GRÂCE AUX OUTRE-MERS, LA FRANCE ÉTEND SA SUPERFICIE MARITIME

Les fonds marins, une opportunité pour lutter contre la crise ?

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C'est une question complètement inconnue du grand public et pourtant éminemment stratégique : l'extension du plateau continental français, qui doit permettre à la France d'accroître, dans les décennies à venir, ses ressources pétrolières, minières et minérales issues du sol sous-marin. Mercredi 9 octobre, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté un avis afin de tenter de clore ce long et complexe dossier.

"Cette possibilité d'extension du plateau est une chance et un atout à ne pas négliger, assure Gérard Grignon, rapporteur du projet d'avis et président de la délégation à l'outre-mer du CESE. Dans un contexte de crise économique, quel pays côtier ne saisirait pas l'opportunité d'accéder à des droits sur des ressources naturelles vitales pour ses industries ?"

2 MILLIONS DE KM² SUPPLÉMENTAIRES

En vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, aussi appelée Convention de Montego Bay, signée en 1982, les Etats côtiers peuvent revendiquer des droits souverains sur les ressources naturelles du sol et du sous-sol de la haute mer.

Pour cela, il leur faut démontrer qu'il existe un prolongement naturel de leur territoire terrestre sous la mer au-delà des 200 milles nautiques (370 kilomètres) de leur Zone économique exclusive (ZEE), où leurs droits sont automatiquement reconnus. Cette extension ne peut toutefois pas dépasser la limite des 350 milles (648 kilomètres) et ne concerne pas les ressources halieutiques.

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La France, qui occupe déjà, derrière les Etats-Unis, le deuxième espace maritime au monde, avec 11 millions de km² répartis sur tous les océans grâce à ses territoires d'outre-mer, pourrait étendre ses droits souverains sur 2 millions de km² supplémentaires, selon des calculs des experts de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) et du service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM).

En jeu : l'exploration et l'exploitation d'hydrocarbures (en Guyane, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou en Nouvelle-Calédonie), de terres rares – métaux au cœur des nouvelles technologies (en Polynésie française) – ou encore de concrétions rocheuses qui renferment de nombreux métaux : fer, manganèse, cobalt (Wallis-et-Futuna). La teneur exacte en ressources de ces zones doit encore être déterminée par des études scientifiques plus approfondies.

CINQ DOSSIERS ACCEPTÉS SUR QUATORZE

Pour bénéficier de ces richesses potentielles, la France a déposé en 2009 des demandes d'extension concernant quatorze zones géographiques auprès de la commission des limites du plateau continental de l'ONU. Des dossiers élaborés territoire par territoire par un programme national spécial, nommé Extension raisonnée du plateau continental (Extraplac) et doté d'une enveloppe annuelle de 2,3 millions d'euros.

Cinq dossiers ont pour l'instant été acceptés, qui représentent une zone de 600 000 km2 : ceux du golfe de Gascogne, de la Guyane, des Antilles, des îles Kerguelen et de la Nouvelle-Calédonie (secteur sud-est). Quatre autres demandes sont en attente d'instance (La Réunion, Saint-Paul-et-Amsterdam, Wallis-et-Futuna et les îles Crozet).

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Pour le reste, Paris a "pris du retard, en raison de moyens budgétaires et diplomatiques insuffisants", regrette Gérard Grignon, qui considère le bilan du programme Extraplac "mitigé et assez éloigné des objectifs ambitieux définis à son lancement".

En cause : des frictions diplomatiques avec des Etats voisins qui revendiquent les mêmes portions du plateau continental. Le cas le plus emblématique est celui de Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité française d'outre-mer située dans l'Atlantique nord, pour laquelle le Canada conteste la souveraineté étendue de la France. Aucun accord n'a pu être trouvé entre les deux pays, et la commission onusienne refuse d'examiner les demandes conflictuelles. L'extension du plateau continental dans le secteur sud-est de la Nouvelle-Calédonie fait par ailleurs l'objet d'une contestation du Vanuatu voisin, tandis que le dossier de Clipperton est au point mort sans raison apparente. L'extension du plateau continental implique également de dégagerd'importants moyens financiers pour assurer la protection et le contrôle des zones nouvellement acquises.

RÉGLER LES CONFLITS DIPLOMATIQUES

Afin d'avancer dans le règlement de ces conflits, l'avis du CESE recommande à la France de déposer le dossier concernant Saint-Pierre-et-Miquelon avant la fin de l'année 2013, celui relatif à la Polynésie française au début de l'année 2014, ainsi que, sans date précise, celui sur Clipperton. 

Le CESE appelle par ailleurs la France à publier les nouvelles limites de son domaine maritime, ce qui implique de signer des traités avec les pays voisins. Il s'agit de l'Espagne et de l'Irlande pour le Golfe de Gascogne, du Brésil et du Suriname pour la Guyane, de la Barbade pour les Antilles, et de l'Australie pour la Nouvelle-Calédonie et les Kerguelen. "Le ministère desaffaires étrangères doit faire signer ces accords, appelle le rapporteur. Il s'agit maintenant d'une question de volontépolitique." 

SOURCE : leMonde