REGION : "LA REFORME" DU TOURISME MARTINIQUAIS EXAMINEE EN PLENIERE

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Projet de "Réforme du Tourisme Martiniquais" 


 
Région - Martinique. Plénière du 12 juillet 2011. En dépit d'une absence d'état des lieux, le Président du Conseil Régional de Martinique a présenté sa "Réforme du Tourisme Martiniquais". Une litanie d'actions déjà préconisées dans le Schéma de Développement et d'Aménagement du Tourisme (SDAT - 1999) sans véritable plan de financement ni de lisibilité sur les priorités à venir. Rien de bien innovant ! Difficile en pareille circonstance de voir poindre à l'horizon la terre promise par les "Bâtisseurs de Paradis". Après avoir émis des réserves sur ladite "réforme" et formulé quelques suggestions, les élus du Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants se sont abstenus lors du vote final.  
Ci-joint, l'intégralité de l'intervention de Louis BOUTRIN, au nom du Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants

 

Identifier les priorités pour définir la Marque Martinique

par Louis BOUTRIN

Chers (es) Collègues, 

Il est demandé de délibérer aujourd’hui sur ce dossier n° 3 intitulé « Projet de Réforme du Tourisme de Martinique ». Si l’on s’en tient à l’étymologie même du mot réforme, vous nous proposez donc « un changement important voire radical en vue d’une amélioration » du tourisme. 

Il est bien vrai que la Martinique possède, à l’instar des autres îles de la Caraïbe, de nombreux atouts naturels, patrimoniaux, culturels favorables au développement touristique. Or, force est de constater que, dans ce secteur à fort potentiel de développement mais … extrêmement concurrentiel, nous avons du mal à tirer profit de ces atouts, d’où l’intérêt de ce dossier.

S’agissant de l’amélioration envisagée, elle est unanimement souhaitée. Qui d’entre nous ne souhaiterait pas que le tourisme soit un secteur transversal créateur d’emplois durables et valorisants avec des retombées sur les autres secteurs de l’économie, à savoir l’agriculture, la pêche, les loisirs et le secteur service ? 

Quant au changement radical préconisé dans votre rapport, permettez-nous d’émettre des réserves mais aussi quelques suggestions. 

NOS RESERVES portent sur :  

  • LE DIAGNOTIC : Votre postulat repose sur un diagnostic incomplet. Cela veut donc dire que les vrais maux et donc les vrais remèdes ne sont pas identifiés
  • « LA REFORME » : Absence d’ambition de ladite Réforme : « nouvelle » dynamique reposant sur 6 défis et 16 projets… « reprise en très grande partie d’un schéma … de 1999 : SDAT » avec une absence de lisibilité sur les priorités à dégager.
  • LE BUDGET. Avec quel budget ? Quid des partenaires ? Vous présenter une simulation budgétaire sans lisibilité claire. 
  1. Le DIAGNOSTIC. 

Comme il est précisé dans le rapport, le constat est clair. La fréquentation touristique s’est effondrée en 15 ans. Le graphique présenté en page 3 du rapport est d’ailleurs tout aussi clair : nous sommes passés de pratiquement 1 million de visiteurs en 1995 à 618 000 en 2010. Une chute vertigineuse de 40 % de nos visiteurs. 

Quelles en sont les causes ? De notre point de vue, les causes ne sont pas seulement endogènes, mais intègrent également des causes exogènes, non maîtrisables par les acteurs politiques et les sociaux professionnels martiniquais : 

  • Structure des coûts : Escale de croisière plus coûteuse qu’ailleurs
  • Fiscalité : poids des charges sociales et fiscales sur les entreprises 
  • Politique d’investissement : défiscalisation qui a favorisé le développement de chambres alors même que la demande n’arrivait pas à suivre
  • Politique d’immigration : visas 
  • Politique monétaire : valeur de l’euro par rapport au dollar
  • Politique foncière : absence d’une SEM foncière. 

