ANTILLES : POURQUOI FAUT-IL SORTIR DE LA BANANE CHIMIQUE ?

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Sortir de la banane chimique : 


Quelles alternatives ?


par Louis BOUTRIN


 

1. POURQUOI FAUT- IL SORTIR DE LA BANANE CHIMIQUE ?

Les enjeux économiques de la banane chimique nous dépassent : 

Monoculture industrielle, la culture de la banane a fait de la banane le fruit le plus consommé au monde avec 13 millions de tonnes / an.

La culture de la banane chimique est au centre d’enjeux commerciaux qui sont devenus contradictoires avec les intérêts de la santé de nos populations et, tout aussi grave, avec les intérêts de l’économie du secteur agricole lui-même

.

Les ¾ du marché mondial de la banane sont contrôlés par 5 multinationales qui maitrisent leurs propres bananeraies, leurs propres flottes de bateaux…

Vis-à-vis de cette « banane dollar », même hypersubventionnée, notre banane ne peut plus être concurrentielle. 

 

Face à un tel rapport de force, les producteurs de bananes des Antilles françaises tentent de se maintenir coûte que coûte. Mais la banane martiniquaise, la plus importante de tous les Outre-Mers est en déclin : Les exportations sont passées de 268 328 tonnes durant l’année 2000 à 180 000 tonnes en 2008.  La banane des Antilles est devenue une culture budgétivore, préjudiciable aux autres secteurs agricoles, source de pollution, qui ruine notre santé.

 

L’addition est aujourd’hui trop lourde et il faut avoir le courage politique de sortir de cette spirale mortifère et prendre des décisions concrètes pour envisager l’avenir sous de meilleurs auspices. 

C’est cet appel que nous adressons aux autorités publiques du pays

C’est l’objet de notre intervention dans cette séance plénière du Conseil régional.

Quelques explications… 

pour un débat rationnel, transparent et …dépassionné !

La banane, une culture budgétivore, 

qui pénalise les autres secteurs agricoles 

 

Actuellement, le secteur agricole en Outre-Mer bénéficie de soutien public sous forme d’aides financières nationales et européennes. 

Entre 2008 et 2010, le montant de ces aides agricoles aux 4 DROM est passé de 370 M€ à  520 €.

Le bilan de ces aides effectué par le Ministère de l’agriculture, par l’Union européenne à travers le POSEI (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité) et repris par la Cour des Comptes à travers son Rapport 2011, nous impose un autre regard sur la réalité, un autre regard sur la banane, un autre regard sur l’avenir de nos pays. 

Durant cette période 2008-2010, Il résulte que : 

  • Les aides publiques à l’agriculture ont considérablement augmenté alors même que la production agricole diminuait.
  • Le choix a été fait de privilégier les productions exportatrices au détriment des secteurs productifs. La banane, à elle seule, consomme 53 % du total des aides allouées à l’Agriculture des Outre-Mers devant la filière canne-sucre-rhum (28%). La Cour des Comptes estime que cette répartition entre les différentes productions agricoles est non conforme aux objectifs fixés pour l’attribution des aides agricoles (FEAGA – POSEI-IV)

3 CONCLUSIONS relatives aux aides publiques 

  • La Martinique est le département où l’aide publique a le plus augmenté
  • D’où la conclusion de la Cour des comptes : « A la Martinique, sans les subventions, le revenu des entreprises agricoles serait très fortement négatifs, ce qui pose la question du maintien du modèle économique en place ».
  • Ce ne sont donc pas « nos amis écologistes » qui remettent en cause ce modèle, Monsieur le Ministre de l’Outre-Mer, c’est bel et bien l’EUROPE qui pose clairement la question du maintien des aides à l’agriculture… Mais il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre !

La banane et le développement de l’emploi, 

arrêtons cet absurde chantage à l’emploi dans la banane.

 

La banane contribue à hauteur de 1,1 % de la création de richesse en Martinique.

Ce secteur a longtemps permis de développer l’emploi dans le secteur agricole… mais la banane n’assure plus le maintien des emplois. Les chiffres du Ministère de l’agriculture confirment ce constat. 

  • Martinique :   6 473 emplois en 2000 à  4 027 emplois en 2007 (-38 %)
  • Guadeloupe : 3 474 emplois en 2000 à  1 857 emplois en 2007 (-47 %)

Alors, s’agissant des chiffres, ne nous faites pas comme la Grèce où pendant des années, on avait falsifié les chiffres et aujourd’hui que la crise est installée, les langues se délient mais on cherche encore les responsables. 

Nous sommes tous responsables et nous avons l’obligation d’informer la population et surtout de défendre l’intérêt général et non pas exclusivement celui des lobbys de la Banane. 

Des emplois sauvegardés… mais à quel prix ?

Et, là encore, s’agissant des emplois sauvegardés dans le secteur agricole c’est plus de 960 M€ de subventions versées de 1998 à 2008 pour la seule Martinique. La Cour des Comptes est très claire dans son rapport 2011 : 

« Ces chiffres reflètent, certes, les fortes contraintes propres au secteur banane (…) ils sont néanmoins difficilement compréhensibles dans un contexte de rareté budgétaire, et conduisent à s’interroger, dans une perspective à moyen et long terme, sur la meilleure stratégie à retenir pour développer l’emploi et l’activité économique dans les Départements d’Outre-Mer »

La question que nous posons à tous ceux qui perpétuent le « chantage à l’emploi » dès lors que l’on aborde la question de la banane. Avec ces 960 millions d’euros de subventions publiques, ne pouvait-on pas orienter autrement cet argent pour développer d’autres secteurs productifs qui sont actuellement en grande souffrance, ne pouvait-on pas diminuer notre dépendance alimentaire vis-à-vis de l’extérieur, ne pouvait-on pas réduire ainsi notre déficit commercial ?

