AN : ALFRED MARIE-JEANNE INTERVIENT DANS LE DÉBAT DE LA POLITIQUE MARITIME DE LA FRANCE

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AMJ : "Pour que la Martinique ne soit pas orpheline de sa mer"

 

L’intervention du député Alfred MARIE-JEANNE lors du débat relatif à la politique maritime de la France. Ce débat a été organisé  à l’initiative des 4 députés « ultramarins » du groupe GDR  (Huguette BELLO, députée de la Réunion, Alfred MARIE-JEANNE, Bruno Nestor AZEROT, Jean-Philippe NILOR ) 

 

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www.youtube.comIntervention du Députe Alfred MARIE-JEANNE dans le cadre du débat sur la politique maritime, au Parlement, le 12 juin 2013

 

Madame la Présidente, 
Monsieur le Ministre,  Collègues de l’Assemblée,

Des études prospectives ont été diligentées visant toutes à mettre en valeur les réelles potentialités de développement, qu’offre l’étendue du domaine maritime exceptionnel où s’exerce sans partage la souveraineté de la France.

 


Le sujet pour captivant qu’il soit ne peut être qu’effleuré tant il est vaste.

Les dimensions traitées sont fortement imbriquées. Elles vont de la sécurité militaire à l’économie en passant par la géostratégie.

Dans « son défi maritime », document d’une quarantaine de pages, le président de la république, avec votre étroite collaboration, a réitéré la volonté de la France de faire de la mer un enjeu majeur de la croissance économique.

Et comme par enchantement on semble découvrir et l’importance cruciale de la mer, et l’importance cruciale des Pays dits d’Outre-Mer.


Depuis les temps les plus reculés, la mer a été un moyen de communication et d’échanges, mais aussi de rivalités, de conquêtes, de domination, de pillages et d’exactions en tout genre.

C’est le rapport du sénat en date du 17 juillet 2012 qui précise que : « l’importance économique, diplomatique, écologique croissante des espaces maritimes dans la mondialisation, fait plus que jamais de la mer un enjeu politique grâce auquel un Etat peut rayonner et affirmer sa puissance sur la scène internationale. »

La donne n’a pas fondamentalement changé. Elle s’adapte, elle se réoriente au gré des intérêts du moment.

Serons-nous encore pénalisés alors que nous détenons l’essentiel de cet espace maritime ?

Vous en conviendrez, ce n’est plus concevable aujourd’hui.

S’il est vrai que la France possède le domaine maritime le plus varié au monde et le deuxième en superficie, soit 11 millions de km², juste derrière les Etats-Unis d’Amérique ; il faut savoir que 97% de cette superficie est composé des Zones Economiques Exclusives (ZEE) de  nos territoires.

Ces derniers détiennent également 84% de la biodiversité française.

De plus la France a opportunément demandé l’extension  des plateaux continentaux de la Guyane, de la Nouvelle Calédonie, de la Réunion et de la Zone Caraïbe relevant de sa compétence.

Si cette demande était acceptée, sa superficie maritime augmenterait de plus d’un million de Km² ce qui en ferait le premier domaine sous-marin du monde. Soit 22 fois la superficie terrestre de la France.

La Martinique ne peut demeurer plus longtemps à l’écart de ces changements. D’où la nécessité d’avoir son mot à dire par le truchement d’un pouvoir réel de décision.

Permettez que je cite à nouveau le document intitulé «  la France face à la nouvelle géopolitique des océans » :

« La volonté d’accaparement des ressources du sous- sol marin conduit certains Etats à contester le principe posé par la convention de Montégo Bay selon lequel les ressources situées au-delà des juridictions nationales appartiennent au patrimoine commun de l’humanité et sont à ce titre exploitées de manière collective »

L’acte final de la convention de Montégo Bay a été signé par 142 Pays et lie aujourd’hui 162 Etats.

Que dit cette convention :« Animés du désir de régler, dans un esprit de compréhension et de coopération mutuelles tous les problèmes concernant le droit de la mer et conscients de la portée historique de la Convention qui constitue une contribution au maintien de la paix, à la justice et au progrès pour tous les peuples du monde. »

C’est au nom de ces principes que nous ne voulons plus rester en dehors des décisions prises car elles nous concernent tout autant au premier chef.

Pour mémoire, je rappellerai qu’en 2004 des négociations ont été amorcées avec les autorités de la Barbade pour le transfert d’une partie des espaces maritimes se situant au Sud-Est de la Martinique sans prendre la moindre attache d’une quelconque de ses Collectivités. 

De même, l’attribution au Vénézuela de l’île d’Aves, réduisant de façon conséquente l’espace maritime de la Guadeloupe et de la Martinique, s’est faite sans notre accord perdant ainsi 18.000 km². 

Ces pratiques d’antan ne sont plus concevables aujourd’hui.

Monsieur le Ministre, une île ayant comme frontière naturelle la mer, son peuple et encore plus le politique que je suis, ne sauraient rester indifférents à ce qui s’y passe.

-Un plateau continental surexploité

-Une chute brutale du nombre de marins-pêcheurs passant de près de 2000 à 700.

-Une production très loin de l’auto-suffisance. 4600 tonnes de poissons pêchées pour 12000 tonnes consommées, alors que la ressource pélagique est abondante mais non exploitée.

Pour remédier à une telle situation, voici en quelques mots une liste non exhaustive de mesures qui ont été prises :

-Redéploiement vers le pélagique en ceinturant la ZEE de la Martinique de 30 DCP (dispositif de concentration de poissons). L’Etat tardant à délivrer les AOT (Autorisation d’occupation temporaire) le Conseil Régional après huit mois d’attente infructueuse décida de la pose. Ce faisant, j’ai commis un délit d’initiative  parmi tant d’autres, ce qui n’est pas comparable avec un délit d’initié. La production est ainsi passée de 4600 tonnes à 10460 tonnes en 2009.

-Création de 9 zones de cantonnement en y incluant 4 récifs artificiels pour remplacer les coraux détruits. 

-Création de réserves marines régionales.

-Rénovation de l’Ecole de Formation Maritime et Aquacole.

Pour mémoire la contribution de 381.000 € de l’Etat est restée inchangée de 1992 à 2009, celle de la Région initialement égale, atteignait  1,2 M€ hors subvention d’investissement.

-Attribution de 147 primes de première installation à des jeunes entrant dans la profession de 2004 à 2009.

-Quant aux énergies renouvelables, les Régions Ultrapériphériques (R.U.P) m’avaient confié la mission de déterminer les potentialités propres à chacune d’elles. Ce qui a été fait après appels d’offres. 

Pour la Martinique, la possibilité a été retenue de mettre en expérimentation l’énergie thermique de la mer à Bellefontaine.

Monsieur le Ministre, la Région Martinique a été devancière en maints domaines comme vous pouvez le constater.

En conclusion, les enjeux maritimes deviennent de plus en plus prégnants.

Des programmes d’exploration tous azimuts sont mis en œuvre pour détecter le pétrole, le gaz, les métaux rares. 

C’est la ruée vers l’or ! … vers la mer ! sous le vocable de Maritimisation.

Pour moi, ce concept doit aller de pair avec optimisation. Ce qui implique une redistribution des responsabilités et des richesses en vue du développement endogène et de la coopération renforcée avec les pays de la Grande Caraïbe.

Monsieur le Ministre, si  comme vous le pensez, le 21 ème siècle est maritime, sachez qu’il est aussi le nôtre.

Je ne veux pas que la Martinique soit orpheline de sa Mer.


                                                                Alfred MARIE-JEANNE

                                                                Paris le jeudi 12 juin 2012