismaël Omar Guelleh. Trois chefs de l'opposition ont été arrêtés samedi. Deux d'entre eux ont été libérés dans la soirée, selon la télévision d'Etat.

"Aden Robleh Awaleh, Ismaël Guedi Hared et Mohamed Daoud Chehem ont été placés samedi en garde à vue à la suite des violents heurts survenus vendredi soir à Djibouti entre forces de l'ordre et manifestants", a indiqué M. Souleiman dans une déclaration à la presse.

Tous trois sont respectivement présidents du Parti national démocratique (PND), de l'Union pour la justice et la démocratie (UDJ) et du Parti.

les trois dirigeants de l'opposition "en liberté provisoire"

Trois dirigeants de l'opposition djiboutienne, arrêtés quelques heures samedi au lendemain d'une manifestation ayant dégénéré en violences, sont en "liberté provisoire", les enquêtes se poursuivant sur leur rôle dans ces incidents, a indiqué le procureur général de Djibouti.

La télévision d'Etat avait annoncé samedi soir la libération de deux d'entre eux. Ce sont en fait les trois qui ont été libérés, a expliqué le procureur général Djama Souleiman.

"Nous les avons libérés provisoirement parce que nous estimons encore que, malgré leur irresponsabilité, ils sont des dirigeants de partis politiques, l’un d’eux étant un parlementaire", a-t-il déclaré à l'AFP .

"Nous continuons nos enquêtes afin de déterminer dans quelle mesure ils ont manipulé les pilleurs et instrumentalisé les actes de violences et de dégradation", a expliqué le procureur Souleiman.

Aden Robleh Awaleh, Ismaël Guedi Hared et Mohamed Daoud Chehem avaient été placés samedi en garde à vue à la suite des violents heurts survenus vendredi soir entre forces de l’ordre et manifestants de l'opposition.

Tous trois sont respectivement présidents du Parti national démocratique (PND), de l’Union pour la justice et la démocratie (UDJ) et du Parti démocratique djiboutien (PDD).

Ismaël Guedi Hared dirige également l’Union pour l'alternance démocratique (UAD), principale coalition de l'opposition à l'origine de la manifestation de vendredi qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes près du stade Gouled.

Un policier et un manifestant ont été tués dans les violences qui se sont poursuivies de façon sporadique samedi dans la banlieue populaire de Balbala.

Les manifestants, se revendiquant des révolutions égyptienne et tunisienne, exigeaient le départ du président Ismaël Omar Guelleh, au pouvoir depuis 1999 et qui briguera un troisième mandat à la présidentielle du 8 avril.

"Des personnes ont été arrêtées en flagrant délit, elles seront jugées et punies selon la loi", a ajouté le procureur général, qui n'a pas précisé le nombre de ces personnes interpellées.

"Nous avions autorisé cette manifestation, mais malheureusement les manifestants ont dépassé les horaires prévues (...), tout ce qui s'est passé est sur les épaules des dirigeants" de l'opposition, a-t-il estimé.

La situation était revenue à la normale dimanche dans la capitale djiboutienne, où la présence policière était beaucoup plus discrète qu'au cours des dernières 48 heures.

 

MAROC

Des échauffourées ont éclaté dimanche à Al Hoceima, dans le nord du Maroc, la police ayant dû faire usage de gaz lacrymogènes pour disperser des protestataires qui attaquaient notamment un poste de police, selon des témoins.

Des villageois venus des alentours d'Al Hoceima ont jeté des pierres contre un poste de police et "incendié cinq voitures" après la fin d'une manifestation en faveur de réformes politiques, qui s'était déroulée pacifiquement, a indiqué un témoin, joint par téléphone.

La police a fait usage de gaz lacrymogènes contre les villageois, a précisé ce témoin, ainsi qu'un autre habitant de la ville située sur la côte méditerranéenne du Maroc.

Il n'a pas été possible d'obtenir immédiatement confirmation auprès des autorités et on ignorait si ces incidents ont fait des blessés. Des manifestations en faveur de réformes politiques ont eu lieu dimanche dans de nombreuses villes du Maroc. Des incidents se sont produits à Marrakech (sud) et Larache (nord), à l'issue des manifestations dans ces villes.

 

IRAN

Les forces anti-émeutes et des miliciens islamistes se sont largement déployés dans le centre de Téhéran alors que des partisans de l'opposition tentaient de se rassembler en divers points, ont rapporté dimanche plusieurs sites d'opposition et des témoins.

