RÉGION MARTINIQUE - PLAN DE RELANCE D'URGENCE 2010-2013 : UN ÉCHEC !

lboutrin-33.jpg

Plan de Relance Régional :

Le bilan, c’est maintenant !

par Louis BOUTRIN

Le 22 juin 2010, cela fait pratiquement 3 ans, vous nous aviez présenté un plan de relance d’urgence (PRU) pour « Affronter avec audace et détermination la situation économique » du pays (...C’était le titre d’une grande plaquette du PRU distribuée dans les boîtes aux lettres). A l’issue d’une analyse où vous dénonciez « …La situation dégradée de la quasi-totalité des indicateurs économiques » vous aviez proposé de créer 5 000 emplois, en précisant qu’il faut créer 5 000 emplois « et pour cela, rien ne fonctionne aussi bien qu’une bonne relance de type keynésien ».

 

Du Keynésianisme vous semblez ne retenir que l’idée de l’interventionnisme alors même que cette doctrine a montré toutes ses limites. Certes, pour éviter les récessions et tenter de freiner les emballements de l’économie, cette doctrine prévoyait la possibilité de politiques économiques interventionnistes de l’Etat. Or, la Martinique n’est pas un Etat, …elle ne dispose même pas des leviers fiscaux des Régions autonomes… et qui plus est, dans une économie mondialisée, le constat de la régularité des déséquilibres des marchés et des crises financières montre bien l’incapacité des marchés à s’autoréguler quand ils sont mal encadrés. 

Aujourd’hui, vous nous présentez l’Acte II de votre plan de relance. La gravité de notre situation économique nous impose quelques vérités qui risquent de vous déranger.  

 D’emblée, dans votre « Rapport aux Conseillers régionaux » vous changez votre fusil d’épaule puisque l’objectif annoncé dans cet Acte II n’est plus de créer …5 000 emplois mais plutôt de « LIMITER les effets désastreux de la morosité affichée des indicateurs de tendances de notre pays ».

Ce premier constat ne vous exonère pas pour autant du nécessaire bilan dont l’objectivité découle des chiffres officiels, notamment ceux de l’INSEE, de l’IEDOM et du Tribunal de Commerce. 

Monsieur le Président, Chers Collègues

Le Plan de Relance d’Urgence 2010-2013 est UN ÉCHEC : 

 

ÉCHEC au regard à votre objectif de …5 000 emplois : De 42 000 demandeurs d’emploi en 2010, à votre arrivée aux affaires à la Région, l’INSEE affiche à son compteur 51 409 demandeurs d’emploi au 31 décembre 2012. 

 

ÉCHEC au regard de la réalité économique du pays : jamais, par le passé, il n’y a eu autant de dépôts de bilan d’entreprises prononcés par le Tribunal de Commerce de FDF. En effet, l’examen des « Statistiques procédures de Sauvegarde » du Tribunal de Commerce de FDF vient confirmer l’ampleur de la dégradation de l’économie martiniquaise. Que ce soit pour les liquidations immédiates que pour les conversions en liquidation, c’est en 2012 que l’on atteint depuis 5 ans le chiffre record de 459 entreprises liquidées. Du jamais vu… même au plus fort de la crise, après les évènements de 2009, on avait  atteint 395 liquidations. Et, ces chiffres sont les chiffres officiels du Tribunal de Commerce ! VOIR DOCUMENT

 

ÉCHEC par rapport aux attentes des professionnels, notamment ceux du BTP qui, dans une LETTRE OUVERTE publiée le 17 juillet 2012 dans le quotidien France-Antilles, ont lancé un véritable SOS pour vous rappeler à la réalité : baisse de 30 % de l’activité du BTP avec 2 000 licenciements enregistrés pour le seul secteur du BTP. Ces professionnels ont dénoncé les retards de paiements accumulés par les Collectivités publiques  qui sont, selon eux, responsables des nombreuses liquidations dans ce secteur.

ÉCHEC enfin, au regard de votre capacité à faire face à la crise qui s’installe durablement dans notre pays. De la 12° place au classement de Janvier 2010 des 26 Régions françaises, assorti d’un TRIPLE A à l’époque d’AMJ, la Région Martinique a dégringolé à la 24° place (VOIR DOCUMENT). 


