LA MARTINIQUE AVANCE-T-ELLE DANS UNE IMPASSE ?

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Lu dans Rue89 : "La Martinique avance-t-elle ? Des propositions pour sortir de l'impasse"

« La Martinique avance », lit-on sur les routes de ce beau département français des Antilles. Ah, bon, a-t-on envie de rétorquer ?
Certes, des travaux routiers sont en cours ;

Certes, un système de Transport commun en site propre (TCSP), sera, promet-on, achevé en 2015. Il conduira de la gare maritime à l’aéroport Aimé-Césaire, ce qui lui vaut le qualificatif de transmodal (par parenthèse, le Nnimois que je suis fait, en ce moment, l’expérience d’un TCSP dont le coût a triplé entre le plan et la fin des travaux, qui est moins transmodal que son homologue de Fort-de-France, puisqu’il ne passe même pas par la gare SNCF ( !), et qui a plus créé d’encombrements que de transferts de l’automobile vers lui. J’ai donc quelques craintes pour mes amis martiniquais) ;

 

    • certes, encore,dans le sens de la Martinique qui « avance », au-delà des quatre éoliennes en exploitation, un projet de 53 de ces engins a été lancé, mais lorsque l’on sait qu’en Métropole il faut six ans par éolienne pour qu’elle tourne au vent... !
    • On avait mis beaucoup d’espoir dans la défiscalisation des investissements : loi Girardin et suites. On sait pertinemment que toutes ces dispositions ont été utilisées à des fins de défiscalisation par des épargnants aisés de métropole et des DOM-COM, et ont financé surtout de l’immobilier et des bateaux. Pas ou presque d’investissements productifs !
    • Des emplois dans le BTP, dans les banques et chez quelques promoteurs, mais rien d’autres dans le secteur productif marchand, fondement du développement économique, Cette niche fiscale aurait dû être carrément supprimée, mais les lobbies ont convaincu le gouvernement et Victorien Lurel. Pas de vague !

    Où sont les investissements productifs ?

    Nombre de départements français se sont désindustrialisés. Notamment autour des mines, de la métallurgie, du textile. Mais nos DOM-COM eux ne se sont jamais « industrialisés » au sens général que ce mot a en anglais, c’est-à-dire être le lieu d’investissements productifs et de créations d’emplois marchands.

    Pour des raisons qui tiennent autant aux mentalités qu’aux coutumes, et avec un potentiel exceptionnel, le tourisme reste largement au-dessous de ce potentiel. En Guadeloupe, notamment où le faible niveau du service et des grèves répétitives anciennes mais dont la mémoire pèse, ont découragé les touristes depuis longtemps ! On ne les ramènera pas simplement par une belle campagne télévisuelle ! Commençons donc, partout, y compris à Fort-de-France, par généraliser l’ouverture des commerces, au moins à la demande des croisiéristes, le samedi après-midi et le dimanche !

    Le PIB moyen des DOM-COM par habitant était de 17 500 euros en moyenne en 2010, contre 22 000 pour les régions les plus pauvres de France métropolitaine – Languedoc, Limousin ou Nord-Pas de Calais.

    Les capitaux locaux ne s’y sont investis, sauf exception, que dans la banane, et quelques produits tropicaux, et, surtout, la distribution : grand commerce concentré et automobile. S’il n’était évidemment pas question d’assembler des véhicules dans les îles, la grande distribution aurait pu y susciter en amont quelques productions, notamment agricoles.

    Tout le monde trouve son compte dans l’importation

    Que nenni ! Tout le monde trouve son compte dans l’importation. Des prix hauts, qui gonflent les marges et profits des uns, des droits de mer qui abondent les finances des collectivités locales. Connivence tacite de long terme mais économiquement perverse.

    Alors que ces plantes sont indigènes dans ces zones tropicales, on ne trouve de tubercules, ignames, patates douce... de Martinique qu’au petit marché. Celles des grandes surfaces sont importées de Costa Rica !