…. Dans le même temps, les sociaux professionnels mais aussi les politiques continuaient à investir dans le secteur

Ainsi, à titre d’exemple, le budget régional passe en 1998 de 9,9 M€ à 16,3M€ par an en 2005. Cet aspect est régulièrement occulté alors que l’on met en exergue la diminution des Fonds européens et des fonds d’Etat.

Et, c’est là une des faiblesses du rapport qui fixe des objectifs sans analyse concrète de l’existant et sans identifier clairement les causes et les obstacles qui ont entravé ce développement touristique attendu par tous. 

Il nous faut donc revenir sur les différentes causes de l’effondrement touristique. Ce n’est pas pour reprendre une litanie mais bien pour démontrer une fois de plus que de nombreux leviers de politique économique (monétaire, fiscalité, immigration, transport aérien, foncier…) ne sont pas maîtrisables dans le cadre actuel de l’Art. 73. Loin de moi l’idée de refaire le débat sur l’évolution institutionnelle, mais de poser une question essentielle dans le cadre du débat d’aujourd’hui : Au moment où vous affirmez mettre en place une « politique unique » où en sont  vos négociations avec l’Etat ? Allons nous, pour chacune de ces politiques, mettre en route le processus d’Habilitation ?

 2. « LA REFORME » : Absence d’ambition de ladite Réforme : 

La « nouvelle » dynamique repose sur 3 Objectifs, 12 leviers, 6 défis et 16 projets… un véritable catalogue qui s’avère n'être qu’une « reprise d’un schéma … de 1999 appelé SDAT, Schéma de Développement et d’Aménagement du Tourisme 

En toute objectivité, tous les défis, projets et leviers de cette dite réforme figurent déjà dans ce document intitulé Schéma de Développement et d’Aménagement du Tourisme (SDAT) voté à l’unanimité dans cette enceinte du Conseil Régional, le 25 juin 1999, et à l’unanimité moins une voix par le Conseil Général, le 29 juin 1999. 

Ce n’est pas bien grave en soi, puisqu’il s’agit d’un document élaboré par des élus martiniquais en étroite collaboration avec les professionnels du tourisme. L’objectif étant de répondre aux grandes questions d’aménagement et de développement du tourisme en tenant compte des souhaits de la population, des attentes des professionnels et des contraintes du marché fortement concurrentiel. 

Mais, ce SDAT date de …1999. Il est donc obsolète.  Ceci dénote donc le peu d’ambition de la dite réforme proposée aujourd’hui alors même que l’actualisation avait été faite à travers le S.M.D.E. élaboré pendant de longs mois en concertation avec les experts et les socio-professionnels.

En outre, nous constatons que vous partez d’un postulat juridique erroné. En effet, la Région Martinique préconise « une politique unique du Tourisme ». Cela sous-entend que vous vous érigez en « chef de file » du développement touristique puisque, dans le rapport, vous affirmez que « cette politique unique du tourisme doit être menée par le Conseil Régional et pilotée par le CMT… en concertation avec les autres partenaires ». 

Or, actuellement, au regard du principe de libre administration des Collectivités territoriales régies par l’Article 73, un tel scénario n’est pas envisageable.

C’est donc ignorer que : 

  • L’Etat reste compétent en matière de classement des hôtels, de définition de la politique fiscale, de transport aérien y compris dans la desserte Caraïbe
  • Le Conseil Général, sur le financement des sentiers pédestres, l’aménagement forestier et les infrastructures.

Mais, malgré cette hypothèse de Collectivité unique dans le cadre de l’Art. 73, les Communes demeurent des maîtres d’ouvrage de l’aménagement et jouent un rôle essentiel dans le développement touristique. Elles organisent l’accueil et l’animation locale et à ce titre, elles sont les garantes de l’adhésion de la population à tout projet touristique.

