« Quand tu bois l’eau du puits, n’oublie pas celui qui l’a creusé »
Conseil régional – Rapport Chambre Régionale des Comptes 2006 à 2013
Intervention de Louis BOUTRIN
Monsieur le Président,
Merci M. le Pt de venir au secours du soldat Karine Roy-Camille !
Je comprends son plaidoyer pour le tourisme car nous aurions tous souhaité que les chiffres du Tourisme soient meilleurs. Son intervention pourrait être partagée par tous.
Cependant, nous ne sommes ni dans un débat sur les orientations budgétaires ni dans les commentaires du dernier catalogue d’agence de voyage vantant la destination Martinique.
Nous sommes convoqués aujourd’hui pour débattre du dernier Rapport de la Chambre Régionale des Comptes pour la gestion 2006 à 2013 de la Région Martinique.
Il convient dès lors de sortir du discours incantatoire sur le tourisme et d’analyser objectivement le contenu de ce rapport de la Chambre Régionale des Comptes.
Force est de constater, en dépit des déclarations optimistes de la collègue, que le rapport de la Chambre Régionale des Comptes (CRC) est sans concession pour la politique touristique de la Région.
Que dit ce rapport sur le tourisme ?
En page 65, « les résultats globaux du tourisme sont modestes », en page 66 « L’hôtellerie est en net déclin » et la courbe du nombre total de touristes que vous avez à cette page confirme cette dégradation révélée par la CRC. De même, la CRC note que « La croisière est à un niveau très bas » (chiffres CMT) et ce en dépit des efforts réels dans ce secteur.
Revenons maintenant à l’analyse globale de ce Rapport de la CRC !
En cette période de crise économique durable et de difficultés financières de la quasi-totalité des Collectivités territoriales de Martinique, on aurait pu s’attendre à une lecture plus politique de ce rapport de la Chambre Régionale des Comptes qui, faut-il le rappeler, est une juridiction administrative qui examine la gestion des Collectivités publiques. La CRC s’assure également du contrôle juridictionnel (contrôle de la régularité des comptes) et du contrôle budgétaire. Ces examens et contrôles sont importants pour nous autres élus car ils portent non seulement sur la régularité mais également sur la qualité de la gestion du Conseil régional.
On aurait pu s’attendre également à plus de modestie venant de ceux-là mêmes qui, par ailleurs, se sont révélés de piètes gestionnaires.
En vous écoutant, il y a un proverbe chinois qui me revient et qui exprime bien ce que j’éprouve : « Quand tu bois l’eau du puits, n’oublie pas celui qui l’a creusé ».
MERCI à Alfred MARIE-JEANNE d’avoir creusé le puits,
MERCI à Alfred MARIE-JEANNE d’avoir œuvré pour le pays et laissé suffisamment d’eau pour alimenter le financement de nombreux projets communaux à 80 % voire 95 % !
OUI, cette mandature actuelle a bénéficié de potentialités financières laissées par AMJ ce qui lui ouvre le champ de tous les possibles.
Et, je pense qu’il faut s’en réjouir plutôt que de donner à la population qui nous écoute ce spectacle pitoyable du lynchage en direct d’un homme dont le seul crime a été de préparer la transition institutionnelle.
Certains ici semblent également oublier un passé pas si lointain.
Vous semblez oublier d’où nous venons, après une gestion catastrophique de la Région Martinique dirigée par Camille Darsières entouré par une majorité PPM, conseillé par des prix nobels d’économie PPM.
Vous semblez oublier ce fameux rapport de la Chambre régionale des Comptes, qui révéla un véritable déficit abyssal de 1,200 millions de Francs ainsi qu’une véritable dette de 1,200 millions de Francs.
Vous semblez l’ignorer, mais les contribuables et les automobilistes qui ont eu à essuyer la gestion calamiteuse du PPM s’en souviennent encore.
Tout de même !
Curieuse attitude d’un président de Région, aujourd’hui grand expert en finances publiques, alors qu’il affiche à son palmarès celui de la ville la plus endettée de France. (Ce n’est pas moi qui le dit, c’est inscrit noir sur blanc dans le Rapport de la CRC sur votre gestion à la tête de la Ville de Fort de France).
Vous semblez également ignorer que le profil d’extinction de la dette que vous laissez à la Ville de FDF nous ramène à 2031 !
Et, il faut une certaine dose de culot, pour donner à Alfred MARIE-JEANNE des leçons de gestion quand on regarde les observations concernant votre propre gestion à la Ville de Fort de France :
Vous avez tenté de démontrer, en vain, que le compte administratif 2009 d’Alfred MARIE-JEANNE était déficitaire alors qu’en page 18 du Rapport de la CRC 2004 à 2010 de la ville de FDF (période où vous étiez maire de FDF) la juridiction financière stigmatise vos « résultats comptables souvent négatifs entre 2004 et 2010 »,
En page 10, la CRC est sans concession pour votre gestion : « En matière de transparence budgétaire et financière, l’absence de communication de certaines annexes aux documents budgétaires constitue un défaut d’information des élus, des partenaires de la ville et des citoyens ».
La fiabilité des comptes de la ville de FDF est mise en cause en page 10 « Absence de production de l’état des actifs de la collectivité », toujours en page 10 « Compte tenu des insuffisances et lacunes existantes au moment du contrôle, la vision patrimoniale de la ville de Fort de France ne peut être actuellement considérée comme sincère et complète » … (OUPS !)
page 11 « Un suivi incertain de la comptabilisation des immobilisations en cours », en page 22 « L’endettement de la ville augmente ainsi globalement de 50 millions d’euros en sept ans », en page 26 « une impasse de financement des investissements ».
