MÉDIATOR ET CHLORDÉCONE DEVANT LES TRIBUNAUX DE PARIS : DEUX POIDS - DEUX MESURES !

nallet.jpg

Médiator :
l’ex-Ministre Henry Nallet mis en cause




 Accusé de
trafic d'influence, l'ancien garde des Sceaux de François Mitterrand a été
entendu comme témoin assisté dans le scandale du Médiator. Pourtant, il n’a
toujours pas fait l’objet d’une quelconque mise en cause dans l’instruction du
dossier du Chlordécone alors même qu’une plainte a été déposé contre lui a cet
effet. LB

 

 

C'est la deuxième personnalité politique à avoir des soucis avec la justice dans l'affaire Mediator. En avril dernier,Marie-Thérèse Hermange, l'ex-sénatrice UMP avait été mise en examen pour trafic d'influence. C'est elle qui avait fait relire le rapport du Sénat à un «ami» du laboratoire. À présent, c'est au tour d'Henri Nallet, 74 ans, ministre de la Justice de François Mitterrand de 1990 à 1992 d'être inquiété.

Le 4 décembre dernier, l'ex-garde des Sceaux a comparu à 10 h 30 devant les juges d'instruction parisiens en charge de l'affaire Mediator sur des faits de trafic d'influence. Il en est ressorti avec le statut de témoin assisté. Son avocat est Yves Baudelot, par ailleurs l'un des avocats du groupe pharmaceutique Servier. À ce stade, les juges estiment qu'Henri Nallet est trop proche du dossier pour être simple témoin, mais qu'il n'y a, pour l'instant, pas d'éléments «graves et concordants» pour le mettre en examen. Le Figaro a eu connaissance de son PV d'audition.

Comme pour Marie-Thérèse Hermange, ce sont des écoutes téléphoniques des enquêteurs qui ont mis les magistrats sur la piste. Le 8 juin 2011, Henri Nallet appelle le numéro deux de Servier, Christian Bazantay, pour lui demander comment se passent les perquisitions qui ont lieu ce jour-là au siège de l'entreprise. Or, à cette époque, le bras droit de Jacques Servier est sur écoutes. De juin 1997 à décembre 2008, l'ex-garde des Sceaux a été salarié du groupe Servier en qualité successivement de directeur chargé du développement international, de directeur général des affaires extérieures et communication, de directeur des affaires européennes et de conseiller du président. Sur cette période, les magistrats découvrent qu'il a reçu une rémunération totale de 2,7 millions d'euros, soit 20.000 euros par mois. De 2009 à avril 2013, il a été consultant du groupe Servier pour une rémunération totale de 812.000 euros, soit 15.600 euros par mois. Au moment de son audition, Henri Nallet était toujours rémunéré par Servier: 110.000 euros hors taxes par an pour 6 jours de travail par mois. Question des juges: «Vous avez été notamment conseiller au secrétariat général de la présidence de la République pour les affaires agricoles en 1981, ministre de l'Agriculture et de la Forêt de 1988 à 1990 puis ministre de la Justice jusqu'en 1992.

 

Mon travail chez Servier, c'était d'avoir des contacts réguliers avec le président, M. Servier, que je rencontrais très fréquemment et avec ­lequel j'échangeais sur les questions ­communautaires et internationales

Henri Nallet

Sur quels critères et pour quelles compétences avez-vous été recruté par le groupe Servier?» Réponse d'Henri Nallet: «En 1993, j'avais été battu aux élections législatives dans l'Yonne qui est proche de la Nièvre. J'avais été très touché par le décès de Pierre Bérégovoy et j'avais participé à la campagne malheureuse de Lionel Jospinen 1995. J'ai souhaité m'éloigner un peu de la politique et j'avais envie d'aller travailler dans le privé. Je m'en étais ouvert à Alain Prestat (ex-directeur adjoint au cabinet de Michel Rocard, alors premier ministre NDLR) et à Jean-Paul Huchon, ils dirigeaient un cabinet de chasseurs de têtes. J'ai insisté sur les compétences que j'avais acquises sur les questions communautaires (…).»

Jusqu'à 14 heures ce 4 décembre, l'ex -garde des Sceaux va expliquer aux juges en quoi a consisté son travail pour le laboratoire du Mediator. «Mon travail chez Servier, c'était d'avoir des contacts réguliers avec le président, M. Servier, que je rencontrais très fréquemment et avec ­lequel j'échangeais sur les questions ­communautaires et internationales. À l'époque, plusieurs sujets européens concernaient directement l'industrie pharmaceutique.» Henri Nallet explique s'être «beaucoup occupé» de la création de l'usine de Tianjin en Chine, car il connaissait très bien l'ambassadeur de France à Pékin «qui a beaucoup aidé». Question des juges: «Quelle était votre activité entre 1993 et 1997?» Réponse: «J'étais conseiller d'État. J'ai signé le 4 avril 1997 un contrat avec Servier SAS (…). J'ai demandé à la commission de déontologie du Conseil d'État si j'avais le droit de me mettre en disponibilité pour occuper ce poste chez Servier, la commission n'y a vu aucun obstacle, elle me l'a signifié par écrit le 14 mai 1997.» Interrogé sur les autres personnalités politiques qui ont travaillé pour le laboratoire, Henri Nallet évoque Michel Hannoun, ex-député RPR de l'Isère, et Jean-Bernard Raimond, ministre des Affaires étrangères de 1986 à 1988. Ce dernier «avait été un ambassadeur très important en Russie et il avait une grande autorité auprès de dirigeants russes. Il a donc aidé le groupe pour son implantation dans un pays compliqué, et c'est une très belle réussite économique, puisque le groupe Servier est l'un des premiers groupes étrangers pharmaceutiques en Russie».

Ce même 4 décembre dernier, Jean-Bernard Raimond, 87 ans, était également placé sous le statut de témoin assisté pour des faits de trafic d'influence.

Trois juges d'instruction travaillent à Paris sur deux informations judiciaires principales, ouvertes depuis février 2011 dans le dossier du Mediator: l'une pour «homicides et blessures involontaires», l'autre pour tromperie et escroquerie.

 

Quand l'ancien garde des Sceaux s'en prenait au juge Jean-Pierre

Henri Nallet? Les juges s'en souviennent. En 1989 éclate l'affaire Urba sur l'argent sale du PS. Un an plus tard, François Mitterrand promeut cet ancien mandataire financier de la campagne présidentielle de 1988, garde des Sceaux. L'inspecteur Gaudino, qui a révélé le scandale (voir son livre L'Enquête impossible, ainsi que ceux de Jean Montaldo), est révoqué par Pierre Joxe, ex-trésorier du PS quand fut créée la pompe à finances Urba  confiée à Gérard Monatte.

Quand le juge d'instruction Thierry Jean-Pierre mène sa perquisition rue de Solferino en avril 1991, Henri Nallet dénonce «une équipée sauvage», et son ministre délégué Georges Kiejman un «cambriolage judiciaire». Thierry Jean-Pierre est dessaisi. Mais la cour d'appel d'Angers valide son dossier. En décembre 1991, l'instruction échoit au juge Renaud Van Ruymbeke.

SOURCE : AFP