Mobilisation contre l'alimentation forcée des détenus de Guantanamo.
Des médecins et juristes américains ont appelé mercredi 12 juin les militaires à cesser d'alimenter de force les prisonniers grévistes de la faim à Guantanamo. Cette pratique, qui constitue "une forme de mauvais traitement", est"une violation de l'éthique médicale qui devraient être dénoncées par la profession", écrivent les experts de bio-éthique de l'Université de Boston dans une tribune publiée par la prestigieuse revue New England Journal of Medicine.
Sur les 166 prisonniers restant à Guantanamo, 104 sont en grève de la faim, et 43 parmi eux alimentés de force par des tubes naso-gastriques, selon le porte-parole de la prison. "Il n'est pas éthique pour des médecins de forcer des adultes consentants, en possession de toutes leurs facultés mentales, à s'alimenter, mais ils doivent continuer à dispenser les soins médicaux nécessaires", explique le juriste George Annas, un des co-signataires de la lettre ouverte.
Les experts exhortent le gouvernement américain à adopter des politiques et des procédures concernant les détenus faisant la grève de la faim qui soient conformes aux règles établies de la profession médicale et aux critères de soins. Le Pentagone a dépêché environ 40 personnels médicaux supplémentaires à la prison de Guantanamo pour aider à nourrir de force les prisonniers, rappellent-ils en le déplorant.
"NOTRE SENS DE LA JUSTICE EST PLUS FORT QUE CELA"
Le président Barack Obama avait pourtant lui-même critiqué cette pratique, le 23 mai, en réitérant sa volonté de fermer Guantanamo. "Nous alimentons de force des prisonniers faisant la grève de la faim (...) est-ce que cela nous ressemble, est-ce l'Amérique que nous voulons laisser à nos enfants ?" avait-il déclaré, "notre sens de la justice est plus fort que cela".
"Les médecins à Guantanamo ne peuvent pas permettre aux militaires de les utiliser à des fins politiques et prétendre en même temps se conformer à leurs obligations éthiques", jugent les trois auteurs de la lettre. "Alimenter de force une personne adulte qui refuse de se nourrir en sachant ce qu'elle fait (...) revient à lui infliger des coups et blessures", insistent encore ces experts.
Dans une autre lettre publiée mercredi dans le New England Journal Of Medicine, le spécialiste d'éthique, Michael Gross, professeur de science politique à l'Université de Haifa en Israël, est plus nuancé. Il explique que "la grève de la faim est un acte de contestation politique non-violent qui n'est pas l'expression du désir de mourir" et que "l'alimentation forcée devrait être rare, seulement après l'échec de sérieuses négociations" et ce pour éviter que les grévistes ne meurent.
Par ailleurs, l'ONG américaine Human Rights First, a pressé mercredi l'administration Obama dans une lettre au secrétaire général de la Maison Blanche Dennis McDonough, de mettre en œuvre des mesures spécifiques pour fermer Guantanamo. M. McDonough s'est récemment rendu dans cette base militaire avec les sénateurs républicain John McCain et démocrate Dianne Feinstein.