Selon les sites Kaleme et Sahamnews, des rassemblements sont intervenus sur plusieurs places et avenues du centre de Téhéran, où les manifestants lançaient des slogans "Allah Akbar" (Dieu est le plus grand).

Les forces anti-émeutes et les miliciens islamistes, déployés en masse dans la capitale selon des témoignages parvenus à l'AFP, sont intervenues pour tenter d'empêcher ces rassemblements, parfois en faisant usage de gaz lacrymogène, ont indiqué ces sites.

Les correspondants de la presse étrangère n'ont pas le droit de se rendre sur place pour couvrir les manifestations, selon une interdiction en vigueur depuis le début des manifestations antigouvernementales déclenchées par la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009.

 

JORDANIE

Le roi Abdallah II a appelé dimanche le gouvernement, le Parlement et la justice à prendre des mesures rapides pour engager des "réformes politiques réelles", entamer un "dialogue général" et lutter contre la corruption. "Je veux des résultats rapides. Lorsque nous évoquons les réformes politiques, il s'agit de réformes réelles et modernes", a dit le roi, cité par l'agence officielle Petra, en recevant au palais royal les responsables du gouvernement, du Parlement et du pouvoir judiciaire.

Il a dit attendre des recommandations du gouvernement pour entamer un "dialogue général sur les étapes vers les réformes politiques", sans toutefois en préciser les priorités. Le roi a évoqué les affaires de corruption soulignant qu'il fallait agir "rapidement".

"S'il y a des suspicions de corruption, il faut enquêter immédiatement et prendre des mesures sur le champ. Si les soupçons ne sont pas fondés, il faut le dire et cesser les accusations car les propos irresponsables nuisent au pays et à sa position", a dit le roi, selon Petra.

Les manifestations en Jordanie depuis janvier ont toutes appelé à des réformes politiques et à la lutte contre la corruption alors que des partis politiques et des regroupements tribaux ont demandé le "jugement de hauts responsables corrompus quel que soit leur rang".

Des partisans du régime jordanien ont attaqué vendredi une manifestation de centaines de jeunes qui réclamaient des réformes, et "la fin de la corruption", faisant plusieurs blessés, les premières violences dans le royaume depuis le début du mouvement de contestation sociale et politique en janvier.

Le gouvernement a immédiatement dénoncé cette attaque contre "une manifestation pacifique", par la voix ministre d'Etat pour l'Information Taher Adwan. Le ministre de la Justice Hussein Mjalli a annoncé dimanche avoir ouvert une enquête.

 

TUNISIE

Quelque 4.000 Tunisiens manifestaient dimanche à Tunis devant la Kasbah, siège de la Primature, pour réclamer la démission du gouvernement de transition dirigé par Mohamed Ghannouchi, l'élection d'une assemblée constituante et un système parlementaire, a constaté l'AFP.

"Démission du Premier ministre, Assemblée constituante, Indépendance de la justice", "Dissolution du Parlement", "Système parlementaire", "La tunisie est à nous et pas aux autres, non à l'ingérence française", pouvait-on lire sur des banderoles au milieu d'une multitude de drapeaux tunisiens.

"Le peuple veut faire tomber le gouvernement", criait un jeune monté sur un lampadaire dont le slogan était repris par la foule. "Je suis venue manifester car depuis la chute de Ben Ali rien n'a changé, c'est un gouvernent de corrompus", a expliqué une jeune femme sous couvert de l'anonymat.

La manifestation se déroulait sans violences. Des hélicoptères tournoyaient dans le ciel, deux blindés de l'armée étaient déployés sur la place que policiers et militaires surveillaient de loin.

Elle avait commencé en fin de matinée sur l'avenue Habib Bourguiba, haut lieu de la contestation qui a provoqué la chute du président Zine El Abidine Ben Ali. "Gouvernement de Ghannouchi dégage", scandaient les manifestants en faisant le geste de la main.

"La population veut la chute du régime", "La population doit se révolter contre les vestiges de l'ancien régime", "Génération de colère, génération qui a provoqué la révolution", criaient les manifestants rassemblés après un appel lancé sur Facebook.

"Nous sommes contre l'Etat de Ghannouchi parce que notre révolution n'a abouti à rien avec ce Ghannouchi, cette équipe de Ben Ali n'a rien changé. Le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique, ex-parti au pouvoir) existe toujours même s'ils ont promis de le dissoudre après sa suspension. C'est du bluff", a déclaré Samia Mahfoudh, enseignante de 50 ans.

