C’est tout le Sénégal qui est en deuil. A l’image du Nigeria, qui a perdu Rashidi Yekini dans la nuit de vendredi à samedi, les Lions de la Teranga pleurent la disparition de leur figure de proue : Jules Bocandé s’en est lui aussi allé. L’ancien international est décédé lundi soir à la suite d’une opération chirurgicale. L’idole de toute une génération, la référence du football sénégalais n’est plus.
Parler de Jules Bocandé, c’est évoquer les plus belles dread locks de la fin des années 80 jusqu’au début du années 90. Car Bocandé, c’est d’abord un visage, une carrure qui qui ne laissent pas indifférent. Le rasta sénégalais a torturé les défenses françaises, finissant même meilleur buteur de Première Division, avec 23 réalisations lors de la saison 1985-86. L’international sénégalais était par ailleurs à la pointe de l’attaque messine lorsque le club grenat s’en allait fesser le grand FC Barcelone sur ses propres terres (4-1).
Joueur clé des Lions Teranga, Bocandé participe activement à la renaissance du football sénégalais en scorant par trois fois pour le Zimbabwe (3-0). Trois buts synonymes de qualification pour la Coupe d’Afrique des Nations 1986, organisée par l’Egypte, mais aussi de retour sur la scène continentale, 18 ans après. Eliminés au premier tour, Bocandé et les Sénégalais reviennent plus fort 4 ans plus tard pour une place en demi-finale en 1990 et en quart de finale en 1992.
Un coup de pied qui déclenche tout
Mais tout ça, l’ancien buteur de l’OGC Nice a bien failli ne jamais le connaître. Le petit attaquant est certes talentueux mais il arpente seulement les pelouses du championnat sénégalais. A 21 ans, Bocandé est surclassé et rejoint l’équipe première du Casa Sport, le club de sa ville natale, pour jouer et gagner la finale de la Coupe du Sénégal face à l’ogre venu de la capitale, l’ASC Diaraf. Mais c’est l’année suivante qui lui ouvrira les portes de l’Europe. Casa Sport affronte cette fois-ci l’ASC Jeanne d’Arc pour ce qui sera la seule finale histoire à être disputée sur deux manches. Le match retour, particulièrement tendu, est marqué par la violence. Alors que l’arbitre a fait retirer un penalty raté par la Jeanne d’Arc, Bocandé, alors très jeune, ne peut se contenir et fait un croche pied à l’homme en noir. Un geste qui lui vaut une suspension à vie au Sénégal. Et qui l’envoie en Europe, grâce à un ami belge.
Là-bas, Jules découvre le froid et la D3 belge avant de s’essayer en Jupiler League sous les couleurs du RFC Sérésien, tout récent promu pour la première saison du Lion de la Terangua qui passe quasiment directement de la Promotion au championnat professionnel. Repéré outre-Quiévain, le Sénégalais rejoint le FC Metz au cœur de l’été 1984 pour deux saisons, dont une marquée par un titre de meilleur réalisateur de D1. L’ancien membre des Black Stars, l’écurie drivée par Pape Diouf, est précurseur : avec Bell, Milla… il fait partie de la première génération d’Africains à écumer l’Europe.
223 matchs, 69 buts
Le PSG, champion de France en titre, lui fait alors les yeux doux et s’attache les services du fantasque attaquant pour deux saisons. Deux saisons en dent de scie où le Parc des Princes pourra observer la technique ciselée du natif de Ziguinchor mais aussi son inconstance. 32 matches, 5 buts pour sa première saison, Bocandé est envoyé sur le banc. Sa deuxième saison est quasi-blanche (9 matches, 1 but) et il est envoyé dans le Sud, à Nice. Où il revit pendant quatre saisons avant d’aller divertir le Stade Bollaert de Lens de ces dribbles chaloupés et de ses retournés acrobatiques. Une dernière pige à Alost, en Belgique et la boucle est bouclée.
Les crampons raccrochés, Bocandé ne s’éloigne pas des terrains. En 2000, il a intégré le staff technique des Lions de la Terangua et participe donc activement à la renaissance du football sénégalais, qui élimine notamment la France du Mondial 2002 en Asie. Primé en 2008 par l’Union des fédérations ouest-africaines de football (UFOA) pour ‘’services rendus au football continental et sous-régional », cette légende vivante est devenu l’homme orchestre de la Casamance : foot, politique, business : "Je fais un peu de business, je gère une discothèque, j’ai aussi une boutique - Jules Sport - et un atelier de flocage de vêtement. Plus un peu de politique." Il est en effet adjoint à la mairie de Ziguinchor et étudie en parallèle un projet de centre de formation pour le club. "Mais voila, le club n’a pas les moyens et pour faire avancer tout ça, c’est ma poche qui saigne." Aujourd’hui, c’est toute une nation qui saigne et qui le pleure.
SOURCE : Afrik.foot