    Bouclons le cercle vicieux : une prime de 40% est versée aux fonctionnaires, d’Etat, sur budget national, et locaux, sur celui des collectivités locales, pour alimenter la consommation et vider les gondoles des hypers, et, sur les mêmes droits de mer, les collectivités locales ont développé les emplois publics pour pallier le manque énorme d’emplois marchands.

    Les parlementaires, et dirigeants politiques locaux, ne pourraient-ils enfin trouver le courage, avec le gouvernement et un ministre de l’Outre mer qui veuille vraiment développer la Martinique, comme les autres DOM-COM, d’élaborer un vrai plan de développement à deux horizons, trente ans et dix ans ?

    Dans trente ans, toute l’énergie renouvelable

    A trente ans, décider que nos îles n’utiliseront plus de combustibles, mais que toute l’énergie consommée sera renouvelable. Aussi bien pour la consommation domestique que pour les véhicules tous électriques.

    Les Antilles sortiront ainsi de la dépendance pétrolière de la Sara, filiale de raffinerie bénéficiaire de Total qui, en connivence totale avec les pompiste, bloque régulièrement les îles par des grèves plus ou moins spontanées et a été au centre de la légitime révolte contre la « pwofitasion » de 2009 de nos compatriotes d’Outre-Atlantique.

    Sources : le vent, le soleil, en Guyane la géothermie, les hydroliennes, la biomasse de seconde génération. Les deux premières sont intermittentes, c’est vrai ! Mais pas les trois autres. De plus, on sait déjà un peu stocker et on peut espère avoir largement progressé sur trente ans.

    Il faut notamment doubler voire tripler l’objectif d’éoliennes pour la Martinique et prendre des mesures législatives, peut-être propres aux îles, pour réduire les recours et les délais d’instruction.

    Financement public-privé. Pour la part publique – voici le blasphème vraiment porteur d’avenir – on supprime progressivement, par tranches de 10% l’an, la surprime de 40% et on en bascule l’exacte totalité vers ces investissements, et, dès maintenant, vers la formation d’apprentis pour le montage et la maintenance de tous ces matériels.

    Entre-temps l’importation des matériels alimentera encore les chers droits de mer. Cette suppression des 40% (50% à la Réunion, 75% à Tahiti...), c’est l’application du vieux précepte : au lieu de donner le poisson, apprendre aux gens à le pêcher.

    Trois projets pour l’avenir

    A l’horizon de dix ans maintenant au moins trois possibilités, et sûrement plus à débattre avec les élus locaux :

    • d’abord le tourisme. Non seulement mieux former, et augmenter la plage d’ouverture des commerces, mais « théâtraliser » les divers sites, les « habitations », les sites naturels avec l’aide de la réalité virtuelle, retrouver et mettre en valeur ce qui reste des amérindiens caraïbes... Aller collectivement, collectivités territoriales, chambre de commerce et d’artisanat, « vendre » les îles sur les grands marches d’opérateurs de circuits ;
    • en second lieu, promouvoir le retour à une agriculture destinée à l’alimentation locale avec le « kilomètre zéro » pour le maximum de produits d’alimentation (végétaux comme animaux), indigènes ou non, et l’exportation « bio » comme seul objectif. Toutes les autres exportations de produits tropicaux courants « pesticides » sont trop concurrencés ;
    • enfin, puisque nous sommes si fiers, à juste titre, de notre médecine , pourquoi ne pas faire de nos îles en divers points du monde, des « vitrines » de cette médecine, et en vendre les services aux classes moyennes naissantes alentour, qui n’ont pas accès chez elles à une telle qualité de soins, où, au contraire, comme aux Etats-Unis aux mêmes soins trop chers.

    Je sais que de jeunes Antillais guyanais, ou réunionnais créent déjà des entreprises et que des pépinières existent un peu partout. Elles porteront leurs fruits.

    Mais ce qui précède est à notre portée, peut « faire masse » plus vite et, surtout font sens pour des départements français qui sont encore au seuil du développement mais qui doivent bien finir par y entrer. La phrase de Césaire n’a jamais été aussi vraie : « Nous avons des paysages, reste à en faire des pays. » Ajoutons juste un qualificatif : « économiques ».

    SOURCE : Rue89