"Ils nous prennent pour des dupes. Tous les membres du Parlement et des conseils de région ont été élus par l'ancien régime, la Constitution a été réformée par l'ancien régime. Le RCD veut semer la terreur", a dit de son côté Sami Ben Moumen, médecin de 30 ans. Mohamed Ghannouchi a été le Premier ministre de Ben Ali de 1999 jusqu'à sa chute le 14 janvier sous la pression populaire.

Après la formation, le 17 janvier, d'un gouvernement d'union nationale dans lequel l'équipe sortante avait conservé la majorité des postes, des milliers de personnes avaient manifesté quotidiennement pour obtenir leur démission. Sous la pression de la rue, M. Ghannouchi avait remanié le gouvernement de transition épuré des principaux caciques de l'ancien régime le 27 janvier.

Depuis, des élections libres ont été annoncées d'ici six mois. Une commission a été nommée pour préparer les élections tandis que plusieurs partis d'opposition ont réclamé l'élection d'une Constituante et la création d'un comité de sauvegarde de la révolution.


SAVOIR PLUS

Vague de contestation au Maghreb et Moyen-Orient, derniers développements

Voici les derniers développements au Maghreb et au Moyen-Orient, où une vague de contestation sociale et politique sans précédent est réprimée, parfois dans le sang, par des régimes autoritaires.

EGYPTE: Tourisme en berne, grèves, croissance en panne, investisseurs inquiets, chômage et inflation: après la fête, les nuages économiques et sociaux s'accumulent sur l'Egypte de l'après-Moubarak alors même que le monde arabe est en ébullition.

Un remaniement "limité" du gouvernement de transition va bientôt avoir lieu, a annoncé samedi un responsable militaire à l'agence officielle Mena. Le gouvernement, chargé des affaires courantes, doit se réunir samedi alors que l'armée, aux rênes de l'Egypte depuis la chute du président Hosni Moubarak le 11 février, a affirmé la veille qu'elle ne tolèrerait pas de manifestation qui nuise à l'économie du pays et qu'elle y répondrait.

IRAK: Plusieurs centaines de veuves et d'orphelins, dont les proches ont été victimes de violences depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, ont manifesté samedi à Bagdad pour réclamer une amélioration de leurs conditions de vie.

IRAN: L'ancien Premier ministre Mir Hossein Moussavi, un des dirigeants de l'opposition réformatrice, est isolé chez lui, totalement coupé du monde extérieur, a annoncé son site internet. Des dizaines de milliers de partisans du régime avaient réclamé vendredi son exécution, ainsi que celle de l'ex-président du Parlement Mehdi Karoubi, autre chef de file de l'opposition.

Un diplomate iranien en poste en Italie a fait défection "afin de dénoncer la politique" du président Mahmoud Ahmadinejad et de son régime

LIBYE: Les Belges résidant en Libye sont tous sains et saufs, selon les informations dont on dispose actuellement. D'après le ministères des Affaires étrangères, une cinquantaine de Belges vivent en Libye et ils n'auraient, pour l'instant, pas été touchés par les violences.

Les recommandations officielles concernant la Libye font état de manifestations mais ne déconseillaient pas encore, dimanche après-midi, de se rendre dans le pays. L'ambassade de Belgique sur place n'a pas encore été contactée par le moindre ressortissant belge.

Selon les témoignages en provenance de Benghazi, ville où la contestation se concentre, il semble que la population cherche à chasser les mercenaires. Elle aurait notamment mis la main sur des tanks afin de prendre le contrôle de la situation.

TUNISIE: Le gouvernement tunisien a condamné samedi l'assassinat d'un prêtre polonais, retrouvé "égorgé" vendredi par des "extrémistes" près de Tunis et appelé "tous les hommes de religion et les composantes de la société civile" à agir "avec détermination pour éviter que de tels actes ne se reproduisent".

Des prostituées tunisiennes vivent dans la terreur d'une nouvelle attaque depuis que des islamistes ont tenté d'incendier le principal quartier de prostitution à Tunis. "Je ne mets plus le nez dehors, j'ai peur qu'ils me brûlent vive", confie l'une d'elles à l'AFP.