J’arrêterai là les observations de la CRC vis-à-vis de votre gestion 2004-2010 à la ville de FDF puisqu’il s’agit d’un débat sur le rapport concernant la Région Martinique, mais, admettez Monsieur le Président que malgré votre manœuvre de recourir à un cabinet privé pour la gestion de votre prédécesseur vous êtes très mal placé pour donner des leçons au bon gestionnaire qu’il fut !
Alors, OUI, avec un tel palmarès, après vos promesses de 5 000 emplois, après l’explosion du nombre de chômeurs qui est passé, d’après les chiffres officiels de l’INSEE de 40 272 au 31 décembre 2010 à 52 672 demandeurs d’emplois au 31 décembre 2013, soit plus de 12 600 chômeurs en plus depuis que vous êtes à la tête de la Région Martinique.
OUI, mieux vaut faire profil bas et se concentrer sur l’essentiel.
L’essentiel aujourd’hui est de savoir comment, collectivement, nous allons nous préparer pour faire face à la crise durable.
L’essentiel aujourd’hui est d’expliquer au peuple quelles sont les initiatives de transition que nous pouvons prendre pour atténuer l’impact du choc de la crise économique et sociale actuelle.
L’essentiel aujourd’hui est de savoir quelles sont les stratégies financières efficientes que nous mettrons en œuvre à quelques mois de cette Collectivité Territoriale de Martinique que 68 % des électeurs attendent depuis 2010.
L’essentiel aujourd’hui est d’expliquer comment nous allons mettre à profit les recommandations et les préconisations de la CRC dans les politiques publiques à venir.
Ainsi, je ne reviendrai pas sur les conclusions du rapport de la CRC sur le tourisme, ni sur les aspects développés magistralement par le collègue Marie-Sainte, mais j’insisterai davantage sur le point 3 de ce rapport de la CRC relatif à l’audit et au Contrôle interne.
En l’espèce, c’est l’occasion de rappeler, contrairement aux affirmations péremptoires du collègue Rapporteur, qu’il n’existe pas d’obligations faites aux Collectivités territoriales de se doter d’un audit interne même si ces Collectivités doivent se soumettre à des procédures spécifiques de contrôle interne, parfois très rigoureuses.
D’ailleurs, il n’y a pas d’ambiguïté puisqu’à la page 43 du Rapport de la CRC, il est précisé que la France ne dispose pas de réglementation sur la mise en place d’audits internes dans les Collectivités.
Pour autant, on ne peut pas non plus se satisfaire de la situation actuelle qui ne laisse que peu de place à l’audit interne ou à l’évaluation des politiques publiques …ce n’est pas une culture de l’administration française même si on le voit présentement, dans le contrôle externe exercé par la CRC, on constate qu’elle se réfère à des notions d’efficience et de performance.
Parmi les actions menées par la Région, la CRC souligne la mise en place des tableaux de bord de suivi des délibérations à caractère financier et de suivi des délibérations au regard du contrôle de la légalité.
Il faut s’en féliciter. Cependant, il convient de s’interroger sur la réalité du contrôle de la légalité des délibérations à caractère financier en Martinique, s’interroger sur les moyens logistiques et humains dont disposent le Préfet pour assurer une telle mission de contrôle à posteriori.
C’est une véritable question qui pourrait d’ailleurs faire l’objet, Monsieur le Député, d’une question au Parlement.
Le rapport de la CRC préconise la mise en place d’un comité d’audit qui aurait pour charge « d’assurer le suivi et l’efficacité des systèmes de contrôle interne et des gestions des risques ».
C’est là une traduction d’une directive européenne dans le droit interne français, mais malheureusement en France il n’y a pas de véritable décentralisation car les Comptables de nos Collectivités territoriales, y compris de la Région, sont obligatoirement des agents du ministère des finances qui ont le monopole du maniement des fonds de la Collectivité (en dépenses et en recettes), mais aussi l’obligation de procéder à différents contrôles de conformité, notamment avant de payer les dépenses. Et c’est là que le bât peut blesser, et c’est pour cela que j’ai évoqué en début de proposer l’analyse politique et pas seulement technique de ce rapport de la CRC.
Car, parmi les contrôles de conformité on peut citer celui de la disponibilité des crédits budgétaires. Ce contrôle n’existe pas en France alors qu’il constitue un mode de contrôle original qui nous aurait valu l’économie de bien des déchirements sur l’accessoire quand il faut aller à l’essentiel !
S’agissant de la Collectivité Territoriale de Martinique, la CRC met en exergue votre absence d’anticipation et stigmatise votre stratégie. En page 39 du Rapport, la CRC précise que « l’endettement cumulé du Conseil régional et du Conseil général sera problématique pour la Collectivité Territoriale de Martinique ». Une sonnette d’alarme tirée à maintes reprises par votre prédécesseur, Alfred MARIE-JEANNE.
Enfin, je ne saurais terminer mon propos sans insister sur l’évaluation de la santé financière de la Région mais aussi de la future Collectivité Territoriale de Martinique.
Ceci sous-entend une qualité des procédures internes (ce qui passe par un guide des procédures), l’existence d’outils de pilotage, une administration compétente (quelle que soit la mandature, l’administration a été à la hauteur de la mission) et une … compétence des élus.
Ceci sous-entend également une formation des élus en finances publiques ce qui nous éviterait l’intrusion d’un administratif (le directeur des finances) que, Monsieur le Président, vous envoyez au charbon dans le débat politique que nous avons en plénière.
Voilà, chers collègues, mes observations sur le rapport de la Chambre Régionale des Comptes sur la gestion 2006-2013 du Conseil régional.
Martinique, le 11 février 2014
Louis BOUTRIN
Conseiller Régional de Martinique
(Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants)