Nous savions dès le départ que personne n’a vraiment intérêt à ce que cette affaire éclate au grand jour. En effet, plusieurs personnalités politiques nationales de premier plan, notamment des anciens ministres, sont directement concernées par ce véritable scandale qui, après la contamination des sols et des ressources en eau potable, débouche sur un dramatique problème de santé publique.  Les Antilles détiennent le taux de cancer de la prostate le plus élevé au monde juste derrière les Etats-Unis d’Amérique. L’explosion des cancers accompagne l’augmentation sans cesse galopante des maladies de Parkinson et d’Alzheimer, de certaines maladies auto-immunes et d’une effroyable infertilité masculine.

Durant plus d’un an et demi, dans la plus totale discrétion, nous avons mené notre enquête et nos recherches sur ce sujet sensible de contamination. En final de compte, un ouvrage de 240 pages qui s’inscrit dans le droit fil du journalisme d’investigation. Chronique d’un empoisonnement annoncé s’appuie sur des documents, dossiers, études ou rapports inconnus du grand public, et souvent inaccessibles, et vise à briser le silence fait autour de cet empoisonnement massif par les parties concernées. Interdit depuis 1993, le Chlordécone continue, et continuera, à polluer durablement les sols et à faire des ravages au niveau de la santé des populations antillaises.

Et, connaissant la puissance des réseaux d’influence des latifundistes békés, nous avons décidé de porter cette affaire devant l’opinion publique française en organisant mi-mars une conférence de presse à l’Assemblée Nationale. Lieu symbolique de la République par excellence, c’est en effet au cœur même de cette institution que nous avons lancé un appel aux candidats aux élections présidentielles et ce, avec le soutien de Corine Lepage (ex-ministre de l’Ecologie) et d’Alain Lipietz (député européen – Les Verts). Face à ce scandale du Chlordécone et à ses conséquences écologiques et sanitaires, nous attendons d’eux une prise de position publique sur les mesures concrètes qu’ils comptent prendre en cas d’élection à la fonction suprême. Il serait inconcevable que ceux qui se portent garants des institutions de la République puissent laisser les coupables courir les rues sans être mis devant leurs responsabilités.
Aujourd’hui, à l’instar d’Emile Zola dans l’affaire Dreyfus, notre conviction est que…la vérité est en marche et rien ne pourra l’arrêter ! Il appartient désormais à l’opinion de Guadeloupe et Martinique de s’organiser en comité de vigilance pour faire respecter ses droits élémentaires de justice et de réparation. 

Louis Boutrin - Raphaël Confiant