AFGHANISTAN : UNE GUERRE ABERRANTE ET PREJUDICIABLE AUX ORIGINAIRES DE L'OUTRE-MER

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Un homme est tombé hier soir !
"Un homme est tombé hier soir. Il est tombé dans un combat douteux et pour une cause douteuse, mais c’était un Martiniquais !" ainsi s'exprimait Aimé Césaire, dramaturge et chantre de la Négritude, au lendemain d'un meurtre sur la Savane. Cette déclaration de Césaire résonne encore en moi car elle incarne bien ce brin d’humanité qui, hélas, nous fait tant défaut. Aujourd’hui, en Afghanistan, des hommes continuent de tomber pour des causes douteuses sans que l’opinion publique ne s’en émeuve. Fort heureusement, de ces informations qui rythment notre quotidienneté, quelques voix s’élèvent. Et, des langues finissent par se délier. A cet effet, nous relayons ici le témoignage émouvant, mais ô combien lucide, du père d’un soldat actuellement en Afghanistan, publié dans Rue 89. Il s’insurge contre cette série de morts dans le contingent français.


En Kapisa (Afghanistan), un homme est tombé hier soir. Il avait 32 ans et père de deux enfants de un et sept ans. Il avait commencé sa carrière en Guyane. Il s’appelait Facrou Housseini Ali (cf PHOTO). Il n’était pas Martiniquais mais Comorien. Mais qu’importe, c’était avant tout un Homme ! Et, nous disons à nos gouvernants que nous désapprouvons totalement le sort réservé à la jeunesse ultramarine. Sur les 4 000 soldats engagés en Afghanistan 800 sont originaires de l’Outre-Mer, soit 20% de l’effectif des forces françaises en Afghanistan. Aussi, au-delà des chiffres et du lourd tribut payé par nos fils et frères, nous nous associons à tous ceux qui demandent le retrait des troupes françaises de cette guerre aberrante. Louis Boutrin

 

 

 

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Un père de soldat : « Afghanistan théâtre d'une aberration » 

Nous avons reçu le commentaire suivant du père d'un soldat servant actuellement en Afghanistan, et qui réagit – anonymement pour des raisons compréhensibles – à la série de morts de ces derniers jours dans le contingent français de la force internationale.

La situation est sous contrôle en Afghanistan nous dit-on en ce mois d'août 2011 dans les sphères du pouvoir. Et de rebomber le torse pour s'apprêter à nourrir à nouveau le dieu Mars.

On peut maintenant se poser franchement la question des limites de compétence de la chaîne de commandement après le décès dimanche dernier de deux légionnaires (et l'AVC fait par leur capitaine de régiment qui voyait ses hommes se faire décimer par des tirs « amis »), puis suite au décès du caporal chef du génie de Besançon et des graves blessures de ses camarades.

Dans le cas du décès du soldat du génie de Besançon, dont le VAB (véhicule de l'avant blindé) a roulé sur un IED (engins explosifs improvisés) dans la nuit du jeudi 11 août, pourquoi donc avoir supprimé une mission de reconnaissance et d'observation (VMT) avec disposition de check points et délimitation de zones minées (comme c'est l'habitude) sous le prétexte inepte que les IED ne sautent pas la nuit (réponse d'un gradé à son subalterne avant d'envoyer les VAB au casse-pipe) ?

Le commandement du « battle group » qui cogite dans sa salle climatisée ne semble pas une fois de plus exempt de reproches dans cette tragique histoire.

Le peuple est trompé

Se pose aussi la question de la formation de certains jeunes hommes tombés au combat, qui ont vu leur stage de mise en conditions combat Afgha dans le sud de la France supprimé avant de partir (restrictions budgétaires ? ) pour se retrouver un mois plus tard affrontant des soldats insurgés les plus aguerris de la planète et cela après une ou deux années d'armée pour certains.

Pour ce qui est de nos politiques, on ne peut pas tenir un discours et dans les actes faire le contraire, recevoir Khadafi en grandes pompes à Paris puis dire qu'il est indésirable dans son propre pays. Aller en vacances chez Ben Ali dans un hôtel quatre-étoiles et puis dire ensuite qu'il faut se battre pour la défense des valeurs démocratiques dans le monde et rendre hommage aux hommes tombés au nom de ces valeurs.

Le bon sens du peuple ne peut pas être trompé ainsi trop longtemps. Le vent tourne d'ailleurs. La réalité, c'est avant tout la vérité. Toute action engagée va dans le mur si elle ne rencontre pas l'assentiment du peuple, si le peuple est trompé.

Le métier de soldat ne consiste pas à être envoyé à l'abattoir

Une centaine de personnes seulement pour saluer ces hommes courageux tombés au combat dimanche pour les valeurs démocratiques. Que veut dire une telle indifférence face aux événements tragiques répétés de chaque jour sur ce triste terrain piégé ?

Que nous dit cette réalité ? Certains vont me parler de Realpolitik, d'intérêts économiques ou géostratégiques, d'industrie de l'armement, d'établissemnt de la démocratie ou que sais-je encore et d'enfumer le raisonnement pour justifier la guerre.

Du vent tout cela qui sera balayé par l'histoire, comme pour les conflits précédents non fondés sur la vérité.

Complexe la réalité ? Oh ! Que non ! Simple comme la nudité. Comme un militaire brûlé à 50% que l'on plonge dans le coma pour que cessent ses douleurs et ses plaintes (le cas ici pour deux militaires blessés dans cette opération du 11 août à la nuit tombée) et dont l'odeur vous restera pour le restant de vos jours .

Ils font quoi les enfants de nos politiques cet été ? Aux courageux de l'arrière qui écrivent qu'il est question ici de risques du métier, que dire sinon que le métier de soldat ne consiste pas à être envoyé à l'abattoir chaque jour par décisions de commandement mal adaptées ?

Les Français ne sont pas des veaux, n'en déplaise à certains. Les militaires sont nos compatriotes, français, citoyens d'une armée qui se doit de rester républicaine et démocrate. Laisser l'armée aux mains des pires obscurantismes serait une menace pour le pays tout entier.

PS : la première version de l'armée était que des talibans avaient tué des légionnaires français. En fait, il faut savoir que certains militaires s'équipent de mini-caméras (comme les vététistes) achetées à leurs frais dans une grande surface dédiée aux sports, avant de partir. Il y avait donc des preuves filmées.

Le 10, l'armée avait changé de version. Un capitaine de la légion a fait un AVC, ayant mal supporté de voir ses hommes se faire décimer par des tirs amis. Un lieutenant de ce même régiment a été « snipé » (terme sur le terrain) la semaine précédente.

Une pensée pour ces hommes tombés au combat et pour leurs familles.

SOURCE : Rue89