AN - LE DÉPUTÉ MARIE-JEANNE DÉFEND L'ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE DANS LES DOM

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Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Chers collègues,

Je ne reviendrai pas sur la présentation des crédits de la mission « Outre-mer » pour concentrer l’essentiel de mon temps de parole sur les questions qui intéressent plus particulièrement la commission des Lois. En effet, je me suis consacré dans le cadre de la mission qui m’a été donnée, à l’étude de l’accès au droit et à la justice dans les départements d’outre-mer.

Dans une société démocratique fondée sur le respect de la loi, l’accès à la justice, et plus largement au droit, est l’une des conditions de l’effectivité du pacte social. De ce point de vue, que certains n’aient pas de droits, ou ne soient pas en mesure de les faire respecter, dans les deux cas, c’est un échec pour la société tout entière.

J’ai donc traité les conditions dans lesquelles les justiciables de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de la Réunion, accèdent à la justice et au droit.

 

S’agissant tout d’abord des crédits consacrés à l’accès au droit et à la justice dans ces territoires, ils devraient progresser de 3,8 % en 2013, puis de 3 % en moyenne annuelle entre 2014 et 2017.

Sur la longue période, l’évolution de ces crédits est encore plus significative. En effet, ils ont augmenté de 10 % depuis 2007 et ce, en dépit d’un reflux en 2011 et 2012.

Malgré cette évolution positive des crédits, permettez que j’attire toutefois votre attention sur plusieurs problèmes, qui laissent à penser que les justiciables de ces régions, seraient des justiciables de second rang.

1. – En premier lieu, le réseau de l’accès au droit.

Ce réseau de maisons de la justice et du droit et des points d’accès au droit, repose aujourd’hui principalement sur des associations. Or, il ressort de mes investigations, que le tissu associatif pour l’accès au droit et à la justice ainsi que pour l’aide aux victimes, est insuffisamment structuré pour répondre de manière satisfaisante à l’ensemble des besoins des justiciables. C’est notamment le cas en Guyane, en Martinique et à Mayotte.

En outre, ces associations font actuellement face à de sérieuses difficultés de financement, qui compromettent gravement leur mission.

Il faut saluer, comme il se doit, leur implication et susciter la création de nouvelles.

En tout cas, il importe de sécuriser de manière pérenne le financement de ces associations.

Il convient aussi d’accroître sur place la formation et la professionnalisation de celles déjà bien implantées.

2. – S’agissant ensuite de l’accès à la justice, je voudrais évoquer la question de la réforme de la carte judiciaire, qui s’est traduite en Martinique par le rattachement, à compter du 1er janvier 2010, du tribunal d’instance du Lamentin ainsi que du greffe détaché de la ville de Trinité au tribunal d’instance de Fort-de-France.

Cette absorption a plutôt aggravé la situation.

En effet, cette juridiction présentait, avant la réforme de la carte judiciaire, un niveau d’activité important qui a eu pour effet sur les juridictions concernées, d’affaiblir le taux de couverture des affairesentrantes, et d’allonger d’autant des délais de traitement déjà élevés – près de douze mois, contre neuf au maximum en 2009.

Dans le même temps, la Martinique a été marquée, ces cinq dernières années, par une fonte de ses effectifs de magistrats et de greffiers, lesquels ont respectivement diminué de près de 40 et 30 %.

La situation reste à ce jour très préoccupante, comme en témoigne le courrier adressé, le 20 septembre 2012, à Mme Christiane TAUBIRA, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, par plusieurs organisations syndicales ; courrier dans lequel ces organisations « expriment leur ras- le-bol quant au sous-effectif qui affecte » le tribunal d’instance de Fort- de-France. Elles déplorent notamment les dysfonctionnements qui affectent cette juridiction, «le manque de moyens, humains principalement, dégradant considérablement les conditions de travail [des personnels de justice] et ne leur permettant pas de répondre à leurs missions de service public ».

Dans le cadre des ajustements à la carte judiciaire annoncés au début du mois d’octobre par la garde des Sceaux, l’urgence de la situation au tribunal d’instance de Fort-de-France devrait faire l’objet d’une attention particulière, pour garantir une implantation judiciaire appropriée, qui faciliterait l’accès au droit et qui aiderait les justiciables dans leurs démarches.

 – Si les ressorts des autres cours d’appel des départements d’outre-mer ont bénéficié, d’une augmentation de leurs effectifs de magistrats comme de greffiers ces dernières années, ils n’en sont pas moins confrontés, pour plusieurs d’entre eux, à un manque d’attractivité, qui laisse vacants nombre d’emplois de magistrats et de greffiers. C’est notamment le cas en Guyane, et à Mayotte.

Pour pallier cette carence, la Chancellerie a d’ores et déjà entrepris un important travail en vue de susciter et valoriser des candidatures de magistrats et de fonctionnaires.

C’est ainsi que tout magistrat souhaitant occuper un poste dans ces territoires bénéficie désormais d’un entretien individuel d’accompagnement, réalisé par un bureau spécialement créé à cet effet.

Par ailleurs, le ministère de la Justice a décidé de renouer avec la pratique consistant à nommer des auditeurs de justice, à leur sortie de l’école nationale de la magistrature.

Ces initiatives doivent être poursuivies et encouragées. J’évoque enfin le problème de l’accès à l’avocat, qui reste encore pénible, en raison de leur trop faible nombre ou de leur inégale répartition.

C’est notamment le cas à Mayotte, où les avocats, moins nombreux que les magistrats, n’hésitent pas parfois à refuser les missions d’aide juridictionnelle.

La situation est également complexe en Guyane, où l’accès au droit s’arrête de facto à Kourou.

Les avocats sont en effet très majoritairement présents à Cayenne réputée plus attractive, alors que Saint-Laurent-du-Maroni n’en compte qu’un seul. Les déplacements d’avocats entre ces deux villes restent de surcroît coûteux compte tenu de l’étendue du territoire guyanais.

S’il convient dès aujourd’hui d’engager avec la Chancellerie et les barreaux concernés une large réflexion sur les moyens d’inciter les avocats à s’installer dans les régions qui en sont les plus dépourvues, j’appelle également de mes vœux au renforcement des consultations juridiques gratuites, en partenariat avec le réseau associatif.

En conclusion,

Si, comme prévu, les crédits en faveur de l’accès au droit et à la justice progressent dans les Régions d'outre-mer entre 2013 et 2015, cette augmentation doit permettre aux justiciables de mieux connaître leurs droits et obligations et de les faire valoir ; et en retour, ils attendent que la justice soit rendue dans des délais raisonnables.

Alfred MARIE-JEANNE

Paris le mardi 06 novembre 2012