Au-delà de ces interrogations, tout à fait légitimes, se pose également la question de la souveraineté alimentaire de notre pays. Les crises sanitaires et alimentaires qui font la une de l’actualité inter(nationale) devraient nous orienter en ce sens.

La banane, source de pollution

Voir livre « Chronique d’un empoisonnement annoncé – Le scandale du Chlordécone » Louis BOUTRIN et Raphael CONFIANT ;

La banane, ruine notre santé

La culture de la banane pose un vrai problème de santé publique. La relation de causalité entre cancers et pesticides organochlorés déjà reconnue par la communauté scientifique (Travaux de l’Université d’Harvard) a finalement été admise par les chercheurs de l’INSERM. 

S’agissant de l’épandage aérien, la présentation faite par les Docteurs J. JOS-PELAGE, J. MONTEZUME et RICHARSON sur les problèmes de santé publique liés à l’épandage aérien est suffisamment claire. Il convient de saluer leur courage et d’écouter la voix de la sagesse de ces médecins dont le souci de santé publique demeure la principale motivation.  

Il convient de rappeler notre position sur les limites maximales de résidus (LMR) : Nous dénonçons tous ceux qui continuent à justifier l’usage des pesticides par l’existence de LMR. Ces LMR sont fondées sur des connaissances beaucoup trop approximatives et ne tiennent pas compte du niveau de contamination antérieure des organismes humains. Aucune étude scientifique n’est capable de déterminer aujourd’hui les interactions dans l’organisme humain de ce cocktail de pesticides déversés dans les sols aux Antilles. Quels sont les effets combinés avec les autres pesticides organochlorés (HCH béta, Dieldrine, Chlordécone) et autres, Paraquat etc.

 

2. UNE SORTIE DE LA BANANE CHIMIQUE PROGRAMMEE SUR 10 ANS :

VERS UN PLAN D’URGENCE POUR L’AGRICULTURE ANTILLAISE

 

Le nucléaire en France, c’est 410 000 emplois directs et 2 % du PIB. 

la France est le pays le plus « nucléarisé » avec 78% d’électricité d’origine nucléaire dans sa production totale d’électricité. Actuellement la France compte 59 réacteurs pour une puissance de 63 GW.

En application du principe de précaution, les socialistes français ont décidé une sortie du nucléaire sur 20 ans. 

 

La banane en Martinique, c’est moins de 5 000 emplois directs, et moins d’1% du PIB

En application du principe de précaution et du principe de prévention (le risque étant avéré) nous demandons une sortie programmée de la banane sur 10 ans.

 

SORTIR DE LA BANANE CHIMIQUE 

… POUR INVESTIR DANS LA BANANE BIOLOGIQUE 

 

125 000 tonnes de bananes qui seront vendues pour la contre-valeur estimée de 55 millions de dollars. 75% des exportations de bananes concernent la banane bio. D´après le Junta Agroempresarial Dominicana (JAD), la production a connu une croissance de 12% au cours des trois dernières années, ce qui a permis à la République Dominicaine de se placer au premier rang des fournisseurs de l´UE devant Israël.

La BID (Banque Interaméricaine de Développement) a annoncé pour sa part le financement d´un programme de développement du secteur agro-industriel de US$61,5 millions, dont US$ 19 millions correspondant à une première partie, pour la réalisation du projet d´amélioration de la compétitivité agroalimentaire dirigé par le Ministère de l´Agriculture. 

. … POUR DIVERSIFIER L’AGRICULTURE ANTILLAISE

Diversifier… diversifier… en terminer avec cette arlésienne !

DIVERSIFIER POUR RECONQUERIR LE MARCHE INTERIEUR MARTINIQUAIS !

Taux de couverture la consommation Martiniquaise est trop faible : 

  • - Fruits et légumes : 51 % de production locale
  • - Viandes : …13 % seulement.  

Ces secteurs méritent d’être structurés. 

De nombreuses pistes existent : 

  • Elevage
  • Horticulture florale
  • Terres en friche (16 000 ha)

Préserver le foncier agricole (de 40 000 ha SAU à 26 000 ha) : dans 26 ans plus de foncier agricole disponible (Nous tirons la sonnette d’alarme +++) 

 

Proposition d’un GRENELLE DE L’AGRICULTURE ANTILLAISE associant : 

  • les professionnels du secteur agricole toutes filières confondues, 
  • les élus : beaucoup trop d’élus, maires, Conseillers généraux, Conseillers régionaux, Députés et maintenant Ministre de l’Outre-Mer, reprennent à l’unisson, et de manière docte, les arguments du lobby de la banane. 
  • les représentants de l’Etat et des Ministères concernés.

 

En guise de conclusion, 

Nous rappelons aux autorités de ce pays que l’épandage aérien fait l’objet d’une interdiction par l’Union européenne et le Parlement. Les dérogations accordées en Martinique et en Guadeloupe s’inscrivent dans le domaine de l’exception et ne peuvent être reconduites ad vitam aeternam. Celle introduite auprès du préfet de Martinique par le groupe BANAMART, le 30 mai 2012, doit être rejetée car des solutions alternatives existent. Tout régime de dérogations permanentes serait contraire à la loi. 

Et, le fait pour nous de vivre cette situation absurde et répétitive dont on ne voit jamais la fin ou l’aboutissement s’assimile au supplice de Sisyphe tel qu’il a été décrit par Albert CAMUS

Après le scandale du Chlordécone, nous ne sommes pas condamnés aux Antilles à vivre le supplice de Sisyphe, à travers l’épandage aérien de pesticides. 

Louis BOUTRIN

Conseiller Régional de Martinique

Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants

 

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 pleniere. epandage 26juillet12