Débat sur les Orientations Budgétaires 2012.
Intervention de Louis BOUTRIN - Conseiller Régional
Vous trompez les Martiniquais !
Monsieur le Président,
1. Votre coup de pétard mouillé du 23 décembre 2011
Malgré la théâtralisation faite, lors la « séance plénière spéciale » autour des résultats de ce fameux audit interne, vous et vos experts n’avez pas pu prouver que l'équipe précédente a laissé un déficit de 13,7 M€ au lieu des 38,8 M€ d’excédent constaté au CA 2009. La démonstration a été faite, au contraire, que ce déficit n’était pas avéré.
Sur cette base, l’ex-président du Conseil Régional a sollicité du préfet la saisine de la Chambre Régionale des Comptes pour tirer au clair cette question.
D’ailleurs, soyons cohérents ! S’il y avait réellement un déficit de 13,7 M€, ce dernier représenterait plus de 5 % (pour être précis : 6,2 %) des recettes réelles de fonctionnement du CA 2009 (221 M€), ce qui conduirait à la mise en œuvre des dispositions prévues par l’Art. L1612-14 du CGCT et de facto, la saisine par le Préfet de la CRC.
Nous serions alors dans une situation juridique où nous ne pourrions pas construire un budget.
Par ailleurs, les Orientations Budgétaires et le budget 2012 seraient d'emblée faussés. Basés un postulat erroné, ils déboucheraient, de fait, sur des comptes insincères. Ce que, ironie du sort, vous semblez reprocher au CA 2009 !!!
C’est pour cette raison, Chers collègues, qu'en l'absence de validation par des experts crédibles, nous ne pouvons nous engager dans un débat… sincère ( !) sur les orientations budgétaires.
D'ailleurs, n’est-ce pas votre ami socialiste, Arnaud de Mondebourg qui, face aux risques de dégradation de la note du Conseil Général de Saône et Loire a déclaré lundi dernier (16 janvier 2012) que « la seule institution que nous considérons fiable et capable d’évaluer nos comptes publics est la Chambre régionale des Comptes, sous le contrôle de la Cour des Comptes ». Prenez-le au mot votre ami socialiste de Saône et Loire, et attendons la saisine de la CRC par le Préfet, sur les C.A. 2009 et … 2010 !
Car, vous devez l'admettre, la conséquence directe de votre pétard mouillé est la perte de confiance des banques et une augmentation corrélative des conditions d’emprunt au moment même où vous vous apprêtez à contracter un emprunt de 272 M€ sur les 4 ans. (voir tableau page 83 du Rapport sur les OB 2012 : 62 M€ en 2011, 70 M€ en 2012-2013-2014).
Ce prétendu déficit d’AMJ arriverait très mal :
Plus que jamais, votre audit interne apparaît comme politiquement inopportun et économiquement inapproprié.
Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle se double aujourd’hui d’un contexte économique et financier dégradé confirmé par la perte le 13 janvier dernier du Triple A par la France.
2. La perte du Triple A de la France
Venons-en donc au coup de tonnerre de ce Vendredi 13 janvier où l’agence de notation Standard and Poor’s a dégradé la France de son Triple A.
Les responsables économiques et politiques de la France reconnaissent que cette dégradation de la note française va avoir des conséquences négatives sur l’ensemble des Collectivités locales : « Cet effet domino impactera notamment les Régions qui vont être sanctionnées par un accès plus cher au crédit ». Les banques elles-mêmes ne sont pas à l’abri, puisque Standard and Poor’s vient d’abaisser la note de la Caisse de Dépôt et de Consignation.
Les conséquences de cette perte du Triple A seraient donc les mêmes que pour les finances de l’Etat, à savoir des taux d’intérêts plus élevés et un risque pour les contribuables locaux de voir augmenter les impôts.
Se pose alors pour les Collectivités régionales et singulièrement la nôtre, la question des choix stratégiques : relance ou austérité ?
Deux conceptions de la gestion budgétaire s'affrontent alors. Celle d’AMJ basée sur une gestion rigoureuse mais efficiente des recettes publiques et la vôtre dont la doctrine repose sur le déficit public chronique.
Dès la campagne des régionales de mars 2010, nous n’avons eu de cesse de vous alerter sur la dégradation prévisible de l’environnement socio-économique, et sur l'opportunité du choix de la doctrine reposant sur le déficit chronique. Pour toute réponse, vous nous avez taxés de « prophètes de l’économie sans dette ».
