Vers des traitements sur mesure
Ce syndrome, qui perturbe le sommeil et l'activité quotidienne, est un facteur de risque cardio-vasculaire.
Multiples pauses respiratoires qui fragmentent le sommeil, sensation de fatigue dès le réveil, vigilance et concentration amoindries dans la journée… le syndrome d'apnée du sommeil, souvent associé à l'obésité, à l'hypertension artérielle, au syndrome métabolique * ou au diabète, peut retentir fortement sur la qualité de vie et la santé.
Ces pauses respiratoires répétées sont dues 9 fois sur 10 à un affaissement des voies aériennes supérieures durant le sommeil qui s'oppose au passage de l'air. Traitement de référence, la pression positive continue, ou PPC, consiste à respirer la nuit de l'air sous pression pour maintenir ouvert le passage du pharynx, entre le nez et la trachée, grâce à un masque relié à un petit compresseur.
L'amélioration du sommeil, donc de la vigilance diurne, grâce à la PPC est flagrante. Mais aucune étude n'avait pu démontrer jusqu'ici qu'elle agit aussi sur les autres anomalies associées. D'où l'intérêt de la publication dans le New England Journal of Medicined'une étude indienne menée sur 86 patients, la plupart avec un syndrome métabolique, mais pas encore traités: en trois mois, la PPC a réduit significativement leur tension artérielle, leur cholestérol, leurs triglycérides et amélioré leur glycémie, au point que 11 d'entre eux n'avaient plus de syndrome métabolique.
Sous-diagnostiqué
Pour le Pr Patrick Lévy, dont le laboratoire grenoblois étudie les conséquences physiologiques des apnées du sommeil, «ces résultats étonnamment positifs seraient certainement moins nets sur nos patients dont l'état est souvent plus grave que ceux étudiés». Même avis du Pr Jean-Louis Pépin (CHU Grenoble): «Ils vont à l'encontre de l'effet très limité de la PPC sur le diabète et les lipides observé habituellement. Une prise en charge diététique et la reprise d'activité physique restent nécessaires pour améliorer ces paramètres chez les patients apnéiques.»
» Les mécanismes subtils de l'apnée du sommeil
Souvent méconnu des intéressés (ils dorment!), le syndrome d'apnée du sommeil est très largement sous-diagnostiqué: les patients ne consultent que si le conjoint s'inquiète d'arrêts respiratoires à répétition qui interrompent quelques secondes un ronflement, ou s'ils souffrent d'une somnolence perturbant leurs activités quotidiennes. Ce trouble, plus fréquent chez les hommes (4 %) que chez les femmes (2 %), augmente avec l'âge pour atteindre 10 à 15 % après 40 ans. Il est favorisé par l'obésité, qui accentue le rétrécissement des voies aériennes et limite les mouvements du diaphragme. Mais si 70 % des apnéiques sont en surpoids ou obèses, il y a aussi des apnéiques maigres et des obèses indemnes. Certains traits anatomiques (cou court, mâchoire petite ou en arrière…) prédisposent aussi aux apnées.
» Exemple d'un homme souffrant d'apnée du sommeil:
Le diagnostic repose sur l'interrogatoire du patient et la polygraphie ventilatoire. Réalisé à domicile, cet examen mesure par des capteurs l'oxygénation du sang, le flux d'air dans les narines, les mouvements respiratoires et le ronflemEnt, presque constant. «Un syndrome d'apnée du sommeil doit être traité au-delà de 30 apnées par heure, car il augmente alors le risque cardiovasculaire. Dans la pratique, on traite aussi quand l'index d'apnées est plus faible mais que la somnolence diurne est gênante», explique le Pr Frédéric Gagnadoux, pneumologue au CHU d'Angers. Certains patients font plusieurs centaines d'apnées par nuit.
Risques d'hypertension
Durant ces apnées, les efforts pour respirer et la baisse d'oxygène sanguin stimulent le système nerveux sympathique qui déclenche la reprise brutale de la respiration. «Cette mauvaise oxygénation, et l'absence de sommeil profond qui permet normalement une baisse de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque, favorise l'hypertension artérielle», explique le Dr Élisabeth Frija-Orvoën, pneumologue (Pitié-Salpêtrière, Paris). Un syndrome d'apnée du sommeil est présent dans 40 à 50 % des hypertensions (80 % de celles réfractaires aux médicaments) et dans 30 à 60 % des accidents vasculaires cérébraux. Pour ces derniers, la prise en charge des apnées réduit le risque de second AVC.» De même, indique le Pr Pépin, «l'hypoxie intermittente, en favorisant la production de molécules pro-inflammatoires et de radicaux libres, est propice au diabète: 60 % des diabétiques de type 2 sont apnéiques».
» Vers des traitements sur mesure
La PPC constitue le meilleur traitement actuel. Dans les apnées moins sévères et pour ceux qui ne supportent pas la PPC, une orthèse mandibulaire amovible peut favoriser le passage de l'air, et la chirurgie modifier l'anatomie mandibulaire. Autres pistes, la stimulation électrique nocturne de muscles pharyngés ou l'utilisation d'anti-inflammatoires. Mais le meilleur traitement est encore la prévention de l'obésité. Le plan de lutte contre l'obésité devrait d'ailleurs bientôt s'enrichir de recommandations sur l'importance du sommeil et du dépistage précoce des apnées.
* Le syndrome métabolique se définit par la présence simultanée d'au moins trois perturbations: obésité abdominale évaluée par le tour de taille, tension artérielle ou glycémie à jeun ou triglycérides élevés, ou «bon» cholestérol (HDLc). Il prédispose à l'athérosclérose et augmente beaucoup le risque cardiovasculaire.
SOURCE : LeFigaro.fr