Visiblement, cette analyse objective de votre bilan ne vous plait pas, mais elle vient d’être confirmée par les « Premières tendances du 1er trimestre 2013 » publiées, avant-hier, par l’IEDOM (c’est tout chaud…cela vient de sortir !) et révèle que l’ICA (Indicateur du Climat des Affaires) reste dégradé pour le 1er trimestre 2013 et qu’il « s’inscrit dans la continuité de l’exercice 2012 ». (VOIR DOCUMENT)


Monsieur le Président, Chers collègues,

Le Bilan du Plan de Relance, c’est maintenant ! Et, les chiffres et les indicateurs économiques parlent d’eux-mêmes. Il y a là de quoi battre en brèche tous les plans de communication et toute l’agitation médiatique entretenus autour de ce plan de relance. Nous serions presque tentés de déclarer, à l’instar d’Emile ZOLA, que « La vérité est en marche et rien ne l’arrêtera ! ». Mais, nous nous contentons de rappeler que notre rôle d’opposition dans cette assemblée c’est aussi d’éclairer les Martiniquais sur cette fuite en avant qui s’apparente davantage à une « mystification » qu’à un véritable plan de relance de l’économie martiniquaise.


Après cet échec, vous nous présentez aujourd’hui un NOUVEAU PLAN DE RELANCE qui s’étend jusqu’en 2020. L’annonce phare de ce Plan de Relance Acte 2nd, est le lancement de 17 zones d’activités économiques sur l’ensemble du territoire. 


Première remarque, en termes de cohérence territoriale, on constate que vous accentuez le déséquilibre du pays puisque, sur les 17 zones d’activités économiques, seulement 2 pour le Nord Caraïbe (à Case Pilote et à Bellefontaine) et 2 pour le Nord Atlantique (au Lorrain et à Sainte-Marie). Plus de la moitié de ces zones (9) est prévue en territoire CACEM dont… 5 pour la seule Ville de Fort de France ! Nous sommes donc bien loin des discours sur la fracture territoriale ou des préconisations du Schéma d’Aménagement Régional (SAR) qui prévoit un découpage de la Martinique en 6 zones géographiques pour mieux rééquilibrer le territoire.


Seconde remarque, vous affichez 380 M€ d’investissement avec une participation de 50 M€ pour la Région et ses partenaires. Là encore, c’est toujours l’opacité. Quels sont ces partenaires ? A quel niveau de financement se sont-ils engagés ? Il faut donc vous croire sur parole. 

Quant au montant global affiché pour ce plan de relance, il est de 399 M€ sur 8 ans dont 200 M€ de participation régionale toujours sur 8 ans. En fait, et vous le reconnaissez, votre plan de relance se résume à 25 M€ en moyenne par an porté par le Conseil Régional jusqu’en 2020, soit à peu près la somme allouée par votre prédécesseur à travers l’aide régionale aux Communes (ACRC).

On peut dès lors s’étonner de l’absence chronique de transparence et surtout de lisibilité de votre stratégie de relance de l’économie du pays. 

 

1.   Sur l’absence chronique de transparence :

Malgré votre promesse faite lors de la plénière du 22 juin 2010, de nous présenter l’ensemble des opérations bouclées ainsi que leur plan de financement, vous n’avez pas donné suite à nos nombreuses sollicitations pour plus de transparence quant au détail des opérations, à leur coût global et aux délais d’exécution de ces chantiers. En dépit de nos nombreuses demandes, nous attendons toujours, le montant de la participation financière de ce que vous nommez « les autres partenaires », notamment celle de l’Etat et de l’Union européenne.

En guise de transparence, nous avons découvert une des facettes cachées de votre nouvelle gouvernance puisqu’en dépit de ma demande écrite, vous n’avez toujours pas mis à ma disposition les dossiers retenus dans votre plan de relance pour les communes de Case-Pilote et du Carbet. 

Il s’avère que certaines opérations présentent un plan de financement avec une participation régionale de 95% alors même que ces opérations ont fait l’objet d’une délibération datée de 2010. Or, Monsieur le président, vous êtes parlementaire et les lois que vous votez à l’Assemblée nationale ne sont pas rétroactives. La loi exonérant le maître d’ouvrage de toute participation financière à son propre projet en deçà de 20% date du 1er Janvier 2012. De ce fait, la participation régionale à plus de 80 % pour des projets communaux antérieurs à cette date tombe sous le coup de l’illégalité !

De même, les nombreux panneaux qui jalonnent les traversées de bourg montrent quelques incohérences (au Carbet, après 5 ans de profond sommeil du maire en place, à l’approche des prochaines municipales,  il y a un panneau du Plan de Relance tous les 200 mètres sur la RN2 !). Pour une même opération, (le Centre sportif d’accueil et d’hébergement), il y a deux panneaux avec deux plans de financement différents : l’un avec un total de la participation régionale à 70 % et l’autre à 30 % (VOIR PHOTOS !). En matière de financement public, on ne peut pas se satisfaire de telles distorsions !