Mais l'actualité nous démontre que les économies basées sur le surendettement, avec une augmentation galopante des dépenses publiques, s’effondrent fatalement. A l’instar de la France et de bien d’autres pays d’Europe, ces pays sont obligés de revoir leur copie.
Vous trompez le Peuple Martiniquais en minimisant les risques de votre choix.
Et aujourd'hui, au delà de l'opportunité de l'emprunt, se pose aussi la question du montant de l’emprunt, puisque vous vous apprêtez à contracter un emprunt d’un montant de 272 K€ sur 4 ans. (page 83 doc. Rapport OB 2012)
Pour justifier cette orientation et ce montant, vous persévérez dans les discours rassurants. Vous continuez à bercer le Peuple Martiniquais de douces illusions, sur la base de réflexions fausses.
D'ailleurs, l’analyse présentée en page 12 de votre rapport de présentation en atteste : Vous partez d’un double postulat économique erroné.
Et, si on se réfère au rapport 2011 de l’IEDOM (page 28) : « L’économie de la Martinique a bénéficié d’une croissance soutenue entre 1997 et 2007 (+2,9 % en moyenne par an et en volume) tirée par la consommation et l’investissement. Un renversement de tendance s’est opéré à partir de 2007 avec une décélération de la croissance (+ 0,9 % sur un an) et un recul en 2008 (-0,3 %)... ». La récession s'est amplifiée en 2009 sous le double effet de la crise économique et financière internationale et de la crise sociale.
Les experts démontrent, et contrairement à ce que vous avez constamment affirmé lors de votre campagne électorale en fustigeant la gestion « bon père de famille » d'Alfred Marie-Jeanne, que la récession qu'a connu la Martinique est bien une répercussion et une déclinaison de la dégradation du contexte économique et financier de la France et de l'ensemble européen, auquel nous sommes viscéralement rattachés.
Vous trompez donc le Peuple Martiniquais, en voulant faire croire, que les risques seraient amoindris parce que le monde ne serait pas en crise.
Car, Chers Collègues, la Région Martinique n’échappera pas au contexte économique et financier dégradé. Et c’est dans ce contexte dégradé que nous aurions eu à prendre des Orientations Budgétaires efficientes pour le pays-nôtre, alors même que nous n'avons pas de lisibilité avérée sur la situation financière de notre Collectivité.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous ne pouvons engager la Martinique dans une spirale sans filet. Ce filet, c'est l'appréciation juste de la situation financière du Conseil Régional par des experts neutres et incontestés.
Monsieur le Président, voilà pourquoi, nous ne nous immiscerons pas dans un débat sur les enjeux stratégiques à venir et à financer, aussi intéressants qu'ils puissent être.
D'ailleurs, vous-même et le rédacteur du Rapport semblez gênés pour appuyer votre argumentaire.
Et permettez, en guise de conclusion, que nous puissions relever deux incohérences qui se dégagent de ce rapport sur les OB.
Une incohérence de forme : En page 57 de votre rapport, vous annoncez UNE RUPTURE NECESSAIRE tout en affichant un critère qui a fait la marque de fabrique d’AMJ et deux éléments qui sont antinomiques de ladite rupture :
1. «La non augmentation de la fiscalité indirecte pour préserver le pouvoir
d’achat du martiniquais». Depuis 1998, AMJ n’a jamais augmenté la fiscalité indirecte et cela le pays entier le sait !
2. Le MAINTIEN des niveaux d’épargne net
3. La PRESERVATION de la solvabilité financière
Ces deux derniers critères sont antinomiques de votre rupture annoncée.
Et comble de l'ironie, ils rétablissent la vérité, puisque en voulant PRESERVER et MAINTENIR, vous admettez de fait un niveau d'épargne et une solvabilité, que vous sembliez remettre en cause, par audit interposé.
D’ailleurs le tableau de la page 58 démontre bien que, tant au niveau des recettes d’investissement hors emprunt que de l’épargne, vous restez à des niveaux comparables à la gestion d’AMJ.
Mettez donc en discussion un dossier juridiquement et financièrement incontesté et incontestable sur les Orientations Budgétaires pour nous permettre de débattre sereinement de l'avenir de la Martinique.
Louis BOUTRIN
Conseilleur Régional
Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants