LANGUE CRÉOLE : INTERVENTION DU DÉPUTÉ ALFRED MARIE-JEANNE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

amj.an.jpgDu droit imprescriptible à la pratique des langues régionales.

 

M. Alfred Marie-Jeanne attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2011, rendue en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité sur les langues régionales.

Le Conseil constitutionnel a donné à l'article 75-1 de la Constitution une interprétation particulièrement restrictive, au point de ne reconnaître ni droit, ni liberté garanti par la Constitution. Il est vrai que, par décision du 15 juin 1999, prise sur le fondement de l'article 54 de la Constitution relativement à l'examen la constitutionnalité de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, il avait épinglé certaines dispositions de cette charte, notamment lorsqu'elle se réfère à un « droit imprescriptible » de « pratiquer une langue régionale ou minoritaire ». 

Cependant, tout en reconnaissant que l'article 2 de la Constitution énonce que « la langue de la République est le français », le Conseil constitutionnel avait estimé que l'application de cette disposition « ne doit pas méconnaître l'importance que revêt, en matière d'enseignement, de recherche et de communication audiovisuelle, la liberté d'expression et de communication ». 


En somme, si le droit n'était pas reconnu, la liberté de pratique ou d'usage était cependant admise en vertu de la décision du 15 juin 1999.

Ainsi, en comparant les deux décisions du Conseil constitutionnel, on constate en réalité que la porte entr'ouverte au titre des libertés semble s'être refermée. Pourtant, en Europe même, il existe des États ayant reconnu un véritable statut juridique aux langues régionales.

 

Dans les cas les plus aboutis, il y a l'exemple de l'Espagne, admettant une co-officialité entre la langue nationale et la langue régionale ce qu'autorise aussi la charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Ce parallèle suffit à montrer à lui seul le retard pris en la matière du fait de l'absence de reconnaissance d'un droit ou d'une liberté invocable. Cette herméneutique réductrice de l'article 75-1 de la Constitution, lui confère de jure une portée symbolique. Il lui demande s'il est possible d'accorder aux langues régionales un statut plus abouti juridiquement.

 

RÉPONSE DU MINISTRE


Le Gouvernement considère le développement des langues régionales dans une perspective concrète, mais aussi volontariste. Il convient d'abord de rappeler que, si la loi ne prescrit pas l'usage de ces langues, elle ne le proscrit pas non plus. L'article 21 de la loi du 4 août 1994 établit ainsi que les mesures garantissant l'emploi de la langue française s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage. Le cadre juridique français ouvre donc de larges espaces de développement à ces langues, et leur permet d'être utilisées dans de nombreuses circonstances de la vie quotidienne. Néanmoins, le Gouvernement n'entend pas limiter son action à ce constat. Comme le Premier ministre l'a annoncé, la France mettra en oeuvre le processus de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, conformément à l'engagement du Président de la République. La question du statut juridique sera donc abordée dans le cadre d'une réflexion sur les conditions à réunir et sur les moyens à mettre en oeuvre pour procéder à cette ratification. Ce travail sera entrepris de manière transversale et coopérative, en liaison étroite avec les parlementaires et l'ensemble des élus.