François Hollande obtient une victoire nette mais pas large
François Hollande a été élu, ce 6 mai, le septième président de la Ve République avec autour de 52% des suffrages exprimés. C’est la conclusion d’une longue bataille électorale dans laquelle le Président sortant n’aura jamais réussi à prendre le dessus.
La participation a progressé d’un point avec 19,5% d’abstention contre 20,5% au premier tour, ce qui était nettement insuffisant pour bousculer des équilibres du premier tour annonciateurs d’une victoire du candidat socialiste. On est cependant loin de la très forte participation enregistrée en 2007 (16% d’abstention) comme en 1981 (14,2%). Un grand nombre de bulletins blancs et nuls semble avoir été enregistrés (aux alentours de 5% des votants).
Comparable à Mitterrand en 1981
Hollande réalise un score supérieur à celui, très court, de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 (50,8%) et du même ordre que celui de François Mitterrand en 1981 (51,8%).
Mais le candidat socialiste ne réédite pas la performance de Jacques Chirac en 1995 (52,6%) ni le record enregistré par Nicolas Sarkozy en 2007 (53,1%) pour un nouveau Président élu dans le cadre d’un affrontement droite-gauche.
Le Président sortant semble avoir été le principal bénéficiaire du léger surcroît de participation. Rappelons que les électorats se renouvellent plus qu’on ne l’imagine d’un tour à l’autre. Son relatif bon score ne s’explique apparemment pas par une remontée de reports de voix de l’électorat lepéniste en sa faveur. Il est à noter que l’intention de vote personnelle de François Bayrou n’apparaît guère avoir influencé ses électeurs du 22 avril dont une majorité relative aurait voté en faveur de Sarkozy ce dimanche.
« Ne me faites pas une victoire étriquée », avait supplié le candidat de gauche vendredi dernier. Il a été entendu partiellement mais il n’a pas obtenu la « victoire large » qu’il appelait de ses vœux. Hollande n’a peut-être pas mobilisé, autant qu’il l’aurait espéré, un électorat de gauche confiant dans sa victoire et parfois peu enthousiasmé par ses orientations.
Un contexte périlleux pour le vainqueur
Ce résultat relativement décevant ne va pas faciliter l’alternance. Le deuxième Président de gauche de la Ve République sait qu’il arrive au pouvoir dans un contexte périlleux.
Les électeurs lui auraient-ils réservé une « victoire empoisonnée » en le propulsant à la tête de l’Etat au milieu d’une profonde crise économique, dans une Europe à la cohésion rudement secouée, et porté par une majorité, tant électorale que politique, limitée et hétérogène ?
La drôle de défaite de Sarkozy
« Vous n’imaginez pas combien les choses vont se jouer sur le fil du rasoir », prévoyait Sarkozy ce vendredi. Nous manquions effectivement d’imagination. Le Président sortant a été battu de façon nette. Il n’en demeure pas moins que son score reste appréciable pour un homme aussi impopulaire pendant quatre de cinq ans de son mandat.
Rappelons que Sarkozy a achevé son mandat avec seulement 36% de Français « satisfaits » de son action « comme président de la République » et 64% de « mécontents », selon le baromètre de l’Ifop ! Le candidat de la droite a visiblement réussi à mobiliser son camp malgré les préventions de beaucoup de ces électeurs à son endroit.
Victime d’une pareil rejet, rendant sa défaite prévisible depuis des mois, l’enjeu était en réalité, pour Sarkozy, d’être le mieux battu possible. La stratégie droitière et « populiste » impulsée par son conseiller Patrick Buisson, lui-même issu de l’extrême droite, a peut-être été payante dans cette perspective. Avec sa thématique des « frontières », Sarkozy a su capitaliser sur des craintes relatives à l’immigration et au libre-échange quelque peu négligées par Hollande.
Le déshonneur
Mais cette défaite quantitativement appréciable est aussi et surtout qualitativement désastreuse. En courant derrière l’électorat lepéniste, en caricaturant son image de chasseur de voix sans scrupules, le Président sortant a vraisemblablement abîmé son image. Nombreux sont ceux, à droite, qui lui attribueront, non sans raison, la paternité de cette défaite. Cela ne facilitera pas son éventuelle intention, que l’on est en droit de suspecter, de revenir dans le jeu politique le moment venu.
Le résultat, plus serré que prévu, du scrutin présidentiel laisse présager des élections législatives relativement incertaines. Si la probabilité que les électeurs confirment leur choix d’un Président de gauche par une majorité de même couleur au Palais-Bourbon est élevée, la perspective de voir le PS contrôler à lui seul l’Assemblée nationale semble très aléatoire.
SOURCE : Rue89