La politique unique du Tourisme ne se décrète donc pas. Il nous faudra trouver un cadre juridique et réglementaire pour traduire cette volonté politique affichée. 

3. Le BUDGET 

Nous aurions souhaité un véritable plan de financement de la « réforme ». 

Curieusement, dans votre projet de réforme du tourisme, vous restez silencieux quant aux sommes que vous envisagez d’investir dans le développement du tourisme et sur les cofinancements que vous pouvez mobiliser, quand on sait par exemple que les fonds européens affectés au tourisme sont largement sous consommés et que vous avez évoqué avec le Président de la République l’idée d’un Contrat de Plant Etat-Région. 

En effet, en page 11, dans le tableau représentant les simulations budgétaires, les trois volets de cette « réforme » ont été chiffrés (certes à titre indicatif) mais cela ne nous permet de savoir quel budget vous envisagez pour financer votre plan d’actions.

Ce tableau laisse apparaître en effet un budget annuel de 35 M€ renouvelé sur 3 ans. Est-ce là le budget annuel que la Région consacre au profit du développement touristique ? Quelle sera la participation des autres partenaires ? 

Lors de la Table Ronde sur le Tourisme, le Président de la République a manifesté le souhait d’accompagner un certain nombre de projets touristiques. Qu’en est-il à ce jour ? Quels sont les projets qui ont été retenus et contractualisés par l’Etat ?

Certains de ces projets figurent déjà dans le Plan de Relance Régional, comme les projets relatifs au Grand Saint-Pierre, à l’éclairage…

AUSSI, en guise de conclusion, permettez-nous d’avancer un certain nombre de suggestions.

D’abord en terme méthodologique. Il nous paraît opportun de définir des orientations stratégiques à très court terme pour répondre à l’urgence de la situation du secteur touristique mais aussi à moyen terme pour conforter les bases d’une politique touristique efficiente.

La Proposition d’un « Congrès sur le Tourisme » (CG/CR), dans la perspective de la Collectivité unique de 2014, pour définir et adopter ensemble ces orientations stratégiques à venir, nous paraît tout à fait opportune. 