 

2. Sur l’absence de lisibilité de votre stratégie de relance de l’économie 

La notion de « Plan de Relance d’Urgence » suppose des délais très courts pour sortir l’économie de l’atonie (pour ne pas dire de l’agonie !) dans laquelle elle se trouve. 

Visiblement, il n’y a pas eu de véritable soutien à l’assistance technique et au montage de projets. La Région s’est littéralement substituée à certaines communes pour financer des projets sans que ces derniers s’inscrivent dans une cohérence territoriale ou dans une dynamique de l’emploi. 

Et, l’exemple du cri et du SOS lancés par le BTP en juillet 2012 illustre parfaitement cette absence de stratégie et de lisibilité. 

Quels sont les nouveaux projets structurants régionaux qui, eux, auraient eu un effet levier sur l’économie ? Où sont-ils ? Quelle est la valeur ajoutée aux entreprises de vos projets pour sortir immédiatement de la situation de marasme  économique ? 

C’était pourtant l’objectif du Volet II du 1er plan de relance d’urgence (2010-2013) intitulé « soutien conjoncturel ». 

Dans votre fuite en avant, vous préparez déjà les échéances de la future Collectivité unique de Martinique puisque le plan de relance que vous nous présentez aujourd’hui ne répond ni à l’urgence, ni aux impératifs de la crise actuelle. Il s’étale jusqu’à l’horizon 2020 alors qu’il est prévu une modification de nos institutions pour 2015 !

Vous n’avez pas voulu vous appuyer sur le SMDE (Schéma Martiniquais de Développement Economique) qui pourrait pourtant servir de cadre juridique et prospectif puisqu’il était volontairement calé sur le Programme Opérationnel et le Contrat de Plan Etat Région pour le période 2007 – 2013. Depuis de longs mois, vous tricotez avec des « experts » un PADM (Plan d’Action pour le Développement de la Martinique) sans que l’on sache où vous voulez emmener exactement le pays Martinique. 


Ne voilà-t-il pas que l’Acte III de la décentralisation risque d’introduire à nouveau un Schéma Régional de Développement Economique ! Quelle perte de temps, d’énergie et … d’argent ! 


Chers Collègues, Mesdames et Messieurs,

Notre rôle d’opposition c’est AUSSI de mettre en garde contre cette mystification et si vous avez l’intention de diffuser, à nouveau, à grande échelle, votre catalogue, soit sous forme d’une pleine page dans le quotidien France-Antilles (Voir F.A. du….15 mai 2013), soit sous forme de plaquettes dans les boîtes aux lettres des administrés ou sur le site web du Conseil régional, nous préférons jouer carte sur table et vous dire publiquement, …à l’instar du poète, que nous ne resterons pas spectateurs du carnaval des autres, ni du vôtre, ni de celui de vos municipalités alliées. 

L’utilisation par la majorité actuelle, à des fins de propagande électorale de ce document, qui d’ailleurs ressemble plus à une présentation pour Débat d’Orientation Budgétaire qu’à un PRU, est complètement illégale. En effet, en matière de communication de bilan, la loi vous interdit de faire supporter par le Conseil régional les frais d’impression et de diffusion de ce document… à moins que vous ne fassiez figurer cette dépense dans votre compte de campagne pour les prochaines municipales de FDF (… ET c’est aussi valable pour les autres Municipalités PPM) ! Pour ces mêmes motifs, dans sa décision du 12 avril 2013, le Conseil constitutionnel vient de déclarer inéligible pour 1 an M. Eric-Alain FRUTEAU candidat aux dernières législatives à La Réunion ! 


Alors, et puisque notre critique demeure toujours constructive, permettez-nous en guise de conclusion de vous proposer deux choses : 

1°) Renégocier avec l’Etat les dispositifs d’aide aux entreprises en difficulté. Il est impératif de mettre en place des dispositifs techniques, juridiques, transitoires et exceptionnels permettant aux entreprises martiniquaises de passer la période conjoncturelle liée à la crise que nous traversons  actuellement.

2°) Mettre en place un dispositif-cadre avec les Banques de la place sur des modalités précises concernant les professionnels du tourisme, du BTP, de l’énergie et de l’agriculture.


Je vous remercie de votre écoute.


 Pour le groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants 

Louis BOUTRIN 

Conseiller régional

 

VOIR VERSION PDF :