Cependant, malgré les efforts financiers importants consentis par les acteurs locaux publics et privés, malgré la mise en place, en 2004, du Comité Martiniquais du Tourisme, le tourisme martiniquais traverse, depuis la fin des années 90, une très grave crise que les événements sociaux de 2009 n’ont fait qu’accentuer. C’est ainsi que le nombre de touristes est passé de près d’un million à la fin des années 90 à quelque 600 000 en 2010. Dans le même temps, le parc hôtelier s’est fortement dégradé et près de trente hôtels ont fermé.
La situation est d’autant plus préoccupante que les différentes mesures prises après février 2009 n’ont manifestement pas produit les effets escomptés. Ainsi, à la fin du premier trimestre de cette année, le nombre de touristes était inférieur à celui de la période équivalente de 2008, de même que le taux d’occupation de la grande hôtellerie traditionnelle.
Le débat qui se déroule aujourd’hui est donc l’occasion de s’interroger sur la pertinence de ces mesures, qui, compte tenu des effets d’annonce mis en œuvre, avaient fait naître beaucoup d’espoir et suscitent désormais autant de déceptions.
En fait, leur efficacité a, pour une bonne part, été compromise par les retards importants mis à les appliquer. Elle a également pâti parfois de leur inadaptation et, le plus souvent, de la complexité de leurs procédures.
Ainsi 80 à 90% des établissements hôteliers connaissent toujours de très graves difficultés financières mais ne parviennent pas à bénéficier de l’aide à la rénovation hôtelière, qui subordonne l’octroi de l’aide au fait que l’exploitant soit à jour de l’ensemble de ses dettes sociales et fiscales. La mission de médiation chargée de se pencher sur ce problème ne semble pas avoir permis de modifier sensiblement cette situation.
Il est, à l’évidence, indispensable d’assouplir les procédures et d’allonger les délais permettant aux hôtelier et restaurateurs en grande difficulté de profiter d’un dispositif d’apurement des dettes fiscales et sociales. Il ne s’agit pas de pérenniser un tel dispositif mais de l’utiliser ponctuellement comme moyen d’impulser le lancement d’un nombre significatif d’opérations de rénovation afin de sauvegarder l’existant.
Il m’apparaît, par ailleurs, nécessaire d’envisager la mise en œuvre de deux dispositions supplémentaires.
Je pense au rétablissement, pour le secteur du tourisme, du dispositif emploi solidarité que j’avais fait introduire dans la loi d’orientation pour l’outre-mer. Cela favoriserait l’arrivée, dans le secteur, de jeunes professionnels ayant pu bénéficier d’une formation moderne et poussée.
Je pense aussi à la suppression temporaire (de l’ordre de 2 ou 3 ans) du plafond de l’aide publique fixée actuellement à 60%. Il s’agit d’une dérogation à négocier avec l’Europe afin de traiter avec une efficacité suffisante des situations qui justifient un soutien particulier.
J’ai la conviction cependant que le débat d’aujourd’hui, au-delà des mesures que je viens d’évoquer, doit être surtout l’occasion d’affirmer la nécessité d’une véritable révolution culturelle dans la manière de concevoir le tourisme aux Antilles.
Cette nécessité apparaît bien en filigrane dans le rapport de notre collègue Magras, qui évoque à juste titre l’orientation à prendre vers un tourisme durable.
Mais il importe de donner tout son sens à la notion de tourisme durable. Celui-ci ne doit pas se limiter à ce qu’il est convenu d’appeler un éco-tourisme. L’attractivité des territoires antillais devrait reposer, en effet, sur une valorisation beaucoup plus volontariste et innovante de leur patrimoine : leur patrimoine naturel, riche d’une exceptionnelle biodiversité ; leur patrimoine culturel, dont on connaît la profonde originalité.
Une telle valorisation doit bien entendu aller de pair avec la mise en place d’infrastructures de qualité, particulièrement respectueuses de l’environnement.
Dans cette perspective, il faut à l’évidence un signal fort. Pourquoi, par exemple, ne pas décréter l’outre-mer français, et plus particulièrement les Antilles, « zone prioritaire de tourisme durable », à l’instar de ce qu’a fait l’A.E.C. pour la Caraïbe ?
Il faut un signal fort mais aussi, soyons réalistes, des moyens.
L’Etat doit, à cette fin, accompagner de manière significative les initiatives locales qui, en la matière, sont, il faut le savoir, nombreuses et originales. Beaucoup sont portées par les communes, dont on connaît les difficultés financières.
Cela donnerait tout son sens à la déclaration faite par le président de la République en janvier dernier à Schœlcher. « Si c’est le choix des Martiniquais de s’investir dans le tourisme, a-t-il dit, l’Etat répondra présent, massivement ». Je souhaite donc, Madame la Ministre, que vous nous apportiez des précisions sur la façon dont cet engagement va se concrétiser.
Car on ne peut plus douter, j’en suis convaincu, de l’existence d’une volonté locale, surtout s’agissant d’un tourisme respectueux de l’environnement, mieux, d’un tourisme utilisant l’environnement comme atout.
Mais pour que cette volonté se manifeste pleinement il faut que tous - professionnels du tourisme bien sûr, mais également agriculteurs, pêcheurs, transporteurs, artisans, commerçants, etc. - soient réellement partie prenante de la politique touristique et assurés d’en tirer de véritables retombées économiques.
Ce n’est d’ailleurs qu’à cette condition que l’on pourra parler de tourisme durable et que celui-ci sera réellement porteur de développement.
Claude LISE,
Sénateur de la Martinique