Des troubles ont également eu lieu à DJIBOUTI, où des affrontements ont repris samedi matin dans une banlieue populaire de Djibouti entre forces de l'ordre et partisans de l'opposition qui réclament la fin du régime du président Ismaël Omar Guelleh.

KOWEÏT: HRW appelle à la libération de dizaines d'apatrides

Human Rights Watch (HRW) a appelé dimanche les autorités koweïtiennes à libérer des dizaines d'apatrides arabes qui ont été arrêtés durant des manifestations de revendication du droit à la citoyenneté.

Dans un communiqué, l'organisation de défense des droits de l'Homme dont le siège est à New York a souligné que les autorités du riche émirat pétrolier du Golfe devaient soit libérer ces apatrides, appelées bidoun, soit les présenter à un juge indépendant.

HRW, citant des défenseurs des droits de l'Homme, a estimé à 120 le nombre de personnes arrêtées lors des manifestations de vendredi et samedi, en indiquant que le ministre de l'Intérieur, cheikh Ahmad al-Hmoud Al-Sabah, avait parlé de seulement 42 arrestations.

"Les Bidoun ont des griefs légitimes concernant la discrimination et l'absence d'action du gouvernement, qui se doit de les entendre et de régler leur problème au lieu de les attaquer et de les jeter en prison", a affirmé dans le communiqué Sarah Leah Whitson, directrice de HRW Moyen-Orient.

Les apatrides, estimés à 100.000 personnes, revendiquent la citoyenneté koweïtienne mais le gouvernement considère qu'ils cachent ou ont détruit leurs documents d'identité qui prouvent qu'ils portent d'autres nationalités.

Ces personnes ne bénéficient d'aucun droit au Koweït. Elles n'ont pas accès aux services publics, comme l'éducation et la santé, dont les Koweïtiens bénéficient gratuitement.

ALGERIE: Divisée et affaiblie par l'état d'urgence entré en vigueur en 1992, deux ans après la reconnaissance du pluralisme politique, l'opposion algérienne paraissait dimanche, au lendemain d'une nouvelle tentative de marche à Alger, loin de son objectif de "changer le système".

CHINE: Une quinzaine de défenseurs des droits de l'homme en Chine n'ont plus donné de nouvelles depuis plusieurs jours, probablement privés de parole par les autorités, alors que des appels à manifester dimanche en soutien de la Révolution de jasmin se sont propagés sur la toile.

La police a été déployée en masse dimanche dans des villes chinoises et a procédé à plusieurs arrestations pour empêcher des manifestations auxquelles les Chinois avaient été appelés sur l'internet dans 13 villes, dans le sillage des soulèvements du monde arabe, ont annoncé des militants.

UE: L'Europe engage à partir de dimanche une refonte de sa politique d'aide aux pays de la rive Sud de la Méditerranée, accordée jusqu'ici avec trop de complaisance à des régimes autoritaires, avec comme point d'orgue une visite mardi de sa chef de la diplomatie en Egypte.

ITALIE

Une embarcation transportant 13 migrants a été interceptée par la police au large de Lampedusa dimanche, jour du début d'une mission d'assistance de l'Union européenne à l'Italie confrontée à un afflux d'immigrants en provenance de Tunisie, en particulier sur cette île.

La police a repéré l'embarcation à quelques milles nautiques de cette petite île italienne située au sud de la Sicile. La nationalité des immigrants n'a pas été communiquée.

Le précédent débarquement sur l'île, qui a vu arriver près de 5.500 Tunisiens la semaine dernière, remonte à la nuit de jeudi à vendredi, avec une embarcation transportant 26 ressortissants de ce pays.

Dimanche, il restait environ 1.200 immigrants à Lampedusa après le transfert de migrants vers divers centres en italie.

L'Union européenne a annoncé samedi le déploiement à partir de dimanche de la mission +Hermes+ de Frontex (l'agence de surveillance des frontières européennes).

Dans le cadre de cette mission, des experts seront déployés pour aider les autorités italiennes à accueillir et interroger les migrants à leur arrivée. Frontex apportera également un soutien naval et aérien à la surveillance des frontières.

Selon une source européenne, il s'agira dans un premier temps de déployer une trentaine de personnes, un avion et plusieurs bateaux. Au total, une dizaine d'Etats, dont la France, se sont dits prêts à participer à cette mission et les moyens humains et techniques mis à disposition de l'Italie pourront être augmentés en fonction des besoins.

SOURCE : Lalibre.be