Il y a quelques années, ils ont découvert le "cerveau du plaisir". Une terra incognita appelée "système limbique", ou cerveau primaire, en charge de nos émotions. Celles-ci permettent aux animaux, y compris nous, les Homo sapiens sapiens, d’exprimer la peur pour éviter un danger, ou la joie pour garder une relation sociale ou sexuelle. Ainsi se perpétue la survie de l’espèce.
Il y a mieux : les scientifiques viennent de mettre à jour le "cerveau amoureux". Deux chercheurs de l’University College de Londres, Andreas Bartels et Semir Zeki, ont réussi à identifier, à l’intérieur du cerveau du plaisir, quelques zones qui jouent un rôle essentiel dans les love story durables (1).
Pour mener à bien l’expérience, dix-sept cobayes "follement, profondément amoureux" se sont couchés dans un scanner pour y regarder… des photos de vieux camarades. Rien de très excitant. Sauf qu’à la vue du visage de l’être aimé glissé parmi ces clichés, quatre zones appartenant au cerveau du plaisir se sont "allumées", signe d’une activité neurologique soutenue.
Les deux scientifiques identifient même les différentes composantes de l’amour romantique. L’une d’elles correspond à la scène connue du : « Je sais que je l’aime, et lui ? Je pense qu’il m’aime… Non, non, je suis sûre qu’il m’aime ! » Ce que les scientifiques appellent la reconnaissance de ses sentiments propres et de ceux d’autrui. Elle est « une faculté indispensable à l’amour », soulignent Bartels et Zeki.
Plus étonnant encore, notre libido nous aveuglerait, à en croire les travaux de Serge Stoléru et de son équipe à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui travaillent depuis 1999 sur «le désir proprement sexuel (2)».
Et Serge Stoléru d’ajouter : « La désactivation n’intervient pas chez des hommes souffrant d’un “désir sexuel hypoactif” », autrement dit, ceux dont la libido est en berne ! Chez eux, la "tête" prend le dessus, le désir est refréné. Il en va de même pour notre vie affective. Andreas Bartels et Semir Zeki usent de cette raison neurologique pour expliquer que nous manquions parfois de discernement vis-à-vis de notre partenaire.
Reste que, dans le comportement amoureux, l’activité psychique particulière à chacun semble toujours prendre le pas sur les diktats de la biologie.
1- In NeuroReport, vol. 11, n° 17 (novembre 2000).
2- In Archives of Sexual Behavior, vol. 28, n° 1 (février 1999).
3- Prix Nobel de médecine et de physiologie en 1965, avec André Lwoff et Jacques Monod.
4- Entretien avec Lucien Degoy, L’Humanité, 28 avril 1997.
REGARDEZ, C’EST UNE EXPERIENCE SCIENTIFIQUE :
• Vous êtes face à des images érotiques.
Des zones du cerveau primaire, qui régit nos émotions, "s’allument". Dans le cortex, les zones chargées du contrôle "s’éteignent". Le désir peut monter sans inhibition. C’est le côté aveuglant de la libido.
• Vous tombez sur une banale photo de la personne aimée.
Ce sont alors d’autres zones qui s’activent dans le cerveau primaire. L’amour est aussi neurobiologique.
LA LIBIDO :
Une question de survie
Et si notre libido était surtout dictée par le profond instinct de survie de l’espèce ? Le moyen le plus efficace pour assurer au mieux notre descendance est le brassage des chromosomes, un échange génétique entre partenaires constamment renouvelé. En clair : copulons afin de perpétuer la lignée des Homo sapiens sapiens. Certains chercheurs vont jusqu’à dire que même le sentiment amoureux a été sélectionné par l’évolution pour garantir le maintien de l’espèce humaine !
LE DESIR A-T-IL UN SEXE ?
Femmes et hommes ne seraient pas égaux face à la pulsion sexuelle, suggère Stephan Hamann, de l’université américaine Emory, à Atlanta. Devant un film érotique, l’activité cérébrale s’intensifie davantage chez les hommes, et ce dans deux grandes régions du cerveau : l’amygdale et l’hypothalamus.
Pourtant, rassure le chercheur, hommes et femmes ressentent un niveau d’excitation physique équivalent en regardant ces images suggestives. Pourquoi ? Sans doute différentes zones cérébrales impliquées dans les émotions entrent-elles en jeu, mais toutes n’ont pas encore été identifiées. Il faudra attendre encore un peu avant d’épiloguer sur la guerre des sexes.
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