PROPOSITIONS  A COURT TERME

  • Poursuivre le PLAN DE RENOVATION du PARC HOTELIER sur la base d’une LABELISATION PREDEFINIE dans le SMDE et actuellement en cours de réalisation. Il devient urgent d’amorcer la reconquête qualitative de l’immobilier touristique. Cette démarche conditionne l’attractivité de la Martinique vis-à-vis des autres destinations touristiques concurrentielles. Pour cela il nous faut définir un produit Martinique. 
  • Les E.A.T. le principe de mettre en place ces E.A.T. est unanimement retenu. Il s’agit aujourd’hui d’identifier les critères de faisabilité permettant de mesurer les difficultés de mise en œuvre de ces E.A.T. Ces aménagements touristiques ne sont pas sans impact sur l’environnement naturel et la sociologie des communes d’implantation. Il convient donc d’établir un cahier des charges et un guide des investisseurs pour finaliser ces projets d’E.A.T. Il ne nous est pas interdit de mettre en place une mission technique d’identification des projets similaires à nos E.A.T. avec une expertise de la Caribean Tourism Organisation. 
  • Réhabilitation des Espaces de Loisirs notamment à travers le dispositif ORIL qui confie aux Collectivités l’initiative de la réhabilitation de leur immobilier de loisir pour donner une nouvelle impulsion à un secteur économique en crise. On pourrait s’appuyer sur ce dispositif pour l’Anse Spourtoune mais aussi pour d’autres sites touristiques communaux. 
  • Recensement, préservation et Mise en valeur des sites patrimoniaux remarquables. Notamment, les anciennes usines, les sucreries (sucrerie du Simon), les distilleries, les Habitations (la Grange), haut-lieux patrimoniaux à fortes valeurs touristiques. A l’instar de l’Habitation Clément, Depaz, Mauny ou Neisson, actuellement en activité, les anciennes usines, les sucreries ( peuvent intégrer le patrimoine de la Collectivité Régionale afin d’offrir des espaces et des lieux d’animation culturelle et touristique (musée, exposition, concert etc). 
  • Elaboration d’un Schéma Directeur du Tourisme prenant en compte les problématiques d’aménagement et les stratégies de développement du Tourisme : un investisseur arrive en Martinique avec un projet. Que lui propose-t-on ? Ce SDT devra se décliner en un PLAN D’ACTIONS mis en œuvre en concertation avec les professionnels du tourisme. (T. Séjour, Croisières, T. balnéaire, T. Vert,  T. de Loisirs).
  • Dans ce plan d’actions, il nous faudra mettre en valeur et optimiser le Golf des Trois îlets. Avec 64 millions de joueurs, le golf est le sport individuel le plus pratiqué au monde. A titre d’exemple, sont dénombrés plus de 25 millions de joueurs aux Etats-Unis, plus de 7 millions au Japon et 3 millions en Angleterre. L’île Maurice a bâti sa stratégie touristique autour du produit Golf en organisant le Mauritius Golf Masters, une compétition internationale de Golf qui draine visiteurs et journalistes du monde entier. Cela ne veut pas dire pour autant que nous partageons votre proposition de créer … 3 golfs en Martinique !
  • Enfin, il ne faut pas se voiler la face, notre destination est invivable à cause des innombrables embouteillages (Nicolas Sarkozy l’a rappelé à l’Hôtel Batelière à propos du Projet de Terminal croisière à Saint-Pierre… il aurait dû se rendre aux Salines par la RN5 !). Dans l’attente d’une meilleure organisation du transport terrestre, nous préconisons, à très court terme, la mise en place de dessertes maritimes régulières sur le littoral Caraïbe. Ceci sous-entend qu’il faudra organiser la rupture de charge avec les taxi-Co.


PROPOSITIONS  A MOYEN TERME 

  • La desserte aérienne. 80 % de notre clientèle viennent de la France. Ceci explique peut-être la situation actuelle de notre tourisme ? Comment faire pour se positionner dans ce secteur concurrentiel sans maîtriser notre ciel ? Les petites îles, notamment l’île Maurice, Jamaïque sont parties à la conquête du monde en créant leur propre compagnie aérienne. A notre échelle, nous pouvons envisager la création d’une compagnie aérienne en partenariat avec la Guadeloupe. Pour exemple, la Région Réunion a créé Air Austral, une compagnie aérienne qui rayonne sur l’Afrique du Sud, Madagascar, l’Océan Indien et le long courrier vers Paris et les capitales européennes. Air Austral vient de faire l’acquisition de deux A380. Pour les rentabiliser, il envisage de desservir… la Martinique et la Guadeloupe !
  • Le positionnement de la Martinique comme un « HUB-CARIBEEN » nécessite des aménagements aéroportuaires. Cela nous renvoie au dossier 8 d’aujourd’hui relatif à l’avant projet de plan de masse de l’Aéroport du Lamentin.
  • Reprise des négociations avec l’A.E.C. en vue de l’obtention des droits de trafic aérien.  

Ce ne sont donc pas les propositions qui manquent. Les analyses se suivent et se ressemblent car faites par des experts et des administratifs compétents (félicitations au personnel de la Région !). Le tout en période de pénurie est d’identifier les priorités qui feront parallèlement la Marque Martinique. Car, à trop vouloir en faire on risque de se diluer, avec comme principale conséquence la difficulté d’émerger sur un secteur où la concurrence est vive et celle de se différencier dans une zone qui a déjà su se démarquer sur les marchés étrangers. 

Notre groupe est donc déjà prêt pour apporter sa contribution à la réflexion et à la mise en œuvre de cette politique touristique.

Martinique, le 12 juillet 2011 

Pour le Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants

Louis BOUTRIN