USA : LA "REVOLUTION VERTE" D'OBAMA EN PANNE

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Un "capitalisme de Copains""
et des investisseurs mal préparés

La faillite du producteur de panneaux solaires Solyndra, activement soutenu par l'État, a donné l'occasion aux républicains de partir en guerre contre la politique énergétique de la Maison-Blanche. 


La semaine dernière, le secrétaire à l'Énergie, Steven Chu, a passé un mauvais quart d'heure sur la colline du Capitole. Les parlementaires républicains l'ont passé sur le grill lors d'une audition au Congrès consacrée à l'affaire Solyndra. Un scandale qui a explosé à la tête de l'Administration Obama au mois d'août.

Depuis l'annonce de la faillite de cette entreprise de construction de panneaux solaires californienne, dont l'équipe présidentielle avait fait un symbole de ses promesses de «révolution verte», lui accordant une garantie de prêt de 535 millions de dollars et y organisant des déplacements du président et du vice-président, l'affaire a été saisie au bond par le camp conservateur pour démontrer l'incurie de l'État, le manque de sérieux des politiques énergétiques de l'Administration et le favoritisme politique de ses choix industriels. Elle a ouvert aux républicains un boulevard pour prendre en otage l'ensemble des politiques vertes d'Obama.

Quand ce dernier s'installe aux affaires, en janvier 2009, la révolution qui permettrait de changer les modes de consommation énergétiques des Américains et de créer de nouveaux gisements d'emplois, tout en répondant au défi du réchauffement de la planète, fait figure de priorité. Le secrétaire à l'Énergie Steven Chu annonce un budget de 80 milliards de dollars pour les technologies vertes. Il promet des incitations de long terme, afin que l'industrie s'intéresse à la commercialisation des énergies renouvelables qui progressent dans les laboratoires de recherche. L'ambiance est euphorique. Mais, quand les flots d'argent débloqués par le plan de relance d'Obama se mettent à couler, il apparaît soudain difficile de trouver des entreprises capables de porter des projets sérieux. «On a voulu faire trop, trop vite, regrette un ancien du département de l'Énergie. Nombre de responsables mettaient pourtant en garde contre des investissements mal préparés. Ils insistaient pour étaler l'effort. Mais la pression était forte. Elle a conduit à de mauvaises évaluations des risques.»

Des connexions embarassantes

Les déboires de Solyndra, qui a dû licencier 1100 ouvriers cet été, pourraient coûter un demi-milliard de dollars aux contribuables américains. Et il y a pire : de nombreux échanges d'e-mails entre des responsables de la Maison-Blanche, du département de l'Énergie et des lobbyistes liés à l'entreprise, publiés en rafale ces derniers jours, révèlent des liens intimes et encombrants entre Solyndra et les financiers électoraux d'Obama. Ainsi un certain Steve Spinner, qui avait levé quelque 500.000 dollars pour la campagne en 2008, et dont la femme travaille pour les avocats de Solyndra, a-t-il rejoint le ministère de l'Énergie, où il a supervisé l'octroi de la garantie de prêt à la compagnie solaire. Il aurait farouchement défendu le projet, malgré les doutes exprimés par Carol Browner, «tsarine» du dossier climat. Une autre connexion embarrassante remonte à George Kaiser, autre contributeur de campagne et investisseur de Solyndra, qui a fait lui aussi le siège de la Maison-Blanche pendant de longs mois. «Un cas d'école du capitalisme de copains», dénonce Andrew Stiles dans la National Review Online.

Le 23 septembre dernier, le chef exécutif et financier de Solyndra a invoqué le 5e amendement de la Constitution américaine pour se soustraire aux questions d'une sous-commission de la Chambre. Depuis, l'Administration, qui nie tout favoritisme politique, a ouvert ses dossiers au ministère de la Justice et à l'inspection du département de l'Énergie. Mais cela ne l'empêche pas de contre-attaquer sur le fond, en dénonçant un procès «politique». Elle souligne le danger de rejeter en bloc toute idée de subventions étatiques aux nouvelles énergies. Sur les 16 milliards de dollars de garanties de prêts accordées par l'État à l'industrie solaire depuis 2009, près de 90 % l'ont été pour des projets à faibles risques, soutenus par de grandes compagnies comme Goldman Sachs ou Morgan Stanley, rappelait il y a trois jours un article du New York Times.

L'avance préoccupante de la Chine 

«Les républicains essaient de faire de Solyndra le symbole du gaspillage de l'État» et «le bâton avec lequel frapper les énergies renouvelables», dénonce l'économiste Paul Krugman, qui conseille ­Barack Obama. Mais on «tire les mauvaises conclusions», écrit-il dans le New York Times, expliquant que Solyndra s'est effondrée sous l'effet de la compétition des panneaux solaires chinois, qui ont cassé les prix du marché - notamment parce qu'ils bénéficient d'aides publiques colossales. «Blâmons notre système politique, où les producteurs d'énergies fossiles ont des alliés puissants et une machine de propagande redoutable, qui dénigre toute alternative», poursuit Krugman.

Sur la même longueur d'onde, la responsable climat au German Marshall Fund, Kathleen Kelly, voit l'affaire Solyndra comme «une distraction désolante», qui empêche de se pencher sur «la question des indispensables subsides dont a besoin le secteur pour décoller». Ces attaques sont «purement politiques et liées à la campagne, insiste-t-elle. C'est d'autant plus navrant que dans le passé, le dossier des énergies vertes a été un sujet de coopération bipartisane. Mais aujourd'hui, même les élus qui soutenaient les projets liés au changement climatique dégainent», dit Kelly. La chercheuse espère qu'une fois l'élection passée, le Congrès pourra revenir à un mode de fonctionnement plus consensuel. Les experts affirment qu'il est grand temps car la Chine, où les impulsions sont fixées au sommet de manière autoritaire, prend une avance préoccupante en matière d'investissements dans les énergies renouvelables.

«C'est le paradoxe de la situation actuelle, dit l'ancien responsable du ministère de l'Énergie. Nous restons très en avance dans la recherche fondamentale. Les Chinois viennent ici, puis ils repartent et commercialisent ces technologies tandis que nous piétinons dans des batailles stupides. C'est que, contrairement aux Chinois, aux Allemands ou même aux Mexicains, nous n'avons toujours pas de vision, de consensus national sur la direction où nous voulons aller.» Il est vrai qu'un consensus est difficile quand la plupart des candidats républicains continuent de nier farouchement la réalité du changement climatique. Sur les neufs rivaux potentiels d'Obama, seuls Jon Huntsman et Mitt Romney ont osé dire ouvertement qu'ils y croyaient.

SOURCE : LeFigaro