... Et l'appartenance au patrimoine mondial de l'UNESCO.
3000 hectares du parc national ont brûlé, mettant en danger son inscription au patrimoine de l'Unesco.
La saison des pluies mettra un point final à l'incendie qui a ravagé une partie du parc national de La Réunion fin octobre. Les pompiers continuent de surveiller les derniers points chauds: des braises souterraines qui ne demandent qu'à être réactivées par le soleil. À la mi-décembre, les pompiers en avaient encore identifié onze grâce à la fumée blanche qu'ils dégagent ou repérés par une caméra thermique.
Désormais l'île dresse les premiers bilans. Sur les 100.000 hectares du parc (40 % de la Réunion), près de 3000 sont partis en fumée après 800 hectares il y a tout juste un an.
La zone a beau s'appeler massif du Maïdo - terre brûlée en malgache - les responsables du parc ne cachent pas leur inquiétude: si les incendies devaient ainsi se multiplier, les espèces endémiques seraient définitivement menacées. Au risque de mettre en péril l'appartenance au patrimoine mondial de l'Unesco?
Le titre obtenu il y a deux ans est un atout considérable pour l'île, qu'elle n'entend pas perdre. «Pour perdre son statut, il faut que la valeur universelle exceptionnelle du lieu soit totalement annihilée» rappelle-t-on à l'Unesco, ce qui n'est pas le cas à La Réunion. Pour autant, l'organisme onusien rappelle dans un bulletin du mois de novembre qu'il a demandé à la France d'élaborer un rapport détaillé sur les impacts. Il sera examiné par le comité du patrimoine en juin prochain.
Le terrain perd sa fertilité
Ces impacts vont se révéler petit à petit, mais Jean-François Benard, l'un des chargés de mission du parc, responsable du dossier patrimoine mondial, en constate déjà. «Regardez ce terrain», explique-t-il en montrant un talus sans végétation, «il n'a plus la même composition chimique, s'assèche au soleil, se transforme en poussière et est en train de perdre toute sa fertilité».
Ailleurs ce sont des plantes telles que l'Erica qui ont brûlé. Une espèce de bruyère «qui ne ressemble à rien, mais qui est parfaitement adaptée à cet endroit» poursuit le spécialiste. Or, pour qu'une plante atteigne un diamètre d'une dizaine de centimètres, il faut une vingtaine d'années.
«Ce que l'on craint le plus, c'est que les espèces invasives mettent à profit cette période pour prendre la place. Chaque fois qu'un espace s'ouvre, elles font un pas en avant», renchérit Benoît Lequette, responsable scientifique du parc.
Les arbres ne sont pas mieux lotis. Le tamarin, l'une des essences de l'île, met de très nombreuses années pour faire des graines. Si la fréquence des feux augmente, il n'a aucune chance de se régénérer.
«L'ajonc d'Europe, qui est une espèce invasive, a une dynamique beaucoup plus rapide. Il va falloir lutter pied à pied, et l'arracher pour éviter qu'il s'implante», insiste Franck Compagnon en charge de la prévention des risques à l'ONF (Office national des forêts).
C'est pour toutes ces raretés que La Réunion est inscrite dans la très sélective liste du patrimoine mondial. «Nous avons réussi à montrer ce que nous avions d'unique dans certains domaines» rappelle Jean-François Benard.
«Le parc national contient les derniers habitats naturels les plus importants pour la conservation de la biodiversité terrestre des Mascareignes (1)» précise l'Unesco, et présente l'originalité exceptionnelle d'aligner côte à côte un volcan endormi (le piton des Neiges) et l'autre extrêmement actif (le piton de la Fournaise).
Si les Réunionnais ont parfaitement intégré la lutte préventive contre les cyclones, il faut désormais qu'ils affinent leur système de prévention contre les incendies. Au risque, sinon, de voir menacer un titre chèrement acquis.
(1) Archipel de l'océan Indien qui réunit l'île Maurice, Rodrigues et la Réunion.