Malgré la réaction de protestation des citoyens et de nombreux avis défavorables y compris celui du Parc national lequel insiste sur la dangerosité des produits répandus pour la faune guadeloupéenne, le représentant de l’Etat se range comme à l’accoutumée du côté des planteurs. Certes, certains de ces produits utilisés sont encore à l’étude concernant leur capacité de nuisance quant à la santé des citoyens mais il nous semble indispensable, surtout après l’épisode tragique du chlordécone, de faire jouer le principe de précaution exigé par de nombreux citoyens et associations. Cela suscite de notre part deux grands points de réflexion.
-Premièrement, nous sommes renvoyés au fait nu et brutal que depuis l’expansion de ce qu’on appelle le capitalisme mondialisé, une logique économique systémique et puissante gouverne le monde. Même les Etats y sont assujettis et les luttes sociales et politiques traditionnelles peinent à contrecarrer le mouvement. C’est pour cela que des formes inédites de protestation, comme celle des Indignés, timidement encore, voient le jour. Les Etats sont affaiblis et les représentants parlementaires classiques éprouvent actuellement leurs limites. Ainsi, il a suffi de la pression exercée sur le nouveau gouvernement par la compagnie pétrolière Shell pour qu’une ministre de l’environnement soit remplacée peu de temps après sa nomination. Mais la puissance du système économique capitaliste mondialisé tient surtout à l’hégémonie idéologique qu’il exerce sur les citoyens grâce à ses puissants canaux médiatiques. Elle consiste à contrecarrer, surtout chez les jeunes, la formation d’une subjectivité authentique. Les citoyens sont atomisés, sérialisés, en individus mais un individu n’est pas forcément un sujet capable de se projeter dans le futur. Cette dé-subjectivation des individus en font de parfaits consommateurs acceptant la domination comme une logique des choses contre laquelle on n’y peut rien.
-Cela nous amène à notre deuxième point de réflexion :
Comment expliquer , malgré les tentatives plurielles dont celles du LKP, de Basse-Terre environnement et bien d’autres pour annuler la dérogation accordée aux planteurs concernant cet épandage aérien, l’étrange léthargie du peuple guadeloupéen à ce sujet ? Sans doute les Guadeloupéens sont-ils, eux aussi, victimes de la domination hégémonique du capitalisme mondialisé où la rationalité purement instrumentale qui domine le système dominant mondial a eu tendance à affaiblir d’autres formes de rationalité comme la rationalité morale et politique. C’est l’homme lui-même qui est asservi à cette logique dominante donc c’est l’humain qui tragiquement risque de s’en aller au gouffre. Mais y aurait-il une explication plus spécifique pour notre pays ? L’héritage esclavagiste et colonialiste aurait-il produit un rapport au corps, à la mort, au territoire donc fondamentalement au collectif lui-même qui nous empêcherait de fonder un sujet collectif maître de sa destinée ? La question reste posée. Ce qui est sûr, c’est que si les Guadeloupéens ne se mobilisent pas à propos de ce qui concerne leur santé, leur territoire, l’intérêt général et surtout l’avenir de leurs enfants, tout autre projet fondamental aura du mal à voir le jour.
Le plus déroutant est l'étonnant silence de la classe politique guadeloupéenne, chargée pourtant de représenter l'intérêt des citoyens. Comment expliquer leur silence sur des questions aussi essentielles ? Nous avons envoyé au Ministre des DOM, Victorin Lurel une lettre à ce sujet et nous attendons impatiemment sa réponse.
Certes, nous ne nions pas les intérêts économiques en particulier ceux de l’économie bananière et plus largement ceux de la Guadeloupe toute entière. Mais est-ce aux seuls planteurs de dicter leurs lois, comme ils l’ont toujours fait dans l’histoire de nos îles ? N’y a-t-il pas d’autres solutions, plus compliquées sans doute pour les planteurs de banane mais plus économique pour notre santé ? Quel est l’intérêt supérieur qui doit prévaloir en ce domaine ?
Pour tout cela, parce que nous pensons que seul le regroupement de nos forces peut avoir une pertinence en ce moment, nous invitions les syndicats, les associations de l’environnement, de la santé et tous les citoyens qui se sentent concernés à une réunion de concertation le jeudi19 juillet à 19 heures à la Casa del tango, 651 rue Alfred Lumière à Jarry
Jacky DAHOMAY